Les Malaisiens, dit-on, aiment à répéter que, dans la vie, tout est une question d’équilibre. Savoir prendre des risques quand tout menace de s’effondrer ; savoir jauger le danger avant d’avancer ; savoir jouer avec sa vie pour manger ; savoir se développer tout en préservant la nature… Voilà pour la théorie. Car, pour la pratique, c’est une autre affaire : l’équilibre, ici, semble justement rompu.
Bornéo est la troisième plus grande île au monde. L’Indonésie, la Malaisie et le minuscule sultanat de Brunéi se la partagent. L’île abrite également l’une des plus anciennes forêts de la planète. C’est une richesse inestimable (chaque année on y découvre de nouvelles espèces de plantes médicinales) mais aussi une malédiction car Bornéo est aujourd’hui l’un des théâtres les plus spectaculaires et les plus inquiétants de la déforestation et de ses ravages sur les sociétés et les écosystèmes. Chaque jour, des hectares sont avalés et on estime que la forêt a déjà perdu plus de la moitié de sa superficie. Dans ce décor grandiose mais menacé, des femmes et des hommes luttent au quotidien pour préserver leur mode de vie tout en tentant de s’adapter à un monde qui change.
Kara est membre de la tribu Penan, l’un des derniers peuples de la forêt. Fille d’une Penan et d’un aventurier français, elle est devenue infirmière. Chaque année, elle brave les pistes inondées et défoncées et les rivières pour aller soigner les siens au cœur de la province du Sarawak, là où aucun médecin ne s’aventure jamais. La forêt est désormais livrée aux bulldozers, aux camions de transport de bois et de ravitaillement – Vincent, par exemple, passe 70 heures par semaine au volant d’un poids lourd contenant 24 000 litres de carburant – et à la mafia du bois qui, grâce à la corruption, n’est pas près d’arrêter de se gaver. Les affaires sont bonnes, dit-on. Mais l’argent, peu de Malaisiens en voient la couleur. Il s’en va partout dans le monde. Avec les arbres de Bornéo…
Les Bajau, victimes du tourisme
Sur les côtes, la richesse et la malédiction se nomment tourisme. Des plages de rêve et des fonds marins exceptionnels : 30 millions de visiteurs par an. Une manne financière que certains paient au prix fort. Les Bajau, surnommés parfois les « Gitans de la mer » sont des pêcheurs nomades qui vivent dans des constructions sur pilotis ou sur leurs pirogues, entre Indonésie, Philippines et Malaisie, au rythme des déplacements des bancs de poissons. Mais, aujourd’hui, leurs villages sont détruits pour faire place aux hôtels de luxe, tandis que les poissons se font de plus en plus rares. Les autorités malaisiennes tentent même de rejeter ceux qu’elles jugent des intrus sans papiers vers les pays voisins.
Enfin, la Malaisie est le deuxième producteur mondial d’huile de palme. Un petit cultivateur explique avec une franchise désarmante qu’il ne sait pas très bien à quoi ça peut servir. Les Occidentaux ont l’air d’en raffoler et ça se vend bien. C’est tout ce qui lui importe. Cette culture ravageuse, qui prospère à la faveur de la déforestation galopante – la surface plantée de palmiers à huile a doublé en vingt ans pour atteindre 6 millions d’hectares –, est aussi une planche de salut pour de nombreux paysans. Mais encore faut-il pouvoir livrer sa récolte en saison des pluies. Et c’est une véritable équipée.
À Bornéo, rien n’est simple. Mais chacun à sa manière trouve encore le moyen de vivre, de résister et d’espérer. En se répétant que, dans la vie, tout est une question d’équilibre…
> À 21.45, rediffusion de l’épisode Kenya, advienne que pourra.
Les routes de l’impossible
Série documentaire – (Épisode inédit – 52 min – 2025) – Réalisation Guillaume Lhotellier et Frédéric Elhorga – Rédaction en chef Patrice Lucchini – Production Tony Comiti Productions – Avec la participation de France Télévisions
Diffusion vendredi 22 août à 21.00 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv