Cousin des Bourbons de France, prétendants à la couronne, descendant à la fois de Louis XIV et de la reine Victoria d’Angleterre, Juan Carlos Ier (né en 1938) est le petit-fils du roi d’Espagne Alfonso XIII dit l’Africain. Lequel, privé de son trône par la victoire des républicains aux élections de 1931, est maintenu à l’écart jusqu’à sa mort par le dictateur Francisco Franco, vainqueur de la guerre civile espagnole (1936-1939), tout comme son fils, l’infant Juan de Borbón y Battenberg. Le caudillo, qui se définit lui-même comme une sorte de régent, mise en revanche sur Juan Carlos : dès l’enfance, celui-ci est désigné comme futur roi et envoyé dans les meilleures écoles militaires de l’Espagne fasciste pour y être formé.
Autant dire que les choses ne commencent pas si bien, au regard de l’histoire, pour le jeune prince couvé au sein de l’appareil politique franquiste. Sur le plan personnel non plus : en 1956, il tue accidentellement son cadet Alfonso (14 ans) d’une balle en plein front avec une arme offerte par… Franco. Mais, surtout, nommé prince d’Espagne, puis capitaine des forces armées, puis chef de l’État par intérim par le dictateur vieillissant et bientôt à l’agonie, et devenu enfin roi d’Espagne après la mort de Franco, le 20 novembre 1975, Juan Carlos passe alors aux yeux de beaucoup d’Espagnols au pire pour un nouveau dictateur, au mieux pour un fantoche qui sera vite balayé par le changement politique. Le communiste Santiago Carillo le gratifie même du sobriquet de Juan Carlos el Breve, « le Bref »…
Il s’en repentira. Car, contre toute attente, le nouveau monarque, une fois sur le trône, entreprend la transition de l’Espagne vers la démocratie et la modernité. Sa réaction énergique et sans ambiguïté face à la tentative de coup d’État du 23 février 1981 achève de lui assurer une légitimité et une stature qu’on ne soupçonnait pas vraiment. Conviction libérale ou calcul politique ? On en discute encore. Il n’empêche…
Scandales
Tel est en tout cas le capital de popularité, de sympathie, d’autorité auprès des Espagnols, y compris de gauche, que la suite du règne de Juan Carlos ne fera que dilapider. Une chute vertigineuse jusqu’à l’abdication en 2014 au profit de son fils Felipe. Sa vie amoureuse haute en couleur (certains lui prêtent une libido débordante et jusqu’à deux mille maîtresses), passe encore. Mais ses dispendieux safaris de chasse à l’éléphant au Botswana choquent une Espagne plongée dans la crise. Il y a pire encore : les révélations, en 2019, sur des dizaines de millions d’euros de commissions occultes perçues depuis des décennies. Soupçonné de corruption et de fraude fiscale, sous le coup d’une enquête de la Cour suprême espagnole, l’ancien roi choisit l’exil (doré) et s’envole en 2020 vers les Émirats arabes unis…
Quel paradoxe que ce roi d’Espagne dont son pays avait fait un des héros de la démocratie, terminant sa vie loin de son pays, sur une île paradisiaque, accusé dans sa propre famille de fragiliser la monarchie dont l’avenir est incertain, malgré les efforts de son héritier, le roi Felipe VI…
Intervenants
José Luis Rodríguez Zapatero, ancien chef du gouvernement espagnol
Michel de Grèce, cousin germain de la reine Sofia
Don Josep Cusi, ami intime du roi
Don Jaime Carvajal, ami d’enfance du roi
Benoît Pellistrandi, historien
Laurence Debray, biographe et historienne
Isabelle Rivière, écrivain
Philippe Nourry, biographe, historien
Serge Raffy, journaliste
France Roque, amie du couple royal
Carlos Bastarreche Sagües, ambassadeur d’Espagne en France
Franck Ferrand, historien
À 22.50 : Juan Carlos, confidences d’un roi en disgrâce
Stéphane Bern a pu s’entretenir en exclusivité avec le roi émérite d’Espagne à Abou Dhabi, dans les Émirats arabes unis, où il vit aujourd’hui en exil. Un demi-siècle après son avènement et à l’occasion de la sortie de ses Mémoires, Réconciliation, Juan Carlos Ier se confie sur son exil, sur les affaires qui ont terni son règne, sur sa relation avec Franco et avec sa famille, et particulièrement son père, mais aussi sur les grands moments de son règne, son avènement il y a cinquante ans ou son acte de résistance face à la tentative de coup d’État militaire en février 1981.
En près de quarante ans de règne, celui que l’on surnommait Juan Carlos le Bref a mené l’Espagne sur la voie de la démocratie, en dotant le pays d’une nouvelle Constitution. Unanimement aimé et respecté, le roi d’Espagne a vu son image ternie par les scandales, des amitiés ou des amours adultères, des affaires financières et fiscales qui ont fini par entacher son prestige, et des ennuis de santé l’ont conduit à abdiquer le 18 juin 2014 au profit de son fils Felipe VI.
Interview de Stéphane Bern (inédit – 30 min) – Production Paris-Le Perche Productions – Avec la participation de France Télévisions
Secrets d’histoire : Juan Carlos, la gloire et l’exil !
Documentaire (100 min – 2025 – inédit) – Présentation Stéphane Bern – Une collection proposée par Jean-Louis Remilleux avec Stéphane Bern – Production Société Européenne de Production – Avec la participation de France Télévisions – Écriture du documentaire et réalisation des sujets Guillaume de Lestrange et Élodie Mialet – Réalisation des séquences avec Stéphane Bern David Jankowski – Réalisation des sujets Quentin Canette et Sandra Formatger
Diffusion mercredi 26 novembre à 21.10 sur France 3
À voir et à revoir sur france.tv