« Nos terres en danger », à découvrir dans « Le Monde en face »

Faut-il s’inquiéter pour l’avenir de nos champs, prés, forêts et rivières ? Quand ils ne subissent pas les conséquences de la culture intensive, ils disparaissent sous nos routes, voies ferrées, lotissements ou quartiers. Pourtant, ils sont plus que jamais nos alliés pour s’adapter au changement climatique. Seulement, face aux enjeux économiques, ces préoccupations passent trop souvent au second plan. « Nos terres en danger » est à découvrir dimanche à 21.00 sur France 5.


Se pourrait-il qu’un jour il faille payer pour visiter les rares prés, forêts ou rivières encore existants et la faune s’y abritant ? Une telle réalité signifierait que nous n’avons pas su les préserver, les protéger, quand cela nous était encore possible de le faire. À savoir, maintenant.
La crise climatique qui secoue le monde impose de revoir nos logiques économiques, nos enjeux sociétaux et notre lien avec l’environnement. La bétonisation et l’extension du bâti, la multiplication des axes routiers, la culture intensive, la disparition des bocages, des haies en lisière de champs, la raréfaction de certaines espèces animales ont un impact sur notre biodiversité. Par nos modes de vie, nous sommes responsables de cette situation puisqu’on estime que 20 000 à 30 000 hectares sont artificialisés chaque année. 

On a été expropriés de 72 hectares à peu près, sur une totalité de 190 hectares. J’ai récupéré 50 hectares à 4 kilomètres d’ici (...). On n’est pas grand-chose pour eux. Vous savez, pour l’exploitation on est à deux personnes ; par rapport au volume d’activité qu’ils vont rapporter, qu’ils vont ramener sur le plateau, j’estime qu’on est une plume qu’on peut faire voler du jour au lendemain.

Emmanuel, exploitant agricole à propos de l’expropriation d’une partie de ses terres sur le plateau de Saclay

Il a fallu attendre la guerre en Ukraine pour réaliser combien nous étions dépendants de pays étrangers pour nous fournir en céréales, alors que nous sommes en capacité de les produire. Encore faut-il disposer de suffisamment de champs et que ceux-ci ne soient pas cultivés pour nourrir des élevages intensifs ou pour finir dans des méthaniseurs. Or, ces terres agricoles si précieuses sont régulièrement préemptées pour créer de nouveaux centres commerciaux, des entrepôts de commerce en ligne, étendre des villes ou créer de nouveaux axes de circulation. On prévoit qu’un quart des agriculteurs sera à la retraite d’ici à dix ans et qu’à cette occasion près de cinq millions d’hectares vont changer de main. Aujourd’hui, on s’inquiète, à juste titre, de la mainmise des terres agricoles par des sociétés agricoles financiarisées (elles détiennent une ferme sur dix et cultivent 3,7 millions d’hectares) et de la difficulté rencontrée par des exploitants agricoles pour louer ou acquérir des terres. Permettre à de nouvelles générations de pouvoir s’installer durablement sans craindre de voir ces terres préemptées est tout aussi primordial.
Les agriculteurs ne sont pas les seules victimes d’expropriations. Le tout-voiture et les lignes à grande vitesse ont redessiné nos vallons, empiétant sur nos forêts, nos bocages, jouxtant des hameaux, traversant des villes ou des villages (au grand dam de ceux qui subissent ces va-et-vient incessants et bruyants). Des espaces naturels ont disparu, sans être à chaque fois remplacés ou compensés. Une attitude difficilement acceptable aujourd’hui.
Repenser le bien commun, imaginer d’autres formes d’habitat, pouvoir rénover des biens existants sans se ruiner (et ainsi éviter d’empiéter sur des terres agricoles ou sauvages), réhabiliter d’anciens commerces ou bureaux désaffectés, remettre au goût du jour le fret, assurer la maintenance des lignes TER, favoriser les commerces de proximité sont autant de moyens d’atténuer notre impact sur la biodiversité.

En fait, les projets qui demandent des autorisations ne prennent pas en compte le temps écologique. Pour retrouver une zone humide, une forêt, on comprend très bien qu’il faut plusieurs décennies. Donc, dans ce contexte, ce que le préfet décide, c’est finalement de sacrifier à ce temps écologique des considérations de court terme qui sont de natures économiques.

 

Harold Levrel, économiste de l’environnement, à propos des travaux d’aménagement de la quatre-voies en Haute-Loire débutés avant l’ensemble des mesures compensatoires environnementales

Mesures compensatoires environnementales

« Art. L. 163-1.-I. - Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l’article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet de travaux ou d’ouvrage ou par la réalisation d’activités ou l’exécution d’un plan, d’un schéma, d’un programme ou d’un autre document de planification.
Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d’évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état. »

Carte des mesures compensatoires prescrites des atteintes à la biodiversité
L’article 69 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages précise que « les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité définies au I de l’article L.163-1 sont géolocalisées et décrites dans un système national d’information géographique, accessible au public sur internet [site Géoportail]. Les maîtres d’ouvrage fournissent aux services compétents de l’État toutes les informations nécessaires à la bonne tenue de cet outil par ces services » (article L.163-5 du Code de l’environnement).

Source : Légifrance et DREAL Grand Est


La Région flamande organise un concours pour supprimer des surfaces bétonnées au profit de la végétation

« À vos pieds de biche ! En Belgique, les Flamands sont invités à arracher les dalles de béton de leur jardin, les morceaux de bitume inutiles dans la cour de leur immeuble ou même dans leur rue. Ce n’est pas du vandalisme. Il s’agit d’un concours très sérieux, organisé par la Région flamande. L’opération a été lancée le 21 mars 2023 et se terminera le 31 octobre,rapporte le média belge RTBF. L’objectif de cette initiative est de laisser davantage de place à la végétation et de lutter contre ce qu’on appelle les îlots de chaleur urbains, causés par l’artificialisation des sols. La ville qui aura supprimé le plus de surface bétonnée sera la grande gagnante de ce concours. Plusieurs se sont déjà inscrites, comme Bruges, Anvers, Gand ou Louvain (…).
Ce défi existe depuis plusieurs années aux Pays-Bas, où il a beaucoup de succès.
 »
Source : Ouest-France


Le Monde en face : Nos terres en danger

La guerre en Ukraine nous a fait prendre conscience d’une vérité que l’on avait presque oubliée : l’importance primordiale de notre autonomie alimentaire. Mais, pour rester une grande nation agricole, la France doit lutter contre une évolution alarmante : la disparition de ses terres fertiles.
Centres commerciaux, routes, parkings, lotissements… nos hectares cultivables sont artificialisés à un rythme ahurissant. L’équivalent d’un département de la surface du Rhône disparaît sous le béton tous les dix ans.
Il faut 10 000 ans pour que le sol se forme d’un mètre. En le bitumant, nous tuons en un instant ce que la nature a mis des millénaires à créer. Et nous ne nous privons pas seulement de capacité alimentaire, nous portons aussi une grave atteinte à notre environnement. Car sans la terre, pas de biodiversité, pas de stockage de carbone qui limite le réchauffement climatique… sans parler des risques d’inondation quand la pluie ne peut plus être absorbée par le sol.
Ce documentaire propose une réflexion et des solutions pour limiter l’artificialisation. Il dénonce aussi des dérives et porte un focus sur des agriculteurs expropriés, comme à Saclay en région parisienne, ou sur le projet de plateforme logistique Amazon à Fournès dans le Gard. Il montre comment la magnifique région des Sucs, en Haute-Loire, sera bientôt défigurée par une quatre-voies. Le projet, porté par Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, va porter un rude coup à la biodiversité.

Magazine – Présentation Mélanie Taravant
Documentaire (70 min – inédit) – Auteure et réalisatrice Ghislaine Buffard – Production Eclectic, avec la participation de France Télévisions, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée

Ce documentaire est diffusé dimanche 9 avril à 21.00 sur France 
Le Monde en face : Nos terres en danger est à voir et revoir sur france.tv

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