« Enfants sous influence, surexposés au nom du like » : les dérives des familles influenceuses

Un documentaire à découvrir dans « Le Monde en face »

Entre témoignages inédits et investigation, ce documentaire d’Elisa Jadot décrypte le dangereux business des parents influenceurs. Une mécanique infernale aux conséquences parfois désastreuses pour les enfants surexposés sur les réseaux sans leur consentement éclairé. « Enfants sous influence, surexposés au nom du like » est à découvrir dans « Le Monde en face » dimanche 17 septembre, à 20.55, sur France 5. Le documentaire sera suivi d’un débat animé par Mélanie Taravant.

« Enfants sous influence, surexposés au nom du like ». © Babel Doc et Together Media

« Si vous pensez que partager la vie de votre enfant sur les réseaux sociaux est un acte innocent, je suis venue vous dire que vous avez tort. » 

Cam, 24 ans, victime d’une mère accro aux likes, a vu son enfance déballée publiquement sur les réseaux sociaux. Son quotidien, ses premières règles, tout a été filmé, posté… « C’est comme si tous les moments que je passais avec elle étaient organisés uniquement pour être postés sur Facebook. » Et c’est pour prévenir, plutôt que guérir, que la jeune femme américaine porte aujourd’hui la voix de tous ces enfants dont le quotidien et l’intimité sont dévoilés sans leur consentement. « Nous avons besoin d’agir maintenant car ces enfants ne peuvent pas s’exprimer par eux-mêmes. C’est déterminant pour leur santé mentale », conclut celle qui, souffrant encore d’anxiété, a toujours l’impression d’être suivie dans la rue. Les conséquences désastreuses d’une surexposition… Et un message qu’elle tente de faire remonter aux parents, mais aussi au sommet de l’État, en racontant son histoire au Congrès de Washington qui travaille sur une loi visant à protéger les enfants sur les réseaux sociaux.

La famille : un business lucratif

Pour Delphine de Vigan, auteure des Enfants sont rois, c’est l’arrivée du smartphone qui a tout bouleversé, avec cette possibilité, pour tout individu lambda, de « créer sa propre téléréalité ». Aujourd’hui, n’importe qui peut accéder à la notoriété et capitaliser sur sa vie de famille. De produits dérivés en partenariats rémunérés, les parents bâtissent un business autour du quotidien, de l’intimité, et parfois des souffrances, d’un ou plusieurs de leurs enfants, persuadés, comme l’explique Delphine de Vigan, « de [leur] construire un avenir radieux et merveilleux »Pour Jessica Thivenin, influenceuse aux six millions d’abonnés, les revenus engrangés grâce aux réseaux, aux marques dérivées qu’elle a développées ou par le biais de ses livres à succès mettent sa famille à l’abri. Et la jeune mère de deux enfants l’avoue aisément : si elle partage publiquement sa vie, c’est pour le business. Mais Jessica confie aussi avoir trouvé dans ce partage la force nécessaire pour affronter la maladie de son fils… 
Kelly Bessis, créatrice de contenus, et approchée par les marques dès son début de grossesse, espère quant à elle rester « ultra consciente » et faire en sorte que son gamin ne serve pas de faire-valoir à un produit. Mais une fois le business lancé, est-il si facile de sortir de ce système ô combien lucratif ?  

 « Enfants sous influence, surexposés au nom du like »
« Enfants sous influence, surexposés au nom du like ».
© Babel Doc et Together Media

La question du consentement

Derrière cette logique économique, qu’en est-il de la question essentielle du consentement de l’enfant ? Sarah, elle, est une mère à contre-courant. Sur les réseaux, elle plaide pour que les parents protègent l’intimité de leur enfant. « Vous n’invitez pas des inconnus dans la rue à regarder votre enfant dans son bain ? Pourquoi le publier publiquement ? » Et si les vidéos d’enfants, favorisées par les algorithmes, cartonnent sur le web en fédérant un large public, d’enfants et de jeunes parents, elles attirent aussi bon nombre de pédophiles…
Aujourd’hui, un enfant de moins de 13 ans cumule en moyenne 1 300 photos et vidéos à son effigie postées sur les réseaux par l’un de ses proches… Cette année, l’Assemblée nationale a voté une loi visant à protéger le droit à l’image des enfants sur les réseaux sociaux en introduisant la notion de « vie privée » de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale du Code civil.
Pour Delphine de Vigan, la question du consentement demeure essentielle. « À 2 ans, l’enfant n’a pas la moindre idée de ce que cela représente. L’abus de pouvoir, la violence silencieuse »… Les enfants sont donc des victimes. « Tout comme leurs parents, victimes eux aussi d’un sytème, d’une époque… » Une mécanique infernale et destructrice…
« Plus vite vous pourrez y échapper, plus vite vous pourrez sauver votre relation avec votre enfant », rappelle Cam.

Enfants et réseaux sociaux : quelques chiffres

 — Un enfant apparaît en moyenne dans 1 300 photos et vidéos sur les réseaux sociaux avant l’âge de 13 ans.
— Les vidéos qui montrent un enfant comptabilisent 3 fois plus de vues que les vidéos ne comportant aucun enfant.
— 50 % des photos et vidéos qui s’échangent sur les réseaux pédocriminels proviennent des réseaux sociaux et ont été publiées par les parents eux-mêmes.
— 1 adolescent a attaqué sa mère en justice et l’a fait condamner pour l’avoir exposé sur les réseaux sociaux sans son consentement.

Pour poursuivre le débat

Enfants sous influence, surexposés au nom du like sera suivi d’un débat animé parMélanie Taravant, avec Elisa Jadot, la réalisatrice du documentaire ; Thomas Rohmer,directeur et fondateur de l’OPEN (Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique) ; Michaël Stora, psychologue-psychanalyste spécialiste des mondes numériques ; Carlos Da Costa, influenceur et père de trois enfants. 

Enfants sous influences
 « Enfants sous influence, surexposés au nom du like ».
© Babel Doc et Together Media

Le Monde en face : Enfants sous influence, surexposés au nom du like 

En Europe, aux États-Unis, au Canada et à Dubaï, ce documentaire mêle témoignages inédits et investigation. Il raconte et décrypte les dérives des familles influenceuses. L’intention des parents, même naïve au départ, devient l’objet d’une mécanique infernale, avec des conséquences de plus en plus dramatiques et irréversibles. La séparation parents-enfants, la pédocriminalité, parfois la mort. Un système capitalistique et destructeur qui s’est banalisé dans l’indifférence collective. Et si demain nos enfants pouvaient eux aussi nous reprocher notre imprudence, notre inconscience, celle d’avoir laissé des traces de leur enfance sur les réseaux sociaux sans leur consentement éclairé ? 

Avec la participation de Cam, ancienne enfant surexposée par sa mère, l’une des seules au monde à témoigner à haute voix (Chicago, USA) ; Jessica – @jessicathivenin –,une des mamans influenceuses les plus connues de France avec 6 millions d’abonnés (Dubaï, EAU) ; Kelly – @kellybessis –, ancienne influenceuse fitness reconvertie en maman influenceuse depuis le début de sa grossesse ; Oralie – @madamefloutch –, une des premières mamans influenceuses et fondatrice de l’agence d’influenceurs Just Go, spécialisée dans les familles ; Delphine de Vigan, auteure des Enfants sont rois, qui questionne notre époque et le rôle du numérique ; Guillaume Chaslot,ancien concepteur d’algorithmes chez YouTube et lanceur d’alerte ; Sijmen Ruhoff, expert en cyber-sécurité et hacker éthique qui lève le voile sur le plus gros site de rencontre pédocriminel du monde (Utrecht, Pays-Bas) ; Bruno Studer, député, auteur de la loi « Enfants youtubeurs » et dont le nouveau projet de loi vient protéger le droit à l’image et la dignité des enfants sur les réseaux sociaux ; Sarah – @mom.uncharted –, maman influenceuse à contre-courant qui dénonce la surexposition des enfants sur les réseaux sociaux et révèle des pratiques qui vont au-delà de toutes limites (Vancouver, Canada).

Documentaire (70 min – 2023) – Auteure et réalisatrice Elisa Jadot – Production Babel Doc et Together Media, avec la participation de France Télévisions

Diffusion dans Le Monde en face dimanche 17 septembre à 20.55 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv

Publié par Céline Boidin-Lounis le 14 septembre 2023
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