« Où enterrent-ils nos poubelles ? » : la face cachée de la gestion des déchets

On croyait que nos vieilles décharges ne seraient bientôt qu'un (mauvais) souvenir. Pourtant, en France, malgré les objectifs fixés par l'État, 20 % de nos ordures ménagères sont encore enterrés en sous-sol dans des installations gigantesques, légales et aux normes, dont certaines continuent de s'agrandir. À quel prix pour l'environnement ? Nouveau numéro de « Sur le front », présenté par Hugo Clément, lundi 22 janvier à 21.05 sur France 5.


Que deviennent nos déchets et nos ordures ménagères ? Nous n’en savons pas grand-chose, reconnaissons-le. Les habitants de Villers-Cotterêts, par exemple, interrogés au hasard des rues par Hugo Clément, ignorent que leurs poubelles finissent à 30 km de là dans un trou béant, comme 20 % de nos déchets. Les habitants d’un quartier résidentiel des Pennes-Mirabeau (une vingtaine de milliers d’âmes, près de Marseille) savent quant à eux à quoi s’en tenir. Pour leur malheur... À quelques centaines de mètres de leur salon, une immense décharge à ciel ouvert engloutit voracement chaque jour le contenu de 300 à 400 camions, attire des milliers de mouettes, de goélands et de rats bien dodus et dégage une odeur épouvantable.
La métropole Aix-Marseille, qui a récupéré la gestion de ses poubelles, a pris la décision de supprimer les poubelles jaunes des particuliers au profit de poubelles grises intégralement enfouies dans le sol. Raison invoquée : faire des économies. Moyennant quoi la facture – déjà supérieure de 40 % à la moyenne nationale – a, quant à elle, gagné 66 euros en trois ans ! Et c’est logique puisque l’État a créé une taxe visant à dissuader le développement des décharges. Résultat : ce sont les usagers qui trinquent. Et ce n’est pas terminé : la taxe était de 25 euros la tonne en 2020, et il est prévu qu’elle atteigne 65 euros dans deux ans. L’État a par ailleurs décidé de diviser par deux la quantité de déchets enfouis d’ici à 2025, en prenant l’année 2010 comme référence (19 millions de tonnes). Il faudra donc réduire à 9,5 millions de tonnes... Eh bien, c’est loin d’être gagné : on en est encore à 17 millions !
À Aurillac, il n’y a ni incinérateur ni décharge. Qu’à cela ne tienne, des camions emmènent les poubelles jusqu’à Montech (Tarn-et-Garonne), à 200 km de là ! Dans les Alpes, lorsque les communes se retrouvent débordées par les ordures en expansion à cause de la saison touristique, les poubelles partent pour la Suisse, où elles sont incinérées (puisque là-bas l’enfouissement est interdit depuis plus de vingt ans). Le transport des ordures représente dans notre pays 2 millions de tonnes de CO2, soit autant que le transport aérien en France métropolitaine !
À Montech, on ne parle pas d’enfouissement mais de « mise en sécurité des déchets » et de « protection de la nature ». Une protection qui, au Vallon-des-Pins, site d’enfouissement de déchets « non dangereux » ouvert en 2022 à Bagnols-en-Forêt (Var), a tout de même nécessité la destruction de 17 ha de forêt et le creusement d’un colossal trou de 50 mètres de profondeur où les ordures vont être compactées et compressées pendant vingt-cinq ans au-dessus d’une sorte de bâche de protection en plastique en principe ultra résistante et hermétique mais que certaines ordures non triées – des tonnes de verre, des déchets hospitaliers, des trottinettes électriques... – menacent d’endommager. L’endroit, qui a la forme de l’enfer de Dante, pourrait faire passer celui-ci pour un lieu de promenade. Déchets alimentaires, liquides de batterie et autres choses pire encore fermentent et s’écoulent sous la forme d’un « jus » hautement toxique qui doit être stocké dans une immense piscine afin d’être retraité. Cette poubelle géante produit aussi en abondance un gaz à effet de serre qui est brûlé sur place avant, un jour, de pouvoir faire rouler des autobus.
Mais peut-on raisonnablement espérer enterrer ces déchets pour l’éternité ? Beaucoup de décharges d’ordures ménagères ont fermé en France parce qu’elles étaient pleines à craquer. Et certaines se rappellent à notre bon souvenir : dans le gave de Pau, elles se délitent et vomissent peu à peu leurs déchets dans les cours d’eau...  L’éternité, comme on le sait, c’est long... surtout vers la fin.

« Sur le front : Où enterrent-ils nos poubelles ? »

Magazine (52 min – 2024) – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Victor Peressetchensky – Production Winter Productions
 
Diffusion le lundi 22 janvier à 21.05 sur France 5
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