Plus aucune voix ne peut s’élever en Russie contre le régime de Poutine sans qu’un voisin, des profs ou des camarades de classe n’en fassent part aux autorités. Les procès s’enchaînent, les années de prison s’empilent, les punitions se multiplient contre ceux qu’on appelle les « politzek ». Pour faire peur aux autres, comme aux belles heures du stalinisme, les goulags affichent complet. Ces voix qui défient le Kremlin, Manon Loizeau* a voulu leur donner la parole avec l’aide de Katia Nantoy.
La Russie est un pays totalitaire. L’État a pris le contrôle sur tout. Il n’y a pas de liberté d’expression.
Oleg Orlov, cofondateur de l’association Memorial
Oleg Orlov, cofondateur de Memorial, association pour la mémoire des crimes du stalinisme et la documentation de ceux du régime actuel (Prix Nobel de la paix, 2022), a été condamné à 2 ans et 11 mois de prison à 1 000 km de Moscou. Arseny, un adolescent de 14 ans, a été condamné à 5 ans de prison pour avoir critiqué le pouvoir sur les réseaux sociaux. Sacha, jeune artiste emprisonnée pour avoir collé des étiquettes contre la guerre, condamnée à 7 ans de prison. Evguenia, metteuse en scène de théâtre, et Svetlana, sa scénariste, au terme des procès kafkaïens, ont été condamnées à 6 ans. Au travers de leurs témoignages, ce film décrypte la machine répressive de l’État russe. Des images rares, des voix brisées mais vivantes, et un récit profondément humain sur la résistance étouffée.
Toute la Russie ressemble à une prison en ce moment.
Sacha Skotchilenko, artiste russe
Note d’intention de Manon Loizeau*
« Ce film est né d’une urgence : la mort d’Alexeï Navalny en prison en février 2024. Un point de non-retour. Un électrochoc. Il fallait témoigner. Depuis plus de vingt ans, je filme la Russie et ceux qui résistent au régime. Mais, aujourd’hui, la répression est partout. Parler, publier, manifester ou filmer, tout est devenu dangereux, tout est devenu un crime passible d’une peine de prison. Empêchée de retourner sur place, j’ai tissé ce film avec celles et ceux qui rêvent d’une autre Russie. Très vite, des voix se sont jointes à moi, dont celle d’une jeune cinéaste russe qui a pu documenter cette répression de l’intérieur. Ensemble nous avons réalisé ce film interdit. »
Débat
Le documentaire est suivi d’un débat animé par Aurélie Casse avec Evgenia Kara-Murza, parfaitement francophone, en visio de Washington. Elle est la directrice de la Fondation 30 octobre, lancée par Vladimir Kara-Murza en 2023, une organisation visant à fournir de l’aide aux prisonniers politiques russes et à leurs familles. Invitées également : Manon Loizeau, réalisatrice ; Katya Nantoy, coréalisatrice, arrivée depuis peu en France ; Olga Kokorina, cofondatrice de l’association Russie Libertés.
Politzek, les voix qui défient le Kremlin
Arraché à la répression et à la censure, ce film porte le combat de celles et ceux qui, en Russie, continuent de défendre la démocratie et le payent de leur liberté. Un éclairage inestimable. Filmé clandestinement, il révèle aux yeux du monde la répression mise en place par Poutine. Les images des procès et les portraits des dissidents sont terribles.
Présentation Aurélie Casse
Un film (90 min – 2025) de Manon Loizeau et Ekaterina Mamontova — Écrit par Manon Loizeau, Sacha Koulaeva — Production Babel Doc, Stéphanie Lebrun — En coproduction avec Clin d’Œil Films, Hanne Phlypo — Avec la participation de France Télévisions — Coproduction Deutsche Welle, RTBF, VRT, SWR
La soirée se poursuit avec deux documentaires (en rediffusion) Des trains dans la guerre (film d’Emmanuel Carrère et Lucas Menget) et Pussy Riot, rage against Poutine (écrit et réalisé par Denis Sneguirev)
Le Monde en face : Politzek, les voix qui défient le Kremlin est diffusé dimanche 21 septembre à 21.05 sur France 5
À (re)voir sur france.tv