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« Penser est dangereux mais ne pas réfléchir est plus dangereux encore »

Elle fait partie des auteurs politiques les plus lus dans le monde. Dans le documentaire « Hannah Arendt, la liberté d’être libre », archives et témoignages nous plongent dans la vie et l’œuvre d’une philosophe majeure du XXe siècle, dont les recherches sur la « banalité du mal », les origines du totalitarisme ou la condition de l’homme moderne continuent de susciter enthousiasmes et polémiques et conservent une résonance terriblement actuelle.

  • Hannah Arendt, la liberté d’être libre
  • © D18 Paris

En 1941, une jeune intellectuelle juive allemande débarque à New York avec 25 dollars en poche, sans parler un mot d’anglais. Elle a fui le nazisme, vécu dans la pauvreté à Paris, avant d’être emprisonnée dans un camp d’internement comme apatride, de s’en échapper pour gagner Lisbonne, puis de rejoindre l’Amérique, grâce à un réseau d’aide aux réfugiés.

La suite, ce sont des petits boulots, des piges dans les journaux, un modeste poste de professeure d’histoire européenne, une position longtemps marginale... Le nom d’Hannah Arendt fait une entrée fracassante dans le monde intellectuel en 1951 avec Les Origines du totalitarisme, un pavé où elle tente d’analyser l’anéantissement du politique, de la pensée et de la liberté dans l’Europe de l’entre-deux-guerres (elle y décrit les effets du racisme, de l’antisémitisme, de la bureaucratie, des mouvements de masse, des idéologies, de la solitude des individus, du déclin de l’État-Nation, etc.)

Le livre va faire date, salué par les uns, critiqué par les autres (qui refusent qu’on puisse établir des parallèles entre nazisme et stalinisme), et l’enseignement peu conventionnel de la désormais professeure de théorie politique devenir légendaire : des cours à l’allure assez théâtrale où Arendt convie ses étudiants à participer à une véritable dramaturgie de la pensée en train de se faire.

Au 370 Riverside Drive, à New York, où elle habite, la philosophe réunit autour d’elle sa tribu d’intellectuels, pour beaucoup exilés, parlant souvent un mélange d’anglais et d’allemand. On fume, on boit, on mange, on danse, on refait le monde. Mais ce fragment de l’ancienne Europe résistera mal à l’« affaire Eichmann ». En 1961, Arendt assiste à Jérusalem au procès retentissant d’Adolf Eichmann, un haut fonctionnaire nazi capturé par les services secrets israéliens en Amérique du Sud. Elle s’attendait à un monstre, elle trouve un homme médiocre à la défense laborieuse. « Eichmann à Jérusalem », qui paraît dans le magazine The New Yorker en 1963 lui vaut des critiques acerbes. On lui reproche son ton ironique, son manque d’empathie pour les Juifs. L’expression « banalité du mal », en particulier, suscite la polémique et des brouilles durables et douloureuses avec certains de ses amis.

Qu’ai-je voulu dire [par « banalité du mal »] ? Pas que le mal est ordinaire, mais que le mal était surtout  banal au sens d’une superficialité qui faisait dresser les cheveux sur la tête. Non seulement le mal n’est pas radical, mais il n’a pas non plus de racines. C’est un phénomène de surface, il peut s’étendre dans le monde entier et le dévaster, précisément parce qu’il n’a de racines nulle part.

Hannah Arendt

Au fond, toute sa vie, Hannah Arendt aura défendu – et illustré – l’absolue nécessité et l’absolue liberté de penser pour parvenir à la vérité et à la compréhension de nos actes. Quoi qu’il en coûte. 

Il n’existe pas de pensée dangereuse pour la simple raison que le fait de penser est en lui-même une entreprise très dangereuse... mais ne pas réfléchir est plus dangereux encore.

Hanna Arendt



C’est à voir le vendredi 6 juin à 22.50 sur France 5 et sur france.tv 👇

 

Hannah Arendt, la liberté d'être libre

 

Publié le 28 mai 2025
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