Quel avenir pour la Venise verte ?

C’est une aberration hydraulique agricole qui se vit actuellement dans le Marais poitevin. L’eau, ce bien de plus en plus rare et précieux, est convoitée par certains. Mais face à la politique des méga-bassines, la grogne gagne. Une question d’équité. Et un enjeu climatique. « Julien, le marais et la libellule » est à regarder lundi à 23.15 sur France 3.

« La Ligne bleue : Julien, le marais et la libellule ». © Fabien Mazzoco / Mona Lisa Production

C’est un outil d’assèchement, les canaux. Assèchement et drainage ont été tellement bien faits que, à partir du XIXe, on s’aperçoit qu’il faut mettre en place des barrages, si on veut maintenir des niveaux d’eau pour l’irrigation, pour le transport et, aujourd’hui, le tourisme.

Julien, batelier

« Le Marais poitevin, c’est un territoire très paradoxal, rappelle Julien. On parle de la Venise verte. Quand tu reçois certains témoignages de gens qui sortent d’un tour de bateau, ils font : Waouh, on a vu la nature. Comme s’ils étaient dans la jungle. C’est vrai qu’à cette saison, tu regardes autour de toi, c’est verdoyant, c’est explosif. Et puis, dès qu’on prend un petit peu de hauteur, on s’aperçoit que le marais, au contraire, c’est une construction humaine très organisée. C’est un damier. Chaque parcelle, c’est un carré avec tout autour des canaux, des fossés. En réalité, c’est un paysage hyper artificiel. »
Un paradis artificiel de plus en plus malmené par ceux qui l’ont façonné. Longtemps, ils ont cohabité avec la nature, acceptant que l’eau sorte de son lit plusieurs mois par an. Ces espaces de liberté, si utiles pour maintenir la biodiversité, sont aujourd’hui restreints, limités, contenus. L’eau est de trop quand il s’agit de semer des sols autrefois réservés aux pâturages, mais devient indispensable dès que les chaleurs augmentent. En privilégiant des cultures gourmandes en eau et en maintenant cette production intensive liée à l’export, une partie du monde agricole présent dans la région se retrouve enferré dans un modèle qui n’est pas, pour ne pas dire plus, adapté au changement climatique. Mais plutôt que d’opérer une réflexion sur le long terme, quelques irréductibles agissent à court terme en choisissant le captage (depuis des nappes phréatiques et/ou des rivières) et le stockage de ces ressources dans des bassines gigantesques (imaginez 160 piscines olympiques rassemblées et vous obtenez une retenue de 400 000 mètres cubes d’eau. Dans les Deux-Sèvres, parmi les seize prévues, certaines contiendront jusqu’à 650 000 mètres cubes). Quitte à assécher des cours d’eau, des rivières, et à exterminer indirectement leur biodiversité.
Les changements agricoles opérés depuis plusieurs années autour du marais ont déjà eu des conséquences sur sa faune et sa flore. Autrefois abondantes et luxuriantes, elles sont aujourd’hui victimes de stress hydrique et des pesticides. Que restera-t-il de ce monde miniature si rien n’est fait pour le préserver ? Et que deviendront les agriculteurs, maraîchers ou éleveurs qui n’ont pas opté pour ce modèle agricole ? « Il faut savoir qu’en France les surfaces irriguées représentent à peu près 10 % de la surface agricole », expliquait [le 29 octobre dernier] sur franceinfo Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, lui-même agriculteur et éleveur dans le Jura. « Cela veut dire que ces projets de bassines sont bénéficiaires pour une minorité d’agriculteurs. Il y a un accaparement de l’eau par cette minorité-là.Il nous semble que si l’on veut mieux passer les épisodes de sécheresse, il faut au contraire avancer vers des pratiques agricoles qui permettent une meilleure infiltration de l’eau dans le sol, pour que l’eau soit disponible pour tout le monde. »

Les libellules et les demoiselles 

Les libellules appartiennent au sous-ordre des anisoptères ; à leurs côtés figure le sous-ordre des zygoptères, qui rassemble les demoiselles (souvent confondues avec les précédentes dans le langage courant). Au repos, les demoiselles referment leurs ailes antérieures et postérieures, alors que les libellules écartent du corps leurs ailes dissemblables. Les zygoptères ont un vol lent et maladroit, car les battements de leurs ailes ne se font pas dans le même sens ; les anisoptères, en revanche, volent avec beaucoup d’adresse.
La classification des odonates repose principalement sur la nervation de leurs ailes et, parfois, sur la morphologie des yeux ou la couleur des individus. La classification des larves est plus délicate, fondée essentiellement sur la morphologie des antennes, du masque labial et des lamelles caudales (uniquement pour les zygoptères). Les anisoptères fréquentent tous les types de milieux humides : tourbières, rivières, lacs ou étangs.

Recherches et protection 
Les odonates constituent un des plus grands groupes de prédateurs aquatiques invertébrés et jouent un rôle important dans l’écosystème. Ils sont très sensibles à la qualité des eaux dans lesquelles ils vivent, et représentent un bon indicateur de la richesse de la faune d’eau douce. Mais ils sont de moins en moins nombreux, et certaines espèces tendent à disparaître.
Il devient nécessaire de protéger l’habitat des libellules en diminuant la pollution des rivières et en arrêtant l’assèchement des marais et des petites mares, essentiels à l’équilibre écologique de notre environnement.

Source : Larousse

C’est mieux de stocker l’eau dans le sous-sol qu’au sol. L’été, quand il fait très chaud, entre 30 et 50 % de l’eau que l’on a stockée s’en va, elle ne vous sert pas.

Bruno Parmentier, ingénieur spécialiste des questions agricoles, interrogé sur franceinfo canal 27, samedi 29 octobre

La Ligne bleue : Julien, le marais et la libellule

Le Marais poitevin, deuxième zone humide de France, est aujourd’hui au centre d’un combat que mènent les défenseurs de l’eau. Face à un énorme projet de construction de bassines d’irrigation, un collectif s’acharne à prouver la catastrophe écologique annoncée et revendique un autre modèle agricole.
Malgré la lutte qu’il mène sans relâche pour sauver le marais, Julien, batelier, a su garder un éternel émerveillement pour ce qui l’entoure. Avec son allure d’homme des bois, son franc-parler et son large sourire espiègle, il nous emmène à la découverte de ce territoire paradoxal et de ses habitants qui ont pris leur destin en main.

Documentaire (52 min – 2022 – inédit) – Auteur et réalisateur Fabien Mazzocco – Production Mona Lisa Production, avec la participation de France Télévisions

Ce documentaire est diffusé lundi 5 décembre à 23.15 sur France 3
La Ligne bleue : Julien, le marais et la libellule est à voir et revoir sur france.tv

Pour aller plus loin : Deux-Sèvres, l’agriculture entre eau et pesticides 

 

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