« Mitterrand confidentiel »

La série-événement avec Denis Podalydès

France 2

Séries & fictions

Denis Podalydès se glisse avec subtilité et élégance dans les pas d'un François Mitterrand usé par les scandales qui entachent son dernier mandat. Mêlant l'intime au politique, une série addictive pour dessiner le portrait composite du « dernier des grands dirigeants français ». Lundi 5 janvier à 21.10 sur France 2.

« Mitterrand confidentiel » ©Thierry Valletoux - Mother Production - France Télévisions

« On voudrait rêver d'un itinéraire plus simple et plus clair pour celui qui fut le leader de la gauche française des années 1970 et 1980 », confiait Lionel Jospin dans une interview au Point en 1994. À l'époque, l'enquête du journaliste Pierre Péan (Une jeunesse française), retraçant les années de formation (et d'ambiguïtés) de François Mitterrand, choque tout le pays. Scandale : l'actuel président de la République, ancien résistant, artisan de l'union de la gauche dans les années 1970 ayant permis l'accession au pouvoir du parti socialiste en 1981, a non seulement flirté avec l'extrême droite mais a même été fonctionnaire du gouvernement de Vichy en 1942 (décoré de la Francisque par le maréchal Pétain lui-même). 
Et ce n'est pas tout : dans la foulée du livre de Pierre Péan, François Mitterrand va faire face à l'affaire des écoutes de l'Élysée (une cellule d'espionnage illégale active durant son premier septennat), à la révélation de sa relation extra-conjugale de trente ans avec Anne Pingeot et au tabou autour de sa santé (malgré ses promesses de transparence, il a tenu secret son cancer de la prostate dont le diagnostic remonte à ... 1981). 
Trente ans après la mort de François Mitterrand (survenue le 8 janvier 1996, quelques mois à peine après la fin de son mandat), l'itinéraire du premier président socialiste de la Ve République manque certes autant de simplicité et de clarté, mais, débarrassé de l'écume des indignations de circonstance et des coups bas de la politique politicienne, il peut enfin être regardé et raconté pour ce qu'il est : un destin éminemment épique qui, au fil d'innombrables métamorphoses et réinventions, aura traversé la seconde moitié du XXe siècle pour y graver une empreinte à part, celle, exigeante, digne, visionnaire, habile, érudite, du « dernier des grands dirigeants français ».

Je suis attaqué de toutes parts. Je nage dans le venin. [...] La meute qui est lancée à mes trousses ne s'arrêtera pas là. Les derniers tabous vont être levés.

François Mitterrand (Denis Podalydès), « Mitterrand confidentiel »

Clé de voûte de la programmation que France Télévisions consacre au trentième anniversaire de la disparition de François Mitterrand, la série-événement Mitterrand confidentiel débute au moment même où éclate l'affaire de sa « jeunesse française » pour dérouler et détailler les étapes phares de cet itinéraire contrasté, en quatre épisodes d'une précision clinique, mêlant avec subtilité et émotion l'intime au politique.
Casting irréprochable (Valérie Karsenti et Judith Chemla, aux côtés de Denis Podalydès et Baptiste Carrion-Weiss, offrent chacun une part d'eux-mêmes aux multiples visages de François Mitterrand à travers les âges), scénario au cordeau signé Stéphane Pannetier et réalisation tout en élégance d'Antoine Garceau, la série fait des allers-retours entre les époques pour mieux approcher, à la manière d'un tableau cubiste, les diverses facettes de cet homme hors norme, sans jamais chercher à en figer le portrait ou à en éluder les parts sombres. 
N'en déplaise à Lionel Jospin, un parcours « plus simple et clair » aurait, certes, été préférable politiquement, mais n'aurait pas fait de François Mitterrand une sorte d'insaisissable et mystérieux héros, sinon romantique du moins romanesque (« homme pressé, occupé, ambitieux, amoureux, tout comme un héros de Stendhal », résume Denis Podalydès), maître de l'ellipse, véritable personnage de fiction avant l'heure, digne d'une série aussi addictive et passionnante que ce Mitterrand confidentiel.

3 questions à Denis Podalydès

Denis Podalydès - « Mitterrand confidentiel »
Denis Podalydès - « Mitterrand confidentiel »
© Thierry Valletoux - Mother Production - France Télévisions

François Mitterrand est un personnage hors norme : en quoi votre travail de préparation a-t-il été différent ?
Ce n’est pas un travail si différent de celui que l’on produit pour un personnage de fiction. Dans tous les cas, le plus concret du travail, c’est la mémorisation d’un texte, des dialogues, et de se préparer à entrer dans une mise en scène, des situations, avec des partenaires qui vous façonnent aussi, dans des décors divers, etc. C’est-à-dire que le personnage public, historique, devient de toute façon personnage de fiction et s’écarte naturellement, irrésistiblement, de celui qu’on peut regarder sur des vidéos, des témoignages, des documentaires, qui est l’unique François Mitterrand. Ensuite, ma tâche intérieure, si je peux dire, c’est de rendre mon personnage, désormais fictif, digne du vrai, qu’il n’en soit pas la caricature, la pâle copie, qu’il n’y ait pas d’affadissement excessif ou d’offense de ce point de vue. Pour cela, outre les nombreuses conversations et le dialogue complice et permanent avec Antoine Garceau, ma préparation a surtout consisté en lectures, visionnages et écoutes multiples : textes et publications de Mitterrand, correspondance avec Anne Pingeot, dont je ne finis pas de m’émerveiller : beauté littéraire, puissance du sentiment, humour, contradictions existentielles, excès et folies, il y a tout dans ce très grand roman. Mais aussi, bien sûr, j’ai visionné quantité de vidéos disponibles.

Qu’est-ce qui était important pour vous de montrer de l’homme ?
J’aimerais que l’inattendu du personnage que l’on découvre notamment tout au long de la correspondance avec Anne Pingeot soit un peu présent. Son humour, sa fragilité, sa vulnérabilité et — comment dire ? — le sens de la langue. Le style, cette façon royale de maîtriser sa langue, de la manier brillamment dans tous les contextes, dans le langage amoureux, naïf et passionné, comme dans la joute politique, pleine de ruse, de sang-froid, certes, mais aussi de grandeur et de générosité, au sens quasi cornélien du terme. Je crois aussi, mais peut-être est-ce un effet de l’empathie qui m’est venue, moi qui suis pourtant si loin du caractère de cet homme, qu’il était bien moins machiavélique ou calculateur qu’on ne l’a dit. Je crois même en lui à un fond d’innocence... Je me demande si certaines zones d’ombre, comme on dit, ne s’éclaireraient pas davantage si, plutôt que des fautes — ou pire —, on lui concédait quelques erreurs fondamentales dues à un homme pressé, occupé, ambitieux, amoureux, tout comme un héros de Stendhal.

Y a-t-il des aspects de la personnalité ou de la vie de François Mitterrand qui vous ont surpris ?
Un Mitterrand primesautier, amoureux. Un lecteur acharné, insolite et permanent, toujours un livre à portée de main. Un homme qui fait de la douleur un usage à la fois quotidien et caché. Mais je retiens surtout la très haute conscience sociale qui était la sienne et qui ne l’a jamais quitté, même si l’on aime tant gloser sur les renoncements de la gauche. Par exemple, dans les ultimes vœux de la fin 95, on a surtout retenu « les forces de l’esprit », mais la moitié du propos testamentaire est consacrée à la question sociale. Dans les discours sur l’Europe (celui de Strasbourg, notamment), il élabore une vision entièrement sociale de l’Europe, aussi bien du point de vue économique que du point de vue culturel, toujours fondée sur le sens de la répartition des richesses et le refus d’en rabattre sur le système public. L'une de ses idées centrales était que l’accès à la culture, au savoir, aux choses de l’esprit, est l'un des grands moyens de ne pas accroître les inégalités, de raffermir au contraire le tissu social.  

Mitterrand confidentiel

Charlie Borghi - Denis Podalydes - « Mitterrand confidentiel »
Charlie Borghi - Denis Podalydes - « Mitterrand confidentiel »
©Thierry Valletoux - Mother Production - France Télévisions

En 1994-1995, François Mitterrand est un président affaibli, qui doit gérer une cohabitation politique devenue difficile, et affronter des attaques de toutes parts, politiques et personnelles, y compris au sein de son propre camp. Chaque épisode de la série part d’un événement déclencheur lors de ces deux dernières années de son règne, pour revenir sur quatre grands tournants de son parcours, tant politiques que romanesques, au cours desquels Danielle Mitterrand et Anne Pingeot, les deux femmes de sa vie, jouent un rôle important.
Quatre tournants majeurs qui seront autant de réinventions personnelles et politiques de la part du « dernier des grands dirigeants » ayant connu la guerre et qui démontrent combien François Mitterrand fut aussi le prince des métamorphoses.

Série inédite - 4 x 52 minutes - Création Stéphane Pannetier - Scénario Stéphane Pannetier - Réalisation Antoine Garceau - Production Mother Production et France Télévisions - Avec Denis Podalydès de la Comédie-Française, Valérie Karsenti, Judith Chemla, Baptiste Carrion-Weiss, Pauline Briand, Léa Lopez de la Comédie-Française, Marie Denarnaud, Suzanne Jouannet, Jean-Luc Porraz... 

« Mitterrand confidentiel », diffusée à partir de lundi 5 janvier à 21.10 sur France 2, est à (re)voir sur france.tv 

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