Entre 1956 et 1962, l’armée française a utilisé à grande échelle des gaz toxiques contre les combattants algériens. Soixante ans après les faits, la réalisatrice Claire Billet et l’historien Christophe Lafaye lèvent le voile sur ce tabou – ce scandale – de la guerre d’Algérie. À travers cette enquête, recueillant les témoignages de vétérans français et algériens et ceux d’experts dans le domaine des armes nucléaires, biologiques et chimiques, ils détaillent le contexte et l’ampleur de cette guerre chimique. Avec pédagogie, ils révèlent comment les responsables de l’époque ont ordonné, testé puis utilisé des gaz toxiques (le CN2D, un irritant puissant doublé d’un agent vomitif) pour éliminer les combattants cachés dans les grottes.
Avec la torture et le déplacement des populations, la guerre chimique est le dernier élément d’une série de brèches dans les engagements internationaux de la France que celle-ci a bafoués pour mener sa guerre coloniale.
La mémoire à vif de la guerre d’Algérie
Plus d’un demi-siècle après les combats, les parois des quelque 440 grottes identifiées sont toujours contaminées par les gaz toxiques. La guerre, toujours, se tient en embuscade, n’en finit pas de laisser béantes les plaies de l’histoire. En faisant toute la lumière sur cette page sombre de la décolonisation, le documentaire montre également tout à la fois la nécessité et la difficulté à travailler notre mémoire collective.
L’accès aux comptes rendus d’opérations et aux documents d’état-major est extrêmement restreint (certaines archives sont même officiellement considérées comme « incommunicables à perpétuité ») et il a fallu aux deux auteurs partir en quête des archives nationales d’Outre-mer, de fonds privés, de courriers collectés chez des descendants pour pouvoir raconter et documenter ce scandale. D’abord expérimental en 1956, l’usage des gaz toxiques s’est généralisé sur l’ensemble de l’Algérie à partir de 1957, avec la création de la Brigade armes spéciales, mise en place à la faveur du plan Challe (du nom du général Maurice Challe).
Entre 8 000 et 10 000 opérations de ce type se seraient déroulées sur le sol algérien entre 1956 et 1962, des méthodes qui rappellent les « enfumades » auxquelles a eu recours le corps expéditionnaire français durant la conquête de l’Algérie au XIXe siècle.
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