C’est la première tonte de nos mérinos, donc petite pression (...). Tout ce qui est question de mutilation, d’optimisation pour qu’elles produisent beaucoup, je m’en fiche complètement. Et l’idée viendra plutôt de multiplier les petits troupeaux comme les nôtres.
Julien Tuffery, président de l’Atelier Tuffery
On s’interroge à juste titre sur la provenance des fruits, légumes, viandes ou céréales que nous consommons, mais qu’en est-il pour les matières premières composant les vêtements que nous achetons ? Alors que l’été touche à sa fin et que nous nous préparons à revêtir des tenues plus adaptées, pensez-vous sincèrement que la laine employée pour les fabriquer est celle des moutons ou brebis gambadant dans nos campagnes ? La vérité est, hélas, assez décevante. Notre laine est délaissée au profit d’une plus rentable, obtenue à des milliers de kilomètres de chez nous, comme l’explique un éleveur d’ovins implanté en Bourgogne, dont la laine finit dans de grands sacs, en attendant mieux. « La laine vient d’Australie. Ce sont les spécialistes du mouton à laine. Ils font des moutons juste pour ça. La viande, c’est le détail. » Et à découvrir, en images, les porteurs de cette matière première, on a dû mal à concevoir qu’ils puissent naturellement ressembler à cela. Ce que confirme un éleveur australien : « On les tond trois fois en deux ans. Avant, c’était une seule fois par an. Mais grâce à la génétique, ils ont beaucoup plus de laine que les moutons d’autrefois. » Avec les quantités de mérinos obtenues, rien d’étonnant à ce que les éleveurs australiens inondent le marché mondial pendant que nos éleveurs peinent à trouver des débouchés, même si certains ont trouvé la parade et réussissent à promouvoir cette matière aux multiples atouts.
C’est une thématique universelle, de bon sens : la laine est produite quoi qu’il arrive, si on ne la valorise pas, c’est une perte pour tout le monde. Je n’imagine pas un gouvernement qui puisse être opposé à la relance de cette filière.
Pascal Gautrand, délégué général du collectif Tricolor (« L’Union agricole », 2 janvier 2025)
« Oh my laine ! »
« Lainamac, association de filière, a été créée en 2009 avec l’objectif de structurer, développer et promouvoir la laine dans ses dimensions à la fois économique, agricole et touristique, à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine et du Massif central. Elle est implantée à Felletin, dans le Sud Creusois, au cœur d’une région historique, où cohabite une communauté professionnelle héritière multiséculaire du tapis et de la tapisserie d’Aubusson.
Les entreprises du réseau sont expertes dans la diversité des métiers de la laine : élevage, tonte, tri, lavage, literie, matelasserie, filature, teinture, tricotage, tissage, tuft, moquette, tapisserie ou encore courtepointe et restauration textile (…).
Pour les accompagner, Lainamac met en place des projets innovants comme la plateforme de sourcing lanatheque.fr et sa sélection annuelle Oh my laine !, ou encore en défendant les deux Indications géographiques Tapis et Tapisserie d’Aubusson. »
Source : Oh my laine !
Quand vous regardez les étiquettes, il n’y a pas d’information sur l’origine du coton. C’est un gros sujet parce que souvent même les marques ne savent pas d’où vient ce coton. Avant, ça venait en majorité de Chine, mais ça a changé ces dernières années.
Rafael Pieroni, coordinateur Amérique latine pour Earthsight
La culture industrielle du coton dans la savane brésilienne
« Le soja n’est pas la seule culture qui ruine les forêts du Cerrado. Les champs de coton contribuent aussi à la disparition de cette savane arborée, précieux puits de dioxyde de carbone, qui couvre plus de 1,5 million de kilomètres carrés. Dans son enquête « Crimes de mode. Les géants européens liés au scandale du coton brésilien », publiée jeudi 11 avril [2024], l’organisation britannique Earthsight dénonce les travers de la culture intensive de cet or blanc, qui, depuis le Brésil, est exporté en Asie pour fabriquer les jeans d’Inditex, propriétaire de Zara, numéro un mondial de l’habillement, et de H&M. »
Source : Le Monde
Des séquences exceptionnelles
Des vieux vêtements donnés finissent dans des décharges
Une partie des vieux vêtements que vous lavez, pliez, repassez précautionneusement et que vous déposez dans les ressourceries finissent… jetés. Et enfouis en décharge. Depuis que les pays africains acceptent beaucoup moins de surplus européens, il n’y a plus assez de débouchés pour les centaines de milliers de tonnes qu’on jette chaque année.
Australie : des moutons mutants pour produire toujours plus de laine…
La plus grande partie de la laine que l’on porte en France vient d’Australie. Les éleveurs ont peu à peu modifié la race de moutons mérinos pour qu’ils produisent toujours plus de laine. Si bien que lorsqu’ils ne sont pas tondus, leur vie est en danger. Encore pire, la plupart sont mutilés à la naissance. Pour produire beaucoup de laine, ils ont énormément de plis de peau : on leur coupe à vif le surplus de peau de la zone génitale pour prévenir des infections. Cette pratique est interdite partout dans le monde, sauf en Australie.
… Tandis que la laine des moutons français finit à la poubelle
C’est une ressource naturelle qu’on a sous la main, mais les éleveurs ne savent pas quoi en faire. Nous avons tellement abandonné la filière de valorisation de la laine qu’elle est désormais jetée, la plupart du temps. Au lieu de rapporter de l’argent aux éleveurs, c’est devenu un fardeau pour s’en débarrasser. Mais quelques combattants se battent pour relancer la laine française !
On essaye de limiter nos importations de soja du Brésil pour ne pas déforester… mais on fait venir de plus en plus de coton !
Le coton, c’est le nouvel eldorado des producteurs de soja brésilien. Ils en cultivent de plus en plus dans des conditions impressionnantes : nous avons assisté à des épandages de pesticides par avion dans ces plaines à perte de vue.
Récupérer le coton de nos vieux vêtements pour faire de nouveaux habits, c’est possible et ça existe déjà
Et si on utilisait les 600 000 tonnes de vêtements qu’on jette chaque année pour en faire de nouvelles tenues ? C’est le pari fou de cette entreprise qui recycle des vieux jeans troués pour en faire du nouveau textile. Ça marche et ça crée des emplois !
Ces derniers mois, j’ai été frappé de voir des avions atterrir tous les jours en Europe depuis la Chine remplis de vêtements de sites spécialisés comme Shein et Temu. Je me suis demandé : comment produit-on une telle quantité d’habits ? À « Sur le front », nous avons décidé de nous intéresser aux matières naturelles les plus répandues dans nos armoires, le coton et la laine.
Hugo Clément, extrait de son édito
Sur le front - Coton, laine : la face cachée de nos matières naturelles
D’où vient notre laine ? De la tonte de nos moutons ? Pas exactement… Et notre coton, dans quel pays pousse-t-il aujourd’hui ? Hugo Clément enquête sur nos vêtements en fibres naturelles et découvre que la France regorge de laine vierge et de vieux tissus en coton recyclable qui partent à la poubelle. Quelques entrepreneurs se battent pour les sauver et les transformer en nouveaux vêtements.
Magazine (52 min – inédit – 2025) – Création Régis Lamanna-Rodat et Hugo Clément – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Félix Seger – Compositeur du générique Studio31DB – Compositeur du film Worakls – Production Winter Productions – Coproduction France Télévisions
Ce magazine est diffusé lundi 15 septembre à 21.05 sur France 5
Sur le front – Coton, laine : la face cachée de nos matières naturelles est à voir et revoir sur france.tv