« Sur le front – Livret A, assurance-vie : où va notre argent ? »

Dans les méandres des placements financiers

France 5

Info & société

Livret A et assurance-vie font partie des placements préférés des Français, mais savons-nous vraiment où l’argent qui y est placé est injecté ? Pour tenter de le découvrir, Hugo Clément a mené l’enquête. Ses découvertes risquent d’en surprendre plus d’un ! À voir lundi 26 mai à 21.05 sur France 5.

« Sur le front – Livret A, assurance-vie : où va notre argent ? ». © Winter Productions

Francis Redon : Je suis un petit peu dégoûté qu’on se batte contre des gens qu’on finance.

Hugo Clément : Sans le savoir.

Francis Redon : Évidemment sans le savoir. Qui le sait aujourd’hui ? Cela me choque.

Échanges entre Francis Redon (président d’ENDEMA93) et Hugo Clément

De la tirelire aux placements bancaires, il y a un fossé abyssal. D’un côté, il y a cet objet dans lequel, enfant, on glissait de temps à autre quelques pièces ou un billet. Cet argent, qui certes ne rapportait rien de plus que ce qu’il représentait, était disponible à tout instant et nous savions où nous le placions (à savoir dans une tirelire) et pour qui ou quoi il était destiné. De l’autre, il y a ces placements à rentabilité plus ou moins assurée, ouverts à l’occasion d’une naissance, d’un anniversaire, d’une union, d’un premier emploi, d’une future acquisition, de la retraite ou sans raison particulière. Et là, à part le nom de l’organisme bancaire ou de la société auprès desquels vous avez contracté ce ou ces contrats, avouez que le reste est plus flou. Pour comprendre où notre argent est investi avant qu’il nous revienne, Hugo Clément s’est renseigné. Du moins, il a tenté d’obtenir des réponses concrètes. Et, soyons franc, les surprises ne manquent pas. Même notre cher et tendre livret A, auquel nous sommes si attachés (plus de 55 millions de particuliers en détiennent un), renferme quelques placements inattendus. Il est à parier que, pour certains d’entre vous, ces investissements réalisés avec vos économies soient incompatibles avec vos convictions ou vos valeurs. Alors, vous ferez face à ce choix cornélien : rester ou clôturer. Si un tel dilemme se pose, prenez le temps de regarder l’intégralité de cette enquête afin de découvrir les alternatives proposées. 

J’étais directrice d’une agence bancaire classique. C’est vraiment deux mondes différents. J’avais des objectifs commerciaux, je finançais le gros 4 x 4 de la profession libérale d’à côté, des grosses machines industrielles, du stock made in China du magasin du coin. Cela n’a rien à voir avec ce que je finance aujourd’hui. Si les gens savaient vraiment à quoi servait leur argent, ils arrêteraient d’épargner dans des banques classiques. 

Alice Longuépé, banquière à la NEF

Séquences exceptionnelles

Le « livret de développement durable et solidaire » n’a de durable et de solidaire que le nom 
Le livret de développement durable et solidaire est géré en majorité par la banque publique la Caisse des Dépôts, mais impossible de savoir précisément où va cet argent. Nous avons suivi un militant qui se bat contre un projet de Saint-Gobain près de chez lui. Avec notre enquête, il découvre qu’il finance malgré lui l’entreprise contre laquelle il milite ! Bruno Lemaire, alors ministre de l’Économie, disait lui-même que le livret de développement durable et solidaire « n’a de durable et de solidaire que le nom » (France Inter, décembre 2022).

La Caisse des Dépôts tire des revenus… de la chasse à courre !
La Caisse des Dépôts est une banque publique qui gère, entre autres, une partie des livrets A des Français. Elle investit dans des actions d’entreprises ou dans des forêts (elle tire des revenus de la vente du bois et de chasses à courre payantes organisées dans ces forêts). 

Ces cuves de pétrole en France sont financées par les assurances-vie
Si vous demandez à votre banquier comment est précisément investi l’argent de votre assurance-vie, il ne pourra pas vous répondre. Votre argent est investi dans des fonds, eux-mêmes investis dans d’autres fonds. Des fonds euros sont ainsi investis dans des cuves de pétrole, en Île-de-France. Nous avons également suivi un épargnant qui avait demandé à ne pas financer le pétrole et qui s’aperçoit qu’une partie de son épargne sert à financer les géants de l’énergie, ExxonMobil et Total Energies.

Un label écolo devient plus exigeant et au lieu de faire évoluer ses investissements, une assurance-vie préfère abandonner discrètement le label
Depuis le 1er janvier 2025, les investissements labellisés « ISR » ne peuvent plus investir dans le développement des énergies fossiles. Vous imaginez que les assurances-vie déjà labellisées allaient améliorer leurs pratiques, financer des projets plus vertueux ? Eh bien pas du tout : une assurance-vie gérée par Amundi (du groupe Crédit Agricole) qui était labellisée ISR a préféré se débarrasser du label.

Les grandes banques avaient promis d’arrêter de financer le charbon mais elles continuent !
On se souvient des engagements de la plupart des grandes banques françaises d’arrêter de financer le développement du charbon. Ça avait été annoncé en grandes pompes au moment de la Cop21. C’était il y a dix ans, et pourtant elles continuent : la BNP, la Société Générale, la Banque Populaire/Caisse d’Épargne et le Crédit Agricole financent toujours l’entreprise d’électricité allemande qui exploite une mine de charbon en Allemagne. Comment est-ce possible ? Parce que officiellement cette entreprise doit arrêter le charbon en 2030. Même si, sur le terrain, la mine est en pleine expansion, et qu’on rase des villages pour l’agrandir.

Aujourd’hui, pour une large part des Français, l’idée d’une finance durable reste abstraite et peu crédible, pour preuve, à rendements attendus équivalents, seuls 23 % des Français choisiraient un fonds ISR plutôt qu’un fonds classique.

Philippe Dupuy, président du conseil scientifique du Cercle des épargnants (Ipsos, 4 février 2025)
Tableau renfermant les réponses (en pourcentage) sur l’image des produits financiers mis en avant comme socialement et environnementalement responsables
Baromètre « Les Français, l'épargne et la retraite »
© Ipsos-CESI École d'ingénieurs pour le Cercle des épargnants

Dans les publicités, on nous dit que notre argent va servir à financer un monde meilleur. On nous propose un livret développement durable et des investissements sans pétrole… J’ai voulu voir ce qu’il en était.Hugo Clément, extrait de sa note d’intention

Sur le front – Livret A, assurance-vie : où va notre argent ?

Votre argent ne dort pas. Il est investi et vous n’avez aucun droit de regard ! On nous promet des placements sans pétrole ou « développement durable ». Hugo Clément est allé vérifier et découvre que des épargnants se retrouvent à financer sans le savoir des entreprises qu’ils ne voulaient surtout pas soutenir.

Magazine (55 min – 2025 – Inédit) – Création Régis Lamanna-Rodat et Hugo Clément – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Andréa Orvain – Compositeur du générique Studio31DB – Compositeur du film Worakls – Production Winter Productions et France Télévisions 

Ce magazine est diffusé lundi 26 mai à 21.05 sur France 5
Sur le front – Livret A, assurance-vie, où va notre argent ? est à voir et revoir sur france.tv

Voir la grille des programmes TV disponibles cette semaine