Johnny Depp contre Amber Heard, un procès qui s’est joué en réseaux

Que s’est-il passé entre les deux stars hollywoodiennes pour que la Toile s’enflamme au point de déchaîner une haine féroce contre Amber Heard ? « La Fabrique du mensonge » décrypte une affaire intime qui dérape, attisée par la paranoïa masculiniste : « L’Affaire Johnny Depp / Amber Heard – La justice à l’épreuve des réseaux sociaux » à 20.55 sur France 5.

Leur séparation a fait couler beaucoup d’encre sur le couple Depp-Heard. En décembre 2018, Amber, sans nommer son ex-mari, s’était décrite dans les colonnes du Washington Post comme une « personnalité publique représentant les violences conjugales ». L’interprète de Pirate des Caraïbes n’a pas du tout apprécié l’insinuation, a pris la mouche et porté plainte contre la comédienne pour diffamation. 

7 semaines, un procès en ligne
Au printemps 2022, une frénésie médiatique accompagne le procès Johnny Depp contre Amber Heard, diffusé en direct sur Internet et commenté dans le monde entier. Ce déchaînement se transforme en croisade de haine et de dénigrement en ligne contre Amber Heard. Derrière les railleries habituelles des réseaux sociaux se cache en réalité une campagne orchestrée par des groupes d’hommes en colère, qui, depuis des années, font de la haine contre les femmes leur priorité : les masculinistes. Ces hommes voient le mouvement MeToo comme une menace et estiment que le féminisme met nos sociétés en danger. Pour eux, ce procès est l’occasion inespérée de remettre en cause la parole des femmes et de faire basculer l’opinion.  
Parmi ces masculinistes, des hommes aux profils très différents : certains frustrés et renfermés, et d’autres plus virilistes, persuadés d’être supérieurs aux femmes. Des hommes parfois prêts à légitimer le viol, comme le Britannique Andrew Tate, mais aussi des jeunes isolés, appartenant à la communauté des Incels, pour involuntary celibates. Ces célibataires involontaires sont des hommes obsédés par l’idée de punir les femmes qu’ils tiennent responsables de leur misère sexuelle. Ils sont considérés comme une menace terroriste par le département de la sécurité intérieure des États-Unis.
Fausses informations, propagande, raids numériques… Le harcèlement en ligne orchestré par ces hommes n’a qu’un but : faire taire les femmes. À l’occasion du procès de Johnny Depp face à Amber Heard, les masculinistes sont parvenus à imposer leur récit dans l’opinion publique. Mais comment ont-ils pu bousculer le mouvement MeToo et conforter une violence systémique contre les femmes ?

En ligne et contre tous
La manipulation de l’opinion a continué bien après le verdict. Encore aujourd’hui, on trouve sur les plateformes de vidéos gratuites des hommes qui, par tous les moyens, essayent de « prouver » la duperie d’Amber Head. Comme, par exemple, cette démonstration à charge tentant, par le biais de l’étude comportementale d’Amber Heard, de montrer les attitudes qui trahissent ses mensonges. Manipulation grossière de l’auteur de ce re-montage du procès qui ne prouve finalement qu’une chose : Johnny Depp est meilleur comédien, et il a plus d’argent pour se payer de meilleurs conseillers. Une question reste posée : qui est vraiment derrière ces hordes de sauvages ?

Je suis encore plus déçue par ce que ce verdict signifie pour les autres femmes. C’est un retour en arrière. Cela remonte le temps à une époque où une femme qui parlait pouvait être publiquement humiliée. Cela remet en cause l’idée que la violence envers les femmes doit être prise au sérieux.

Amber Heard exprime sa crainte que cette décision de justice fragilise le mouvement #MeToo

Verdict
Au tribunal de Fairfax, dans l’État de Virginie, les jurés ont finalement rendu leur décision le mercredi 1er juin 2022 : l’acteur a obtenu une immense victoire puisqu’il a été jugé qu’il avait bel et bien été victime de diffamation. Il a obtenu 15 millions de dollars de dommages et intérêts.

Cécile Delarue, auteur du documentaire
Journaliste indépendante, Cécile Delarue a travaillé pour les rédactions de Complément d’enquête et de Sept à huit, avant de partir vivre aux États-Unis pendant neuf ans. Correspondante à Los Angeles pour la presse et la télévision française (Marie Claire, Grazia, L’Obs, TV5 Monde, Envoyé spécial, Complément d’enquête), elle a réalisé des documentaires sur le cinéma et la société américaine pour Canal+, France 3 ou 13Rue et écrit deux livres sur la société américaine, Black Out et No Access (Éditions Plein Jour).

Les intervenants

Nadia Daam, journaliste — Éric Fassin, sociologue — Marie Peltier, historienne, spécialiste du complotisme — Stéphanie Lamy, chercheuse, spécialiste des stratégies de désinformation — Geneviève Fraisse, philosophe de la pensée féministe — Constance Vilanova, journaliste — Christie D’Zurilla, journaliste au Los Angeles TimeLisa Bloom, avocate, spécialiste des violences conjugales et sexuelles — Madeline Peltz, chercheuse, spécialiste de l’extrême droite, Media Matters — Brianna Wu, développeuse de jeux vidéo — Imran Ahmed, directeur du Centre de lutte contre la haine numérique (CCDH) — Nina Jankowicz, ex-directrice du Conseil de la désinformation à la Maison Blanche — Tristan Mendès France, maître de conférence associé, spécialisé dans les cultures numériques — David Chavalarias, mathématicien, spécialiste de l’influence des réseaux sociaux — Valérie Rey-Robert, autrice — Rose Lamy, autrice — Thibault Grison, chercheur en sciences de l’information et de la communication — Denis Rossano, journaliste spécialiste d’Hollywood — Pauline Ferrari, journaliste — Noëmie Leclercq, journaliste. 

Après la diffusion du documentaire, Karim Rissouli proposera un débat de 30 minutes (noms communiqués ultérieurement).

 L’histoire du mouvement #MeToo 
#Lafabriquedumensonge 


 

Affaire Johnny Depp / Amber Heard
« Affaire Johnny Depp / Amber Heard »
© Together Media

La Fabrique du mensonge
Affaire Johnny Depp / Amber Heard – La justice à l’épreuve des réseaux sociaux

Johnny Depp contre Amber Heard. L’histoire de deux stars d’Hollywood qui s’accusent de violence conjugale, lors d’un procès pour diffamation diffusé en direct sur Internet, et commenté dans le monde entier.

Un film de Cécile Delarue — Rédactrice en chef Elsa Guiol — Commentaire
Karim Rissouli — Production Babel Doc, Stéphanie Lebrun — Together Media
Félix Suffert Lopez, avec la participation de France Télévisions et du Centre National du Cinéma et de l’Image animée

La Fabrique du mensonge : Affaire Johnny Depp / Amber Heard – La justice à l’épreuve des réseaux sociaux est diffusé dimanche 12 février à 20.55 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv

Publié par Diane Ermel le 10 février 2023
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