« Soirée spéciale François Truffaut »

La ténébreuse « Histoire d'Adèle H. » et un portrait documentaire qui révèle l’homme derrière les films

France 5

Cinéma

En hommage au cinéaste disparu en 1984, une soirée spéciale avec la diffusion de son ténébreux chef-d’œuvre « L’Histoire d’Adèle H. », suivi du documentaire « François Truffaut, le scénario de ma vie », réalisé à partir d’entretiens inédits. Vendredi 10 octobre à 21.05 sur France 5. 

« François Truffaut, le scénario de ma vie ». © DR

Quarante et un ans après sa disparition, le 21 octobre 1984, à seulement 52 ans, François Truffaut, l’homme comme l’artiste, continue de fasciner le public et d’inspirer les plus grands (Steven Spielberg, Arthur Penn, Wes Anderson, David Fincher, Bertrand Bonello, Arnaud Desplechin). 
Enfant esseulé et turbulent sauvé par une cinéphilie insatiable, devenu critique aussi redouté que redoutable (au sein des revues Arts et LesCahiers du cinéma où il officie au début des années 1950), puis cinéaste pionnier de la Nouvelle Vague adoubé par la critique et le public dès son premier film, Les Quatre Cents Coups (1959), il est maintenant considéré comme une figure incontournable du cinéma français et mondial.
Il laisse derrière lui une filmographie dense, protéiforme, inclassable –vingt et un longs-métrages, couronnés d’un Oscar pour La Nuit américaine et de deux César pour Le Dernier Métro, dans lesquels il n’a cessé de semer des échos de sa vie et de célébrer son amour du cinéma. 
France 5 lui rend hommage ce soir. Au programme : le ténébreux L’Histoire d’Adèle H., qu’il réalisa en 1975 sur les pas de la fille cadette de Victor Hugo, interprétée par une toute jeune Isabelle Adjani, 19 ans, vénéneuse et bouleversante, suivi de François Truffaut, le scénario de ma vie, dans lequel le documentariste David Teboul remonte le fil de sa biographie et de son œuvre, à partir des derniers entretiens inédits que le cinéaste, à la fin de sa vie, accorda à son ami et coscénariste Claude de Givray.

Les films sont plus harmonieux que la vie [...]. Les gens comme toi, comme moi, on est faits pour être heureux [...] dans notre travail de cinéma.

Extrait de « La Nuit américaine »

Dès son premier film inspiré de son enfance, François Truffaut s’est joué des frontières entre fiction et autobiographie – et des capacités de la première à transcender les douleurs de la seconde. Frontières qu’il continuera à arpenter en funambule inspiré, notoirement avec la « saga Antoine Doinel », qui composera, en cinq films étalés sur vingt ans (Les Quatre Cents Coups, Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal, L’Amour en fuite), une sorte d’autoportrait en mouvement, tout en tendresse quoique souvent sans concession. « Les films sont plus harmonieux que la vie », faisait-il dire à son personnage dans La Nuit américaine (1973) : de fait, François Truffaut a œuvré à harmoniser sa vie à travers ses films.
De sorte que, à partir de sa filmographie, on peut se faire de l’homme, de ses idées, de ses obsessions, de ses blessures, de ses passions, de ses engagements, une image finalement assez précise. Et pourtant…
Tout le mérite du documentaire réalisé par David Teboul, assisté du critique Serge Toubiana (co-auteur, avec Antoine de Baecque, d’une biographie de référence sur François Truffaut), est de révéler l’homme derrière les films, montrant la face cachée – et parfois fort sombre – d’un personnage plus complexe qu’il n’y paraît.

– François Truffaut, quelle a été votre principale qualité ?

– Ça a été de foncer dans le brouillard.

« François Truffaut, le scénario de ma vie »

Porté par la voix d’Isabelle Huppert et émaillé tout autant d’archives saisissantes que d’extraits de ses films, François Truffaut, le scénario de ma vie donne ainsi une idée claire de la façon dont il vivait certains échecs, tout comme de la violence que cet enfant mal aimé par sa mère a dû endurer dans sa jeunesse (à travers notamment les lectures que font Louis Garrel et Pascal Greggory des échanges entre le cinéaste et son père adoptif), ainsi que de la complexité des relations qu’il a entretenues avec les femmes et actrices de sa vie. Complexité dont L’Histoire d’Adèle H., proposé en première partie de soirée, porte les stigmates.
Réalisé en 1975 entre deux autres films d’époque, Les Deux Anglaises et le continent (1971) et La Chambre verte (1978), ce film s’inscrit dans une sorte de trilogie de la passion amoureuse, véritable autopsie clinique de ce que le romantisme, aussi pur soit-il, contient de mortifère. En filmant la lente déchéance, jusqu’à la déraison, de la seconde fille de Victor Hugo qui, en 1863, rejoint anonymement Halifax sur les traces d’un lieutenant britannique qui la repousse, François Truffaut réalise un film obsessionnel sur l’obsession – obsession du personnage d’Isabelle Adjani pour son amant, obsession de Truffaut, en butte aux impasses de son désir, pour son actrice, dont il sublime le visage juvénile et énigmatique – à la fois mentor et Pygmalion : c’était plusieurs décennies avant #MeeToo…
Au détour d’une scène-clé, dans la première partie du film, le personnage d’Adèle croit reconnaître le lieutenant qui l’obsède mais se retrouve, interdite, face à un militaire joué par François Truffaut lui-même. Obsession du personnage, obsession du cinéaste : toujours, la vie et les films qui se brouillent…

Soirée spéciale François Truffaut

Isabelle Adjani et François Truffaut - « L'Histoire d'Adèle H. »
Isabelle Adjani et François Truffaut dans « L'Histoire d'Adèle H. ».
© Les Films du Carrosse

21.05 : L’Histoire d’Adèle H.
Adèle, fille de l’écrivain Victor Hugo, s’éprend du lieutenant Pinson, qui, appelé au Canada, la quitte. Adèle le rejoint et apprend qu’il est fiancé à une autre. Devenue folle après cette découverte, elle doit être internée dans un hôpital psychiatrique où elle finit sa vie.
Réalisation François Truffaut – 1975 – Avec Isabelle Adjani, Bruce Robinson, Silvia Mariott, Joseph Blatchley

22.45 : François Truffaut, le scénario de ma vie
À la fin de sa vie, malade, François Truffaut se réfugie chez son ex-femme, Madeleine. Celle-ci essaie alors de l’occuper durant sa longue agonie. Le cinéaste se confie à son ami Claude de Givray, avec l’intention d’écrire son autobiographie. Il se replonge dans son histoire familiale, mais, trop affaibli, doit abandonner. Il transmet alors ces entretiens à Richard Roud, un critique américain qui meurt en 1989, laissant ce projet de biographie inachevé. Le film est nourri des derniers entretiens inédits du cinéaste et de correspondances intimes retrouvées. David Teboul réalise un autoportrait intime à la première personne, qui révèle la face cachée d’un homme bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Réalisation David Teboul – Scénario David Teboul et Serge Toubiana – Avec Isabelle Huppert, Louis Garrel, Pascal Greggory, André Dussollier, Marie-Noëlle Genod et Barbara Sukowa

La « Soirée spéciale François Truffaut », diffusée vendredi 10 octobre à partir de 21.05 sur France 5, est à (re)voir sur france.tv 

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