Complot et fiascos

Les Carnets de Max Liebermann (Vienne Blood), adaptation pour le petit écran des romans du Britannique Frank Tallis, psychologue clinicien et auteur de polars, nous avait habitués à l’excellence : reconstitution solide, photo superbe, enquêtes criminelles touffues à souhait sur fond historique de décadence de l’Empire austro-hongrois, de progrès de la psychanalyse, de montée du nationalisme et de l’antisémitisme et de marche vers la Première Guerre mondiale, un principe analogue dans une certaine mesure à ce que propose la série Babylon Berlin (4 saisons diffusées depuis 2018 sur Canal+) pour l’Allemagne des années 30 et la montée du nazisme. Mais la production s’est surpassée avec cette quatrième saison qui s’ouvre par un magnifique double épisode – La Valse de Méphisto – à la tonalité pour le moins amère et à l’intrigue si complexe qu’elle en est à peu près inracontable. Les dangers se précisent, la vieille Autriche-Hongrie est au bord du gouffre (nous, évidemment, savons que ce n’est plus qu’une question de temps), l’enquête plonge au cœur de ce qui ronge l’empire des Habsbourg et les deux protagonistes principaux ne s’y montrent pas toujours particulièrement à leur avantage.

D’une certaine manière, les carrières respectives du Dr Max Liebermann (Matthew Beard), disciple de Sigmund Freud, et de l’inspecteur Oskar Rheinhardt (Jürgen Maurer), de la police de Leopoldstadt (le deuxième arrondissement de Vienne), ont suivi des cours opposés. Tandis que le premier achève une triomphale tournée de conférences aux États-Unis, le second se voit chaque jour davantage mis sur la touche par sa hiérarchie, en particulier l’incapable et imbécile commissaire von Bülow (Raphael von Bargen). Et les choses ne vont pas s’arranger. Chargé d’assurer la protection du préfet de police Strasser lors d’une entrevue secrète avec un criminel pouvant lui livrer l’identité du mystérieux maître espion Méphisto, Oskar connaît l’un des plus grands ratages de sa vie professionnelle. Strasser est tué, son meurtrier abattu. Oskar est un policier fini.
Des fiascos, il va y en avoir encore d’autres. L’inspecteur, bien qu’à peu près mis au placard, est bien décidé à poursuivre son enquête de manière officieuse. Il est le seul à comprendre que Méphisto a liquidé le préfet de police afin de le faire taire et à soupçonner que ce suppôt du chaos a tissé une toile vertigineuse et diabolique. Laquelle, pour le moment, s’avère des plus brumeuses, une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Un chanteur d’opéra italien assassiné, une lettre codée, un jeton à tête de diable, un casino très sélect, le Palais Rieger, abritant dans ses caves une salle de jeux clandestine – où des hommes et des femmes masqués, compulsifs et plutôt frappadingues sont prêts, dans leur recherche d’émotions fortes, à miser tout ce qui peut l’être, y compris la vie elle-même –, un puissant patron de presse en vue, des contrats d’armement… Il va encore falloir solliciter le Dr Liebermann (opportunément rentré de New York) afin qu’il fasse usage de sa logique déductive pour aider à mettre un peu d’ordre dans tout cela, et au passage qu’il se fasse passer pour un riche lord anglais prêt à jouer sa fortune à la roulette… Mais, là encore, les choses tournent à la catastrophe. Et si l’esprit du psychanalyste est bien à la manœuvre, c’est pour un bon moment à son corps défendant. Difficile d’en dire plus sans en dire trop…

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