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Claude Lelouch : « Tous les gens qui viennent à Cannes sont maso »

En 1974, venu présenter hors compétition son dernier film sur la Croisette, Claude Lelouch se fait siffler lors de la projection. Devant la caméra de l’émission « Couleurs du Festival de Cannes », il livre sa vision du festival... et c’est cash.

  • Claude Lelouch à Cannes, 1974
  • INA

Lelouch a une histoire compliquée avec Cannes. En 1966, Un homme et une femme (et son fameux « Daba Dabada Daba Dabada ») repartait avec la Palme d’or. En 1972, L’aventure, c’est l’aventure récoltait une soupe à la grimace. Cette année-là, en 1974, avec Toute une vie, présenté hors compétition, c’est carrément la douche froide. C’est peu dire que ce film fleuve de 2 heures et demie, dont l’action s’étend sur trois quarts de siècle entre l’Europe et l’Amérique, est mal accueilli et mal compris – ça ne sera pas la dernière fois. La projection part en vrille, ça chahute, ça siffle ! Avec pas mal de panache, Lelouch tente, lors de la conférence de presse houleuse qui s'ensuit, d’expliquer ce qu’il a voulu faire : parler d’un monde où deux idéologies contraires s’affrontent sans s’écouter. Il se défend d’avoir fait un film de droite ou de gauche, il est de ceux qui doutent, et la citation fameuse de Tristan Bernard qui ouvre Toute une vie – « Tous les hommes sont sincères, mais ils changent constamment de sincérité » – donne bien le ton.

« J’ai construit le film pour que constamment tout ce qui est dit soit contredit dans la seconde suivante, c’est comme ça que je mène ma vie. Vous, vous n’avez laissé aucune chance aux personnages de se contredire les uns les autres. »

Pas sûr que les critiques soient très sensibles à cette position. On est en pleine campagne électorale et Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand s’affrontent pour la présidence de la République (le premier va l’emporter quelques jours plus tard, le 19 mai), chacun est sommé de choisir son camp.

Après la tempête, alors que l’émotion est un peu retombée, on retrouve Lelouch sur la Croisette en compagnie de quatre de ses comédiens, partagés entre la colère et l’amusement. Ironique, sans doute blessé mais tout de même beau joueur, le réalisateur tire une conclusion plutôt vacharde de sa mésaventure cannoise.

« Tous les gens qui viennent à Cannes sont maso. On ne peut pas venir ici si on est normal. Ça défie toutes les lois de la décence, y a pas un seul gentleman sur la Croisette. Si on vient ici, c’est pour se battre et imposer des idées d’une façon ou d’une autre, pour insulter des gens, pour faire son numéro, pour vendre sa salade. C’est une foire. Toutes les personnes qui pensent que Cannes est autre chose qu’un grand cirque ne sont jamais venues. »

Pour regarder l’extrait, c’est ici.👇

Claude Lelouch : "Le Festival de Cannes c'est une foire !"

 

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Publié le 07 mai 2025

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