Jardiner n’est pas un effet de mode, bien au contraire

C’est un mouvement en constante progression. Né d’un besoin de se raccrocher à une activité concrète et nourricière. Un plaisir partagé couplé à la fierté de cultiver son lopin de terre. Mardi 6 février à 21.05 sur France 5, « Potagers : si on semait ! » met en lumière ces jardiniers passionnés par leur carré potager. Préparez gants et outils, terreau, plants et graines, pour les suivre sur les toits de Paris, au cœur d’une cité, d’un collège, d’une ville ou tout simplement chez eux.

© Troisième Œil Productions

Le potimarron sur le fond, c’est une courge qui aurait pu être grosse mais qui est petite. Et qui est faite pour une famille de trois, quatre. La courge longue de Nice, c’est fait pour des grandes maisonnées. Et là, on a la différence entre des variétés nouvelles ou récentes (en désignant le potimarron) et des variétés anciennes (en montrant la courge de Nice).

Antoine Jacobsohn, conservateur au Potager du roi à Versailles

À moins d’être hermétique ou allergique au jardinage, mettre les mains en terre ne vous a jamais rebuté. Une activité manuelle à laquelle vous vous adonnez sans rechigner. On pourrait même avancer que cela est devenu, quand cela n’a pas toujours été, un véritable plaisir. On l’aura compris, dans votre cas, comme dans celui de nombreux passionnés, jardiner n’est pas un effet de mode. Même si l’on peut convenir que ce phénomène a pris de l’ampleur avec les confinements successifs de 2020 et 2021 auxquels nous avons été confrontés. Certains rejoignant les rangs en investissant le moindre centimètre carré avec plus ou moins de réussite. D’autres ont profité de cette période pour réfléchir à des solutions de potagers prêts à l’emploi, à des jardins implantés en dehors des espaces habituellement alloués pour ce type d’activité. Des idées qu’ils ont mis en pratique dès le confinement levé, comme vous pourrez le constater.
Oui, nous nous sommes senti l’âme verte, prêts à cultiver ici un pied de tomates, là des aromates, agrémentés de quelques fraisiers, oignons, pommes de terre ou poivrons, et parfois même des piments ou des christophines. Après tout, il suffit parfois de peu pour obtenir beaucoup. La preuve avec Valéry Tsimba. Malgré l’étroitesse de son balcon (il mesure soixante centimètres de large), ses quatre mètres carrés exposés sud-ouest sont envahis de plantes comestibles. « Là, j’ai décidé de cultiver en hauteur, explique-t-elle en fixant des bambous entre eux autour d’une fenêtre. Donc je vais avoir tout un mur végétal d’ici à quelques semaines. » Ailleurs, elle teste une structure pour contenir ses futures tomates. Toujours dans l’optique d’occuper le moindre espace libre, ses fraisiers regroupés par pot sont suspendus les uns au-dessus des autres. « C’est vraiment quelque chose d’encré en moi et c’est même quelque chose d’indispensable pour moi au quotidien, précise-t-elle en jardinant. J’ai besoin, en étant en ville, de pouvoir me connecter ou me reconnecter à la nature et en particulier à une activité qui me permet de m’évader. Et qui me permet aussi de joindre l’utile à l’agréable. À savoir cultiver pour récolter. Nourrir mon corps, nourrir mon esprit et accueillir la biodiversité. »

C’est un projet qui est né pendant la covid (...). On entendait les infirmiers, les médecins qui avaient plus à faire que ce qu’ils pouvaient faire. Et nous, on se disait : mais à quoi on sert ? Et en même temps, à la radio, j’entends sur France Inter qu’aux Restos du cœur et dans les distributions alimentaires, cela fait six mois qu’un certain nombre de personnes n’avaient pas vu un seul légume ou fruit frais. Quand on s’est revus, j’ai proposé aux collègues de faire des légumes (...) qu’on mette à disposition de ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter. 

Romaric Perrocheau, directeur des espaces verts à la ville de Nantes

La revanche du carré potager

Vous serez peut-être étonnés d’apprendre qu’à partir des Trente Glorieuses les jardins familiaux (nom donné depuis 1952 aux anciens jardins ouvriers), encore si nombreux pendant la Seconde Guerre mondiale, n’avaient plus autant la cote. On préférait se ruer au supermarché et profiter de ses congés loin du potager. Sans parler des extensions des villes, de la construction des routes ou des voies ferroviaires qui rognèrent peu à peu ces espaces verts partagés, au grand dam de ceux qui les occupaient. Si ses détracteurs jugeaient le jardinage ringard, il offrait une chance incroyable pour ceux qui en bénéficiaient : celle de pouvoir manger des légumes ou fruits de saison mûris à la perfection. Et au goût assuré. Bien loin des standards imposés par la grande distribution de l’époque.

Une vingtaine de sixièmes nous a rejoints cette année, donc on passe à soixante-quinze gamins (...). Tous les midis, ils sont toujours présents, ponctuels, fidèles. C’est à moi après d’être imaginatif pour les travaux d’automne et d’hiver.

Gilles Richard, professeur d’EPS (collège Le Parc à Dijon) à l’initiative du jardin potager

Heureusement notre lien à la terre, bien que distendu, ne s’est jamais rompu. Il suffirait de comptabiliser le nombre d’ouvrages, d’émissions, de magazines, de sites internet ou de comptes sur les réseaux sociaux consacrés au jardinage pour s’en convaincre.
Faussement délaissé, le jardin ouvrier, familial ou partagé a retrouvé de son attractivité. Aujourd’hui, il est possible de louer un carré potager ou de cojardiner chez un particulier. Comme il est devenu concevable d’installer un potager en haut d’un immeuble collectif, sur le toit de grands magasins ou de monuments culturels, aux abords des rues, du tracé d’un tramway ou dans l’enceinte d’établissements scolaires. À Dijon, un professeur d’EPS a choisi d’encadrer des jardiniers en herbe (une idée née pendant le premier confinement). Sur leur pause méridienne, les collégiens viennent biner, semer, cultiver, récolter tout en respectant les saisons, l’environnement et les ressources. Et, cerise sur la salade, le fruit de leur récolte est préparé et servi dans leur restaurant scolaire. Ailleurs, des élèves viennent de produire leur première huile d’olive. Preuve qu’il n’y a pas d’âge pour se former au jardinage et en apprécier les multiples vertus.

Potagers : si on semait !

Le jardin nourricier est devenu pour sept Français sur dix leur deuxième endroit préféré après la cuisine. Et avec la crise sanitaire, cette idylle s’est intensifiée. À tel point qu’aujourd’hui les potagers sont partout, et surtout là où on ne les attend pas : sur les toits de nos immeubles, dans les collèges, les grands magasins, voire en prison. Ils s’adaptent également à nos nouveaux modes de consommation : adieu le potager à l’ancienne, on parle aujourd’hui de copotager, comme d’un covoiturage, de serre connectée, ou encore de jardin nourricier clé en main, livré en kit chez nous comme s’il s’agissait d’une étagère suédoise. Mettre la main à la terre est ainsi devenu l’une des actions les plus tendances de notre époque, certains influenceurs en font même leur fonds de commerce, assurant une notoriété mondiale à nos navets et carottes sur les réseaux sociaux.
Mais le lien indéfectible entre les Français et leur jardin nourricier ne date pas d’hier. Dans ce documentaire, Potagers : si on semait !, c’est également une longue histoire commune qui est retracée : incontournable de la royauté sous Louis XIV, vecteur de solidarité depuis les jardins ouvriers de la fin du XIXe siècle et même outil de propagande pendant la Seconde Guerre mondiale, voici l’odyssée insoupçonnée de nos potagers.

Documentaire (90 min – 2023) – Auteur et réalisation Lionel Baillon – Commentaires Julie Andrieu –Production Troisième Œil Productions – En association avec JA Productions, avec la participation de France Télévisions – Avec le soutien du CNC

Ce documentaire est diffusé mardi 6 février à 21.05 sur France 5
Potagers : si on semait ! est à voir et revoir sur france.tv

Publié le 05 février 2024
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