Le 10 septembre 2025, l’influenceur américain Charlie Kirk est abattu à l’université d’Utah Valley à Orem (Utah), où il participait à un « débat » (on y reviendra). Filmées en direct par des étudiants, les images du meurtre inondent en quelques minutes les réseaux sociaux et choque l’Amérique. Le jour même, le président Donald Trump rend hommage à la victime, dont le corps est rapatrié à bord d’un avion officiel ; le lendemain, c’est au tour du vice-président J.D. Vance d’appeler à prier pour le défunt. Le 21 septembre, une cérémonie d’hommage réunit 100 000 personnes et l’administration Trump au grand complet. Le président y annonce que Kirk recevra la médaille de la Liberté à titre posthume. On apprend au même moment que le Sénat et la Chambre des représentants ont décidé de faire du 14 octobre une journée annuelle de commémoration nationale du meurtre de l’influenceur… Journalistes, commentateurs et politiques se perdent en hypothèses au sujet de l’assassin présumé – rapidement arrêté – et de ses motivations, pointent du doigt, sans beaucoup d’éléments, la « gauche radicale » (concept nébuleux aux États-Unis) et sa violence (démentie par les statistiques)…
Comment expliquer un tel emballement dans un pays où la violence est malheureusement une tradition ancienne et durable, qui compte plus d’armes à feu que d’habitants et qui affiche le sinistre record de 24 tueries de masse en moyenne par an ? La violence politique, plus particulièrement, est ici un mal endémique, et nettement marqué à l’extrême droite, comme en témoigne encore récemment le meurtre de Melissa Hortman, députée à la Chambre des représentants du Minnesota engagée en faveur du droit à l’avortement et abattue avec son mari en janvier par un fondamentaliste chrétien. Un drame qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’a pas suscité le même traitement politique et médiatique…
Qui était donc ce Charlie Kirk ? Un influenceur conservateur célèbre (10 millions d’abonnés) aux opinions « controversées » mais ouvert au dialogue – comme il est régulièrement présenté ? L’historienne Sylvie Laurent, spécialiste des États-Unis, professeure à Sciences Po, préfère parler d’un activiste d’extrême droite, raciste, suprémaciste, dont les prises de position auraient été tout bonnement jugées illégales en France. Ses cibles ? Les Afro-Américains, les homosexuels, les transexuels, les femmes, les émigrés… Ses « débats » ? Des « exécutions », comme il les appelait lui-même, des performances de force oratoire masculine lui permettant de clouer le bec à des étudiants présentés comme « woke ». En somme, un charisme (incontestable), des provocations et des moyens modernes destinés à fasciser l’opinion et à tenter de convertir la jeunesse américaine aux vieilles idées conservatrices et religieuses.
Le président Trump devait bien cet hommage aux accents christiques à ce fidèle serviteur présenté désormais comme martyr de la liberté de parole. Du reste, la mort tragique de ce « héros américain » sert opportunément son agenda politique en lui permettant d’accentuer un peu plus sa chasse aux sorcières contre tous ceux qu’il considère comme ses ennemis : libéraux, universitaires, féministes, émigrés, militants pour les droits des Palestiniens, animateurs de télévision…










