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Le premier « rendez-vous » de Juliette Binoche

Entre inquiétude, émotion et pudeur : quand l’icône du cinéma français, présidente du jury du prochain Festival de Cannes, foulait le tapis rouge pour la première fois.

  • Juliette Binoche.
  • © INA

Cannes, 1985. Juliette Binoche, 21 ans, foulait le tapis rouge pour la première fois.
Après quelques apparitions remarquées (Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard, La Vie de famille de Jacques Doillon), la future présidente du 78e Festival (du 13 au 24 mai prochain), y défendait là son premier grand rôle : celui, écorché, incandescent, éminemment romanesque, de l’apprentie comédienne du Rendez-vous d’André Téchiné, « une fille insouciante, un peu frivole, qui va d’hommes en hommes, d’appartements en appartements », commente-t-elle au micro de Pierre Tchernia, dans cette pépite dévoilée par l’INA et disponible sur france.tv.

— Est-ce que c’est un problème de tourner nue ?

— Ce n’est pas une question de problème / pas problème...

Juliette Binoche interviewée par Pierre Tchernia à propos de « Rendez-vous » – Festival de Cannes 1985

Le film, récit initiatique sulfureux et dérangeant, notamment à cause de ses scènes de sexe crues, à la limite du sado-masochisme, allait remporter le Prix de la mise en scène et lancer la carrière de Juliette Binoche, dont la vivacité, l’intensité et le naturel crèvent l’écran. « Je suis née au Festival de Cannes », déclare-t-elle souvent.

J’ai un rôle à jouer, à assumer, des scènes difficiles, mais qui sont nécessaires pour l’histoire [...]. Ce qui est important, c’est que ces scènes [...] ne sont pas du tout gratuites.

Juliette Binoche interviewée par Pierre Tchernia à propos de « Rendez-vous » – Festival de Cannes 1985

Depuis, la vague #MeeToo est passée et la comédienne a eu l’occasion de revenir sur l’expérience de ce film, apportant son témoignage autant que son soutien au mouvement. Dans un entretien marquant paru dans Libération en avril 2024, elle se souvenait ainsi du tournage : « Il ne m’échappait pas complètement que ce besoin effréné de corps nus au cinéma dans les années 1980-1990 ne concernait que les jeunes femmes […]. Sur Rendez-vous, pendant l’hiver glacial 1984, j’avais assimilé les exigences du tournage : froid, nudité, humilité. Et parfois humiliation. J’acceptais tout avec fougue. »

En 1985, elle n’y coupe pas : elle est une jeune actrice inconnue, autant dire de la chair fraîche, et les questions de Pierre Tchernia se portent évidemment sur son corps et sa nudité. Avec aplomb, malice et adresse, elle réussit à déjouer toute concupiscence, témoignant déjà, derrière l’émotion et l’inquiétude que l’on sent palpables, d’une maturité et d’une perspicacité qui forcent l’admiration. Juliette Binoche, ou l’art délicat d’être au rendez-vous.

Juliette Binoche, Lambert Wilson et
Juliette Binoche, Lambert Wilson et Wadeck Stanczak dans « Rendez-vous ».
© DR

Une icône à la tête du jury

Du 13 au 24 mai, Juliette Binoche succédera à la réalisatrice américaine Greta Gerwig en tant que présidente du jury du Festival (c’est la deuxième fois dans l’histoire du festival, après Olivia de Havilland et Sophia Loren en 1965 et 1966, que deux présidentes se passent le flambeau).

Quarante ans après Rendez-vous, elle revient à Cannes en véritable icône du cinéma, forte d’une carrière sans faute (près de 70 films), nourrie de choix instinctifs, incisifs, engagés et assumés, faisant le lien entre films d’auteurs et blockbusters, cinéma français et international. Sans-abri à demi-aveugle dans Les Amants du Pont-Neuf aux côtés de Denis Lavant (Léos Carax, 1988), veuve combattive dans Trois Couleurs : Bleu (Krzysztof Kieślowski, 1993, premier César), marquise romantique dans Le Hussard sur le toit (Jean-Paul Rappeneau, 1995), infirmière dévouée dans Le Patient anglais (Anthony Minghella, 1996, premier Oscar), George Sand passionnée dans Les Enfants du siècle (Diane Kurys, 1999), pâtissière altruiste aux côtés de Johnny Depp dans Le Chocolat (Lasse Hallström, 2001), bourgeoise sous pression dans Caché (Michael Haneke, 2005), antiquaire fébrile dans Copie conforme (Abbas Kiarostami, 2010, Prix d’interprétation à Cannes), Camille Claudel chez Bruno Dumont (2013), alter ego de Florence Aubenas dans Ouistreham (Emmanuel Carrère, 2021) : sa présence solaire sublime aussi bien ses rôles de femmes écorchées que d’héroïne de comédie romantique.

Et toi, quel est ton rôle préféré de Juliette Binoche ?
Dis-nous en commentaire. 

 Ses premiers pas à Cannes c'est par ici  👇

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Publié le 07 mai 2025
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