Mes parents ont émigré de Colombie et moi, je suis né ici. Mon père, il a choisi ce coin parce qu’il était bûcheron. Ma vie est ici. J’ai une femme, deux filles. J’adore cet endroit, je n’en partirai jamais.
Juce
À Alto Tambo, dans le nord-ouest de l’Équateur, il est une règle qui prévaut pour se sortir d’un mauvais pas ferroviaire : être débrouillard et habile de ses mains. Il faut dire que la ligne qui reliait autrefois la capitale, Quito, à San Lorenzo, sur la côte pacifique (en passant par Alto Tambo), a été délibérément délaissée. « L’État a arrêté d’exploiter cette ligne, explique Juce, il y a vingt-cinq ou trente ans. Pour ceux qui vivaient ici, comme nos parents, ça a été un choc. Ils ont dû quitter leur village. Cela a été très triste. » Sur ce qu’il reste de voie circulent dorénavant dans la forêt d’émeraude d’étranges véhicules, les trukis (« petit camion » en argot). Chaque jour, villageois, bûcherons ou mineurs les empruntent. Chaque jour, des hommes défient le danger pour maintenir cette liaison longue de vingt kilomètres entre Alto Tambo et Ventanas. Un parcours où aucun véhicule ne peut se croiser. Raison pour laquelle chacun se doit de respecter les horaires imposés pour monter à Ventanas ou en partir, et éviter coûte que coûte de perdre trop de temps sur le trajet, quels que soient les obstacles à surmonter.
On a réussi à régler le problème sans s’énerver. On s’entraide, c’est normal. On a remis leur trukis sur les rails pour qu’ils puissent continuer.
Juce, à propos du trukis, arrivant en sens inverse, qu’il a fallu déplacer
En suivant ces forçats de la ligne Alto Tambo-Ventanas, on se sent chanceux (malgré les déconvenues auxquelles nous pouvons être confrontés en empruntant les transports en commun). Ici, tout n’est que débrouille, espoir d’un monde meilleur. Dans un pays en proie au narcotrafic, on réalise la difficulté de chacun pour rester dans le droit chemin sans craindre pour sa vie.
Les Routes de l’impossible : Équateur, frayeur sur le rail
Une voie ferrée perdue en pleine jungle, des rails rongés par l’humidité et des ponts qui craquent au-dessus du vide… Grâce à des trains de fortune, Juce et sa bande s’enfoncent chaque jour dans la vallée d’Alto Tambo pour gagner de quoi vivre. La montagne a beau s’effondrer, les déraillements se multiplier, rien ne les arrête. Dans un pays en crise, la débrouille et le courage sont leurs seules ressources.
Au pied des Andes, sur des pistes accrochées aux sommets, circulent les « rancheras », des camions bricolés qui font figure de bus et transportent hommes, bêtes et récoltes vers les marchés.
Dans l’est du pays, les communautés indigènes, comme celle des Cofan, arpentent sans relâche rivières et forêts pour repousser chercheurs d’or et compagnies pétrolières hors de leur territoire. Mais la position stratégique entre Colombie et Pérou a aussi attiré des cartels de drogue qui imposent peu à peu leur loi.
Série documentaire (52 min - inédit) – Idée originale Tony Comiti – Auteurs Frédéric Elhorga et Patrice Lucchini – Réalisation Frédéric Elhorga et Antonin Marcel – Rédaction en chef Patrice Lucchini – Compositeur Julien Baril – Production Tony Comiti, avec la participation du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de France Télévisions
Ce documentaire est diffusé vendredi 1er août à 21.00 sur France 5
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