Lumni - Master classe « Honorer la mémoire des déportés »

Interview exclusive de Michèle Kersz Zelman

Chaque année depuis 1954 a lieu, le dernier dimanche d’avril, la Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation et des morts dans les camps de concentration, notamment durant la Seconde Guerre mondiale. À l’occasion de l’édition 2023, le 30 avril prochain, Lumni a organisé une master classe à France Télévisions avec six collèges parisiens et d’Île-de-France avec, en ouverture, la projection du film « L'Histoire d'Annette Zelman ».

« L'Histoire d'Annette Zelman » © Nilaya Productions - France Télévisions

Au programme de cette rencontre : des échanges et des discussions afin d’honorer la mémoire des déportés, en s’appuyant particulièrement sur un film-événement, (diffusé en janvier dernier sur France 2), L’Histoire d’Annette Zelman. Animée par le journaliste Djamel Mazi, en présence d’intervenants prestigieux tels que Esther Senot, rescapée d’Auschwitz-Birkenau, Laurent Joly, historien spécialiste de l’antisémitisme durant le régime de Vichy, Emmanuel Salinger, scénariste du programme, et Michèle Kersz Zelman, sœur d'Annette Zelman, cette master classe a surtout pour objectif de mettre en exergue le devoir de mémoire, de sensibiliser, d’informer, d’inciter  les jeunes générations à se questionner, notamment sur la déportation, la délation et la collaboration pendant la guerre 1939-1945. 

L'histoire d'Annette Zelman
« L'Histoire d'Annette Zelman »
© Niyala Productions - France Télévisions

Je suis Michèle Zelman, la dernière des filles Zelman… j’ai vécu la déportation de ma sœur Annette Zelman.

Michèle Kersz Zelman

Interview de Michèle Kersz Zelman 
 

Pourquoi avoir accepté de participer à cette master class organisée par France Télévisions ?  
Le devoir de mémoire est indispensable pour la jeunesse. Apporter un témoignage enrichit ce devoir de mémoire. Cela apporte de l’authenticité à l’histoire. Les jeunes gens peuvent apprendre les faits à l’école, mais cela ne suffit pas… Pouvoir échanger avec des personnes qui ont vécu les événements, c’est primordial. L’évidence est là…

Comment s’est passée cette master classe ?
Je suis très étonnée que des petits jeunes posent autant de questions pertinentes. Je suis surprise qu’ils arrivent encore à s’intéresser et à échanger lors de ce genre d’initiatives. Ils sont très curieux…
Malheureusement, je constate qu’il y a encore beaucoup d’ignorance concernant la Shoah. Il faut continuer à organiser des master classes comme celle-ci. C’est essentiel.

Que pouvez-vous dire sur l’antisémitisme aujourd’hui ?
L’antisémitisme est encore, malheureusement, très présent. Il est très difficile à combattre. Je ne saurais vous dire les points d’amélioration à adopter…

Quel rôle les médias peuvent-ils jouer pour combattre cela ?
Les médias ont un rôle important pour combattre l’antisémitisme. Pour le message, il ne s’agit pas de lire. L’approche est plus visuelle et donc abordable pour tous.

Êtes-vous pessimiste quant à l’avenir ?
Le temps passe, et il faut éduquer les plus jeunes. Je ne suis pas pessimiste mais réaliste. Peut-être que l’on y arrivera un jour.

Avez-vous un message particulier à transmettre aux plus jeunes ? 
Aimez-vous les uns et les autres. Soyez tolérants ! 

« L'Histoire d'Annette Zelman », un drame romantique tiré d'une histoire vraie 

L'histoire d'Annette Zelman
« L'Histoire d'Annette Zelman »
© Niyala Productions - France Télévisions

Ils s'aimaient, mais, en 1941, leur idylle ressemblait à une provocation. L’Histoire d'Annette Zelman a été inspirée par l'histoire vraie d'un couple d'amoureux pris au piège des heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. Laurent Lucas, Julie Gayet, Vassili Schneider et Ilona Bachelier prêtent leurs talents à l'excellent réalisateur Philippe Le Guay dans ce drame romantique. À (re)voir sur france.tv 

France Télévisions propose cette fiction poignante adaptée du livre de Laurent Joly retraçant l'histoire vraie d'Annette Zelman (librement adaptée du chapitre « Annette Zelman » de l'ouvrage Dénoncer les Juifs sous l'Occupation de Laurent Joly, 2017, CNRS éditions). En 1978, dans Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, de Serge et Beate Klarsfeld, quelques lignes évoquaient un destin individuel, l’un des rares noms, parmi les 76 000 cités, à faire l’objet d’un commentaire : « Dans ce convoi n° 3 est partie une jeune fille de 20 ans, Annette Zelman, Française coupable non seulement d’être juive, mais d’oser aimer et être aimée par un Français non juif. » Annette fut en effet dénoncée à la Gestapo par le père de son fiancé.

Un destin tragique mis à l'écran par le cinéaste Philippe Le Guay et le scénariste Emmanuel Salinger dont le travail donne à cette histoire une résonance qui va bien au-delà du contexte historique de la Seconde Guerre mondiale. 

Note d'intention du réalisateur, Philippe Le Guay

« Nous racontons l’histoire d’Annette et Jean, des jeunes gens de 20 ans en 1942, débordant d’envie de vivre, qui ne savent pas que le couperet de l’Histoire va s’abattre sur eux. La mise à mort d’Annette trouve son origine dans la haine antisémite. Cependant, L’Histoire d’Annette Zelman comprend une dimension supplémentaire. Certes, ce sont les nazis qui emprisonnent Annette et la déportent à Auschwitz. Mais ils sont aidés dans cette entreprise par la dénonciation du père du jeune homme qui est tombé amoureux d’elle. Un amour si fort que les deux jeunes gens ont décidé de se marier… ultime transgression. Hubert et Christiane Jausion s’opposent au mariage de leur fils Jean avec une jeune juive. Ce sont pourtant des humanistes, des gens cultivés, des amis des arts… L’antisémitisme "ordinaire" d’une famille bourgeoise provoque la mort d’Annette "sans intention de la donner". Ce qui est tragique, c’est la façon dont un préjugé de classe débouche sur un meurtre pur et simple. C’est ce qui fait l’actualité de cette histoire aujourd’hui. À l’heure où certains hommes politiques falsifient l’histoire et réhabilitent la France de Pétain, il est bon de rappeler cet exemple poignant. L’antisémitisme n’est pas une "idée" sans conséquence, car "les idées" contiennent en elles leur violence et leur barbarie… Pour jouer les Jausion, nous avons choisi Laurent Lucas et Julie Gayet, deux acteurs à l’aura charismatique. Loin d’en faire des caricatures, nous voulons plonger dans la culpabilité de ce couple et dans le remords qui va les miner quand ils prennent conscience de leur geste. Ilona Bachelier et Vassili Schneider interprètent Annette et Jean avec cette énergie vibrante de la jeunesse. La mise en scène de notre film est à ce diapason. Nous avons choisi d’imprimer au film un rythme haletant : il faut aller vite, ne pas s’installer, afin de montrer le mouvement irréversible de la machine à broyer de la répression nazie. Mais il faut aussi être emporté par le désir de vivre, la foi vibrante que Jean et Annette continuent à avoir dans leur amour. Le film est raconté par Michèle Zelman, la sœur cadette d’Annette, âgée de 15 ans au moment des faits. Aujourd’hui, Michèle a 94 ans, elle est dans une forme hallucinante, et parle avec une précision inouïe de sa sœur et de sa famille. Michèle est le "témoin" de notre histoire, elle est si vaillante qu’elle a accepté notre proposition de jouer son rôle dans notre film. Dans les dernières séquences, Michèle intervient face à la jeune actrice qui interprète son rôle. Nous avons filmé cette rencontre chez elle, dans son appartement peuplé de souvenirs : des photos, des dessins d’Annette, des lettres écrites en 1942 qui ont traversé le temps… Michèle est la courroie de transmission entre les générations, elle crée un pont entre le passé et le présent, entre la fiction et le témoignage authentique. Nous sommes convaincus qu’au-delà de l’émotion de son témoignage en direct, le sens de son message sera encore plus présent, et touchera le spectateur en plein cœur. »

 

L’antisémitisme n’est pas une « idée » sans conséquence, car « les idées » contiennent en elles leur violence et leur barbarie.


Philippe Le Guay, réalisateur

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