L’édifiante enquête de « Vert de rage » sur la présence d’amiante dans nos écoles

C’est l’histoire d’un matériau classé cancérigène, avec lequel nous continuons de cohabiter bien qu’il soit interdit depuis 1997. Sa présence dans de nombreux bâtiments publics interroge et inquiète. « Amiante, nos écoles malades », une enquête inédite de « Vert de rage » à découvrir lundi 4 mars à 21.05 sur France 5.

« Vert de rage : Amiante, nos écoles malades ». © Premières Lignes Télévision

L’idéal, c’est de faire un masque dans lequel vous faites une fenêtre de dix centimètres sur dix centimètres. Vous allez prendre votre lingette, la passer de long en large en recouvrant bien le premier passage. Vous mettez votre lingette dans un sac étanche [...]. L’idéal, c’est d’aller prélever dans les angles parce que le dépôt sera plus important dans les zones où l’air circulera peu. Le dessus des armoires. Des endroits où la poussière va se déposer.

Méthodologie conseillée par Maxime Misseri, géologue et chercheur à l'université de technologie de Compiègne

Combien d’écoliers, d’enseignants, de personnels travaillant au quotidien dans les écoles françaises ont été, sont ou seront encore au contact de matériaux amiantés dégradés ? Combien verront leur santé touchée par cette promiscuité subie ? Combien de décès devrons-nous dénombrer avant que des travaux soient effectués dans tous les établissements concernés ? Des DTA (dossiers techniques amiante) ont beau avoir été réalisés, certains travaux entrepris, le nombre de bâtiments à assainir reste encore trop important pour qu’on puisse se réjouir.
En témoigne l’enquête menée par l’équipe de Vert de rage en France et à Zhitikara, au Kazakhstan (où se trouve la plus grande mine d’amiante du pays, une région qui détient les plus grandes réserves au monde de chrysotile), pendant plusieurs mois et dont la restitution des résultats a été présentée en juin 2023 lors d’une réunion publique. Face à l’annonce de taux bien supérieurs à la normale, les réactions n’ont pas tardé. « Il est dix heures à l’heure où je vous parle, précise Vincent Sevestre, lors de cette restitution. À cette heure, mon fils est en train de jouer sous un préau qui est ouvert au vent. Et dans ce préau ouvert, on est 970 fois supérieur à une norme américaine, qui pourrait tout à fait être une norme appliquée en France. C’est aberrant. Les taux sont absolument sans appel. »
À l’heure où des économies sont annoncées, s’il est un programme qui ne doit pas subir de coupe budgétaire, c’est bien celui consacré à la rénovation des bâtiments publics. Il en va de la santé de ceux qui les fréquentent à longueur de journée.

 

Mon père a travaillé dans l’usine d’amiante pendant des décennies, puis il est tombé malade et il est mort d’un cancer. Pendant toutes ces années, on lui a diagnostiqué une bronchite. Puis c’était trop tard, on ne pouvait plus l’opérer. C’était bien un cancer du poumon. Ici, l’essentiel est de ne surtout pas diagnostiquer des cancers liés à l’amiante. Qu’importe le diagnostic, du moment qu’il n’est pas en lien avec l’amiante. Si vous regardez les statistiques officielles, les gens meurent ici de tout sauf de maladies causées par l’exploitation des mines d’amiante. Les victimes sont comme invisibles.

Témoignage anonyme d’un habitant de Zhitikara, au Kazakhstan

Qu’est-ce que l’amiante ?

« Le terme amiante désigne un ensemble de silicates fibreux résistant au feu. Son synonyme, asbeste, qui vient du latin asbestos (« incombustible »), est peu utilisé en français. 
Deux groupes minéralogiques d’amiante, les serpentines et les amphiboles, sont ou ont été exploités industriellement et commercialement. Les serpentines ne comportent qu’une variété d’amiante : le chrysotile (amiante blanc). Les amphiboles comportent cinq variétés d’amiante : l’anthophyllite, l’amosite, l’actinolite, la trémolite et la crocidolite. Deux ont été très utilisées : l’amosite (ou grunérite amiante, amiante brun) et la crocidolite (amiante bleu).
Ces variétés d’amiante ont en commun d’être composées essentiellement d’atomes de silicium (Si) et d’oxygène (O) structurés en tétraèdres silicate (SiO4). Plusieurs éléments peuvent se combiner avec les atomes d’oxygène : magnésium, fer, sodium…
Un échantillon naturel d’amiante est composé d’une ou de plusieurs des six variétés minérales répertoriées et peut aussi contenir de petites quantités de minéraux siliceux non fibreux (quartz, feldspath, mica…). Certains granulats d’enrobés routiers ou de béton peuvent contenir des variétés amphiboles non asbestiformes, elles ont la même composition chimique que leur homologue asbestiforme et peuvent, sous certaines conditions, générer des fragments de clivage dont les critères dimensionnels les rendent inhalables. Ces variétés sont dénommées “particules minérales allongées d’intérêt” (PMAI). »
Source : INRS

J’en veux d’une part à mon employeur, parce que la loi dit quand même que l’employeur est censé protéger ses salariés. Dans la ville de Marseille, pendant quarante ou cinquante ans, les écoles ont été complètement abandonnées. Je me dis : « Mais on va laisser les enfants comme ça encore longtemps ? »

Marie-Josée, directrice d’école atteinte d’un cancer, en arrêt maladie depuis trois ans (son cancer a été reconnu comme maladie professionnelle)

Vert de rage : Amiante, nos écoles malades

Vingt-sept ans après son interdiction, l’amiante, un matériau cancérigène, est encore présent dans de nombreux bâtiments en France, et notamment dans les écoles. Plus de 85 % des bâtiments scolaires seraient susceptibles d’en contenir. Pourtant, personne ne connaît précisément l’ampleur exacte du danger. Aucun recensement officiel de ces écoles amiantées n’a été à ce jour réalisé par les autorités. En attendant, selon les chiffres de Santé Publique France, près d’une centaine de professeurs succomberaient chaque année à un mésothéliome : le cancer de l’amiante. Qu’en est-il des écoliers ?  
Pendant un an, Mathilde Cusin, Martin Boudot et l’équipe de Vert de rage ont enquêté sur le nombre d’écoles en France contenant encore de l’amiante. Dans toute la France, 50 000 écoles et 35 000 mairies qui en ont la responsabilité ont été contactées par les journalistes. Des dizaines de prélèvements ont ensuite été réalisés dans certains de ces établissements pour mesurer avec l’aide de scientifiques la contamination à l’amiante. La publication des résultats a eu un impact sans précédent et résonne même jusqu’au Kazakhstan, où des analyses inédites ont été effectuées par l’équipe de Vert de rage. Pour la première fois, des habitants vivant à proximité des mines d’amiante kazakhs vont pouvoir demander des comptes à leurs autorités. 

Série documentaire (52 min - inédit) – Auteurs et réalisateurs Mathilde Cusin et Martin Boudot – Compositeur The French Kids – Musiques additionnelles Cézame – Production Premières Lignes, avec la participation de France Télévisions, du Centre national du Cinéma et de l’Image animée et de Ushuaïa TV

Ce documentaire est diffusé lundi 4 mars à 21.05 sur France 5
Vert de rage : Amiante, nos écoles malades est à voir et revoir sur france.tv

À 21.55, vous pourrez revoir Les Damnés du pétrole, la précédente enquête de Vert de rage

Publié le 29 février 2024