Après les incendies de 2022, savoir préserver la forêt des Landes

En 2022, la plus grande forêt artificielle d’Europe s’est retrouvée prise au piège des flammes, défigurant durablement sols et paysages. Un déluge de feu difficilement oubliable pour celles et ceux qui l’ont côtoyé. Face au réchauffement climatique, de nouvelles pratiques doivent être adoptées pour éviter de revivre un tel désastre écologique. « La Ligne bleue : Les Gardiens de la forêt des Landes » est à regarder ce lundi à 23.00 sur France 3.

« La Ligne bleue : Les Gardiens de la forêt des Landes ». © Maximal Productions / FTV

Y a tout qui est parti. Voilà ce qui reste (en tenant un crapaud dans ses mains). Lui a eu la chance de pouvoir s’enterrer. Tout le reste, petit gibier, chevreuils, sangliers, je ne connais pas le taux de mortalité mais il doit être énorme. Quand on regarde les pins, c’est des jeunes pins, des pins pas dépressés [...]. Vous imaginez des allumettes, les unes à côté des autres, vous embrasez les têtes rouges, et tout part.

Adjudant-chef Brice Labarde, en parcourant des parcelles calcinées sur lesquelles il a combattu les flammes

Bordée par l’océan, la forêt des Landes forme un triangle qui s’étend de l’estuaire de la Gironde, au nord, à Hossegor, au sud, en passant par Nérac, à l’est. L’été 2022, elle a subi de plein fouet plusieurs incendies qui ont ravagé et défiguré cette immense étendue boisée, parsemée de maisons, hameaux, villages ou lieux de villégiature.
Si ce ne sont pas les seuls hectares à être partis en fumée cette année-là, la durée et l’intensité des incendies en ces lieux a profondément marqué les esprits. Bien que cela n’ait rien de comparable avec les méga-feux auxquels font face les Américains de la côte Ouest depuis plusieurs années, cet épisode est à prendre au sérieux. Certes, ce n’est pas le premier incendie de grande ampleur vécu dans la région (difficile en effet d’oublier celui de 1949 et ses 82 victimes), mais aujourd’hui, avec le recul et l’expérience, on est en droit de s’interroger sur les raisons qui ont permis à ces feux de provoquer autant de dégâts. Face aux conséquences du changement climatique sur nos environnements, il est primordial de tirer des leçons de l’année passée. 
Au sol, chacun sait avoir à jouer une partition pour anticiper les risques et ainsi éviter certains départs ou certaines propagations de feu. Mais qu’en est-il de l’aide apportée par les airs ? Comme la plupart des pays, nous disposons de différents moyens aériens pour arrêter la progression des incendies : Canadair, Dragon, Dash. Nous louons aussi des Air Tractor. Mais notre flotte de bombardiers d’eau est limitée, parfois même vieillissante. Prenons l’exemple du Canadair. Ils sont au nombre de douze (suite aux différents incendies de l’an dernier, le président a annoncé un réarmement aérien portant la flotte à seize d’ici à 2027), huit d’entre eux ont plus de 25 ans et tous sont basés sur la plateforme aéronautique navale de Nîmes-Garons. 2027, ce n’est ni cet été ni le suivant, or le changement climatique n’a, hélas, pas prévu de se mettre sur pause. Certains, plus que d’autres, ont compris l’importance de repenser notre approche de la gestion des forêts et les moyens à mettre en œuvre pour les protéger durablement et efficacement. En revoyant ou adaptant aujourd’hui leurs pratiques, ils agissent pour que la forêt de demain résiste et subsiste.

Ce besoin de changement [intervenu après la tempête dévastatrice de 1999], finalement, il a abouti à ce qu’aujourd’hui, et depuis pas loin de vingt ans, j’ai une sylviculture différente, qui est beaucoup plus respectueuse des milieux, des écosystèmes et qui fait en sorte d’accompagner la nature beaucoup plus que de vouloir la diriger.

Jacques Hazera, sylviculteur

Août 1949, l’incendie du siècle

« “L’incendie du siècle”, comme on l’appellera plus tard, aurait pris naissance bêtement. Le 19 août, la scierie de Saucats, à une trentaine de kilomètres au sud de Bordeaux, est à l’arrêt. À cause des risques de feu justement. Un gardien tue le temps en fumant. Quelques brins de tabac incandescents s’écrasent sur le sol. L’extrême sécheresse et le vent violent font le reste (…). 
Le Barp, Mios, Marcheprime, Cestas, les communes alentour, sont rapidement touchées. Les hommes valides sont sur le pont pour tenter d’éteindre les flammes, à l’aide d’eau, mais aussi de contre-feux. Le lendemain, ils luttent toujours contre ce feu. Samedi, alors que des colonies de vacances sont évacuées et que les habitants fuient, on estime que l’incendie s’étend sur un front de 18 kilomètres. Les fumées sont visibles jusqu’à la capitale régionale. 
L’après-midi sera tragique. Le vent change de sens, l’incendie se met à tourbillonner. “Le feu monte d’un seul coup, se déchaînant en un puissant ouragan, créant un immense appel d’air comme dans une gigantesque cheminée, écrit Robert Chevrou dans Pourquoi les incendies de forêts sont-ils si meurtriers ? Avant de reprendre : La tempête de feu submerge les sauveteurs de cendres incandescentes, projette sur eux de longs jets de flammes horizontales, embrase la végétation loin derrière eux. (…) En cette funeste après-midi, 82 personnes meurent, ce que rappellent encore les monuments que l’on croise dans la région aujourd’hui : Ici périrent dans les flammes 82 héroïques sauveteurs. Pour honorer leur mémoire, respectez et protégez la forêt. 20 août 1949. »
Source : Ouest-France

Cette année est déjà bien plus sèche que la moyenne. Et cette sécheresse, combinée avec la chaleur à laquelle nous nous attendons, est bien sûr un moteur majeur des feux de forêt.

Janez Lenarcic, commissaire européen à la Gestion des crises (interview donnée le 29 mai 2023)

La « Météo des forêts »

« Depuis le 2 juin 2023 (et jusqu'au mois de septembre), Météo France publie la “Météo des forêts” pour informer les Français sur le niveau de danger de feu dans l'hexagone. La “Météo des forêts” est née de la collaboration entre Météo France et l'Organisation nationale des forêts (ONF). Valables pour deux jours, les prévisions publiées quotidiennement sont établies selon des données météorologiques telles que la température, la force des vents ou l'hygrométrie associées aux observations de l'ONF sur la sécheresse de la végétation et des sols. Elles permettent d'évaluer la propension du feu à démarrer et à se propager.
Disponible sur meteofrance.com et l’application mobile de Météo-France, la “Météo des forêts” indique le niveau de danger de feu avec une échelle de quatre couleurs, compréhensible par tous :
vert : risque faible ;
jaune : risque modéré ;
orange : risque élevé ;
rouge : risque très élevé.
Par ailleurs, elle n'a pas vocation à informer sur les incendies en cours ou à venir. 
Pour rappel, si vous êtes témoin d'un début d'incendie, prévenez le 18 (sapeurs-pompiers), le 112 (numéro d'appel européen) ou le 114 (numéro d'urgence pour les personnes sourdes ou malentendantes) et localisez le départ de feu en indiquant l'adresse (ou si possible, utilisez la géolocalisation au moyen d'un téléphone portable). »
Source : Service-Publique.fr / lintern@ute

La Ligne bleue : Les Gardiens de la forêt des Landes

Au total, les feux de juillet et août 2022 ont détruit 30 000 hectares de pins maritimes en Gironde. À l’ouest, l’incendie a défiguré la dune du Pilat et, à l’est, il a gravement menacé les communes de Landiras ou Hostens. Après la catastrophe, les défis sont nombreux. L’urgence climatique a bouleversé les paisibles certitudes qui régnaient jusque-là dans la forêt. Et si l’été prochain était plus terrible encore ? Et si la forêt finissait, un jour, par disparaître ? Comment se préparer au pire et protéger le million d’hectares d’arbres qui peuplent la plus grande forêt artificielle d’Europe ? 
Ce film suit le combat de ceux qui ont dédié leur vie à la préservation de la forêt des Landes et à son histoire, héritée de l’empereur Napoléon III. Cohabitation entre l’homme et la nature, débroussaillage, moyens aériens, formation des pompiers, diversification des cultures… toutes les pistes sont étudiées pour leur permettre d’éviter le pire. Mais cela sera-t-il suffisant ?

Documentaire (53 min – 2023) – Auteur et réalisateur Romain Besnainou – Production Maximal Productions, avec la participation de France Télévisions et du Centre national du Cinéma et de l’Image animée

Ce documentaire est diffusé lundi 5 juin à 23.00 sur France 3
La Ligne bleue : Les Gardiens de la forêt des Landes est à voir et revoir sur france.tv

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