Djamel Mazi a grandi dans le quartier du Val-d’Argent-Nord d’Argenteuil.
En 2001, son frère lui offre une petite caméra numérique. Le futur journaliste commence alors à filmer les copains, leurs matchs de foot, leurs clips de rap, leurs rêves… Djamel, comme ses potes, n’avait pas l’impression de vivre dans un quartier difficile jusqu’à ce soir d’octobre 2005.
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se rend sur la dalle d’Argenteuil. La visite est agitée. Et c’est là qu’il prononcera cette phrase devenue célèbre : « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser. »
Un coup de com qui a touché les habitants en plein cœur. Djamel Mazi, aux premières loges, s’est senti humilié, comme ses voisins. Et, vingt ans après, il n’a pas oublié.
« On regarde toujours d’où l’on vient », clame-t-il en ouverture de son documentaire. Désormais journaliste à France Télévisions, l’enfant d’Argenteuil choisit de se replonger dans ses archives personnelles, mais aussi de retourner dans son quartier pour retrouver ses potes d’enfance qui y sont restés. Djamel Mazi souhaite ainsi signer un « documentaire sur eux, sur nous, sur notre bonne vieille dalle d’Argenteuil, pour comprendre ce qui a changé ou pas en vingt ans ».
Rétablir la mémoire d’une jeunesse stigmatisée
Et en déambulant dans son ancien quartier, il constate d’emblée que la dalle a bien changé. Les commerces ont disparu. Certains immeubles sont détruits. Le bureau de poste a fermé. Mais certains visages, eux, sont toujours là. Ce sont ceux de ses amis d’enfance : Abdellah, Rafik, Toufik, Hakim, Laetitia… Tous reviennent sur cette phrase de Nicolas Sarkozy qu’ils n’ont pas oubliée. « Une grosse insulte » pour Abdellah, reçu quelques jours plus tard par le ministre de l’Intérieur pour obtenir des explications. Un entretien qui a fini par aboutir à l’organisation d’états généraux sur les quartiers. Mais, pour lui, rien n’a changé. Les logements dégradés, les conditions de vie, les problématiques du quotidien, le manque de moyens sont toujours là. Son espoir est de constater que les « Dictées pour tous » — qu’il organise — sont de plus en plus populaires. « On est nés en France, c’est important d’être les ambassadeurs de cette langue », précise-t-il avec enthousiasme.
Hakim, lui, travaille au service médiation de la mairie. Et il se situe en première ligne des tensions. Au plus près des jeunes, il tente d’intégrer leurs codes et leurs usages, différents de ceux de sa jeunesse. Toufik, lui, c’était justement le grand frère de l’époque. Pour lui, « l’ennui est le pire ennemi des jeunes ». Et pour le contrer, il a ouvert une salle de boxe sous la dalle. Ses mots d’ordre : sport, respect et discipline. Lui aussi se souvient des propos de Sarkozy. « Il va à La Courneuve, il parle de “Kärcher”, il vient à Argenteuil, il parle de “racaille”. Cette étiquette nous a collé à la peau pendant des années, jusqu’à aujourd’hui. » Son espoir ? Remettre les jeunes dans le droit chemin grâce au sport. Même s’il ne quitterait son quartier pour rien au monde, Rafik, lui, est nostalgique de son enfance. « Y avait tout le monde quand tu descendais de chez toi. Y avait plus de respect, de principes, pas de smartphone. » Lui aussi a été marqué par les propos de Sarkozy. « On n’avait rien demandé en fait. On avait l’impression de se faire insulter, de mettre tout le monde dans le même sac. »
Djamel Mazi part aussi à la rencontre de ces mamans solo, comme Laetitia, son ancienne camarade de classe, qui élève seule ses deux enfants, mais peut toujours compter sur l’entraide du voisinage.
« Si au Val d’Argenteuil, la misère s’installe à tous les étages, constate Djamel Mazi, je retrouve les valeurs qui m’ont marqué petit. »
En s’immergeant dans le quartier de son enfance pour retracer l’histoire de la dalle d’Argenteuil, devenue l’un des symboles des quartiers sensibles, Djamel Mazi cherche ainsi à « rétablir une mémoire, celle d’une jeunesse stigmatisée, mais pleine de talent et d’espérance. Ce film, c’est un retour aux sources, mais aussi une quête de vérité et de dignité ».

On n’est pas de racailles
Le 25 octobre 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se rend sur la dalle d’Argenteuil. Une visite sous tension, marquée par une phrase devenue célèbre : « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser. »
Aux premières loges, un jeune du quartier : Djamel Mazi, 19 ans. Choqué, il l’interpelle : « Vous ne pensez pas nous mettre tous dans le même sac ? »
Dès 2001, caméra DV à la main, Djamel filmait son quartier, ses amis, leurs rires, leurs rêves, sans imaginer que ces images deviendraient un jour un témoignage historique.
Vingt ans plus tard, devenu journaliste à France Télévisions, il n’a rien oublié. Il décide de rouvrir ses archives intimes pour retrouver ses amis d’enfance : Abdellah, Rafik, Toufik, Hakim… et comprendre ce qu’ils sont devenus. À travers leurs portraits, c’est l’histoire de la dalle d’Argenteuil, devenue l’un des symboles des quartiers sensibles, qui se dessine en creux.
Documentaire (52 min – 2025) — Auteurs et réalisateurs Djamel Mazi et Éric Kollek — Production Morgane Production et We Make Productions — Avec la participation de France Télévisions
Diffusion dimanche 23 novembre à 23.20 sur France 5 et sur france.tv
