Ces freins à main ne sont pas assez puissants pour nos mauvaises routes. On a beaucoup de descentes. Alors, pour éviter les accidents, je leur bricole un troisième frein qu’ils actionnent avec le pied.
Un réparateur de vélo, à propos de ceux utilisés par les kamikazes-bananes
Il faut imaginer un État grand comme la Bretagne (à peu de chose près) enclavé entre la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Tanzanie et le lac Tanganyika. Pauvre parmi les plus pauvres, le Burundi est aussi l’un des plus densément peuplés. Il paraîtrait que son sous-sol est riche de minerais, encore faudrait-il parvenir à l’extraire sans craindre de dénaturer, saccager ou polluer les environs et en s’assurant que la contrepartie financière profite essentiellement aux Burundais. Autant ne pas y penser ! En attendant, donc, ce jour où des solutions pérennes (et indolores pour l’environnement) permettront à la population de vivre décemment, la débrouille est de mise. Il n’est qu’à voir ces kamikazes-vélos se frayer un chemin sur les routes chargés de leurs précieuses, mais lourdes cargaisons. Donatien est père de six enfants. Pour nourrir sa famille et payer les frais de scolarité des plus grands (l’école est payante à partir du secondaire), il use sa santé et risque sa vie à chaque déplacement sur son vélo de fortune. Des kilomètres de dénivelés qu’il dévale entre les camions ou qu’il remonte accroché à l’arrière des poids lourds, quand il ne fait pas appel à un pousseur (moyennant rémunération) une fois sa cargaison acquise. Des centaines de kilomètres parcourus pour acheter, puis vendre au meilleur prix des régimes de bananes destinés à la bière locale, hautement réputée. Ses enfants lui sont reconnaissants tant ils mesurent les sacrifices de leur père. Ils savent que, sans lui, ils seraient contraints de rejoindre la cohorte de filles et de garçons travaillant chaque jour sans relâche alors même qu’un décret datant de 2020 interdit de faire appel à des enfants de moins de 16 ans.
Je ne sais pas combien ça pèse. C’est lourd mais je suis obligée de le faire. Avec ce travail, je peux payer l’école, des habits et d’autres choses. Le reste, je le donne à mes parents.
Une fillette posant des briques sèches sur sa tête
Les Routes de l’impossible : Burundi, débrouille à haut risque
Les kamikazes-bananes. C’est ainsi que les Burundais surnomment ces cyclistes dévalant l’une des routes les plus dangereuses du pays à près de 70 kilomètres heure. À cette vitesse et chargés de plusieurs régimes de bananes, leurs vélos sont quasiment inarrêtables. Alors ils slaloment entre les poids lourds pour éviter l’accident, voyagent à plusieurs pour s’ouvrir la voie et, en bons acrobates, s’accrochent à l’arrière des remorques pour souffler dans les montées. C’est le salaire de la sueur et de la peur mais c’est bien grâce au transport de bananes que Donatien peut envoyer ses enfants à l’école.
Tous n’ont pas cette chance, beaucoup d’enfants sont employés dès le plus jeune âge pour travailler les pieds dans la boue et confectionner des briques. À côté de ça, la République démocratique du Congo fait presque figure d’eldorado avec ses sous-sols riches en minerais. Si ce n’est que les Burundais qui s’escriment dans les mines doivent en plus affronter des pistes défoncées. Les camions tanguent dans des crevasses de boue géantes. Cette portion de piste est pourtant considérée comme une nationale. En réalité, elle est surtout aux mains des milices de la région qui organisent le racket pour financer leurs guérillas.
L’espoir, pourtant, subsiste là où l’on taille les tambours dans des arbres gigantesques, il épouse le rythme des percussions. Au Burundi, la fabrication de tambours est une pratique ancestrale.
Série documentaire (52 min – 2025 – inédit) – Idée originale Tony Comiti – Auteurs Daniel Lainé et Patrice Lucchini – Réalisation Daniel Lainé et Julien Boluen – Rédaction en chef Patrice Lucchini – Compositeur Julien Baril – Production Tony Comiti, avec la participation du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de France Télévisions
Ce documentaire est diffusé vendredi 8 août à 21.00 sur France 5
Les Routes de l’impossible : Burundi, débrouille à haut risque est à voir et revoir sur france.tv