« Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre »

Roméo et Juliette au XXe siècle

France 5

Documentaire

À travers la correspondance amoureuse entre un photographe allemand, caporal dans la Wehrmacht, et une interprète soviétique, infirmière sur le front russe, le documentaire de Véronique Lagoarde-Ségot, mi-collage d'archives, mi-fiction, évoque les destins de milliers d'individus emportés par la Seconde Guerre mondiale. Dans « La Case du siècle », dimanche 18 mai à 22.50.

« Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre » © Mélisande films/Véronique Lagoarde-Ségot

« Ça a débuté comme ça... », raconte (ou invente) Véronique Lagoarde-Ségot dans le préambule de son film. Presque une hallucination. Cherchant l’inspiration, elle tombe un jour par hasard, dans une boîte de vieilles cartes postales, sur quelques photographies jaunies représentant un jeune couple. Écrit au dos : « 23 août 1939. Moscou ». Cette date, c’est celle de la signature du pacte de non-agression entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie. Et voilà que naît le désir de faire vivre cette femme et cet homme. La réalisatrice se met à les imaginer, « elle, interprète venue mettre ses connaissances de la langue allemande dans ce grand moment d’histoire ; lui, photographe venu de Berlin immortaliser cette nouvelle union, témoin du rapprochement des deux grandes dictatures mais aussi, sans le savoir, du prélude à la Seconde Guerre mondiale ».

« Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre »
« Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre »
© Mélisande films/Véronique Lagoarde-Ségot

Ce jour-là, tandis que leurs pères font alliance, la jeune Russe et le jeune Allemand tombent amoureux. À peine le temps de se découvrir et il faut se séparer, en se promettant de s’écrire et de se retrouver. Mais on sait comment les affaires du monde tournèrent alors et ce qu’il advint du Pacte germano-soviétique. Déchirés entre la fidélité à leur amour et la loyauté envers leur pays, Lorenz et Marlena, c’est le destin de Roméo et Juliette transposé dans celui de deux soldats – il devient caporal, elle s’engage comme infirmière sur le front – dont les parents seraient l’Union soviétique et l’Allemagne nazie. À travers leur correspondance, basée sur des témoignages réels, ils sont les porte-parole de milliers d’individus anonymes plongés dans la guerre mondiale, dont les vies minuscules ont été broyées par l’histoire.
Nous avons l’habitude des récits de guerre masculins. L’histoire, pourtant, montre que les femmes ont joué elles aussi un rôle dans ce conflit armé. Le soldat de la Wehrmacht, souvent stéréotypé et assimilé aux Waffen SS, apparaît dans nos mémoires comme un nazi fanatique, obéissant aveuglement aux ordres d’Hitler. Lorenz montre qu’ils ont été nombreux, simples soldats, ayant comme unique objectif de servir leur pays. Marlena, de son côté, nous permet d’appréhender la situation de la femme soviétique dans ce milieu de siècle, politiquement, socialement et psychologiquement plus apte que celles des autres pays à se mobiliser.
Montage, et même collage, à mi chemin du document historique, du roman épistolaire et de la fiction, Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre est un objet difficilement classable. Les scènes de reconstitution en noir et blanc s’y glissent sans séparation dans les archives. On pense aux récits de l’écrivain allemand W.G. Sebald, mêlant texte et images, à certains documentaires de Stan Neumann (qui adapta justement, pour Arte, Austerlitz, du précédent). Un genre résolument hybride pour raconter la Seconde Guerre mondiale au plus intime.

« Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre »
« Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre »
© Mélisande films/Véronique Lagoarde-Ségot

Véronique Lagoarde-Ségot

Chef monteuse et réalisatrice, elle a débuté en 1996 aux côtés de William Karel, puis a travaillé sur une soixantaine de documentaires. En 2011, elle est la monteuse Five Broken Cameras, filmfranco-israélo-palestinien écrit et réalisé par Emad Burnat et Guy Davidi, récompensé par une trentaine de prix (Sundance, IDFA, Cinema du réel, Emmy Award...) et nommé à l’Oscar du meilleur film documentaire en 2013. Elle effectue également le montage du film Braddock America (Jean-Loïc Portron et Gabriella Kessler), sélectionné pour l’ACID Cannes 2013.
Sa passion pour les images d’archives et l’histoire guide le choix des projets sur lesquels elle travaille. En 2014, elle collabore à la réalisation du film de Marc Dugain, La Malédictiond’Edgar, avant de réaliser, en 2014, son premier documentaire, Shoah, les oubliés de l’Histoire pour Arte, puis en 2022 une série de six documentaires d’archives d’une heure, 1942, pour Arte encore.


Lorenz et Marlena, chronique d’un amour en guerre

Documentaire (2024 – inédit) – Durée 82 min – Un film de Véronique Lagoarde-Ségot – Conseillère historique Asia Kovrigina – Musique originale composée par Stéphane Lopez – Voix de Marlena Caroline Fouilloux – Voix de Lorenz Paul Delbreil – Figurants Lison Lagoarde-Ségot (Marlena) et Franck Wunschel (Lorenz) – Graphisme Clémence de Chambrun, Gaëtan Robert – Production Mélisande Films – Avec la participation de France Télévisions, du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée – Avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine – En partenariat avec le CNC – Avec l’accompagnement d’ALCA

Diffusion dans La Case du siècle, dimanche 18 mai à 22.50 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv

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Publié par Christophe Kechroud-Gibassier le 04 mai 2025