Pièce-fleuve, monument de littérature et de théâtre, drame mystique, poétique, amoureux, historique, autobiographique, comique..., LeSoulier de satin est une œuvre à part, rare et hors normes, aussi bien pour les spectateurs – elle a finalement été peu montée depuis près d’un siècle – que pour les acteurs, qui rêvent et redoutent de s’y frotter comme les cyclistes au mont Ventoux (dixit Éric Ruf).
Écrit entre 1918 et 1924, publié en 1929, jugé longtemps impossible à représenter du fait de son ampleur – onze à douze heures ! – et des contraintes de mise en scène, Le Soulier de satin n’est créé qu’en 1943 – et dans une version écourtée –, à la Comédie-Française, par Jean-Louis Barrault, qui réussit à convaincre Claudel de monter la pièce et affronte tous les risques pour la faire jouer en pleine occupation allemande. Barrault ne cessera d’ailleurs de revenir à ce texte puisqu’il retravaillera sa mise en scène et la proposera de nouveau, sous une forme plus longue, en 1963 à l’Odéon-Théâtre de France, puis en intégralité en 1980 au Théâtre d’Orsay. Deux autres mises en scène marquantes sont proposées en 1987 par Antoine Vitez à Avignon et par Olivier Py en 2003 au Théâtre de la Ville à Paris.
Il faut que tout ait l’air provisoire, en marche, bâclé, incohérent, improvisé dans l’enthousiasme ! Avec des réussites, si possible, de temps en temps, car même dans le désordre il faut éviter la monotonie. L’ordre est le plaisir de la raison, mais le désordre est le délice de l’imagination.
Paul Claudel
Cette œuvre-monde, composée de quatre « journées », se déploie sur deux décennies de l’Europe à l’Amérique du Sud en passant par les côtes africaines, durant la Renaissance espagnole et la conquête des Indes occidentales. Elle raconte l’histoire d’amour intense et impossible de Rodrigue et Doña Prouhèze, l’épouse du gouverneur Don Pélage. Un sujet largement autobiographique, puisqu’il marque l’apaisement de l’auteur, la résolution et la conclusion d’une grande passion amoureuse qui lui a déjà inspiré Partage de midi en 1905. « Nous nous sommes attaqués à cette épopée avec humilité et gourmandise, dit Éric Ruf, approchant le secret du poète caché au sein de ces quatre Journées, ou comment Claudel inscrit-il ses amours illicites dans une liturgie aussi savante que personnelle. » (Source : Comédie-Française)
Cette relecture de la pièce de Claudel par Éric Ruf est à la fois une récapitulation de la carrière du comédien, metteur en scène, décorateur et scénographe, entré à la Comédie-Française en 1993 (évoquant notamment le souvenir heureux d’une autre pièce-fleuve, le Peer Gynt d’Ibsen monté en 2012), un adieu à la troupe, dont il fut l’administrateur depuis 2014, et un hommage à tous ses acteurs, musiciens, techniciens, etc. Les sept heures de cette mise en scène passent comme un rêve léger et obsédant et font mentir le « bon mot » attribué tantôt à Sacha Guitry, tantôt à Jean Cocteau : « Le Soulier de satin... heureusement qu’il n’y a pas la paire ! ».

Le Soulier de satin
Pièce de théâtre de Paul Claudel (1929) – Version scénique, mise en scène et scénographie Éric Ruf – Spectacle créé Salle Richelieu (Paris) en décembre 2024 – Costumes Christian Lacroix – Lumière Bertrand Couderc – Direction musicale Vincent Leterme – Son Samuel Robineau, de l’académie de la Comédie-Française – Travail chorégraphique Glysleïn Lefever – Collaboration artistique Léonidas Strapatsakis – Réalisation Arnaud Desplechin – Collaboration artistique à la réalisation Stéphanie Cléau – Production Comédie-Française
Durée — épisode 1 : 1 h 31 ; épisode 2 : 1 h 36 ; épisode 3 : 1 h 04 ; épisode 4 : 2 h 00.
Avec la troupe de la Comédie-Française :
Alain Lenglet : le père jésuite, Don Fernand, l’Alférès, Don Ramire et le frère Léon
Florence Viala : Doña Isabel, l’annoncière et l’actrice
Coraly Zahonero : Jobarbara et la bouchère
Laurent Stocker : Don Balthazar, l’archéologue, Almagro et le second roi d’Espagne
Christian Gonon : le sergent napolitain, le capitaine, Don Léopold Auguste et le Japonais Daibutsu
Serge Bagdassarian : l’annoncier, le roi d’Espagne, Don Rodilard et Don Mendez Leal
Suliane Brahim : Doña Sept-Épées
Didier Sandre : Don Pélage et le second chancelier
Christophe Montenez : Don Camille
Marina Hands : Doña Prouhèze (Doña Merveille)
Danièle Lebrun : le chancelier, Doña Honoria, le chambellan et la religieuse
Birane Ba : le Chinois, le vice-roi de Naples et un soldat
Sefa Yeboah : l’ange gardien et un soldat
Baptiste Chabauty : Don Rodrigue
Edith Proust : Doña Musique (Doña Délices)
Et les comédiennes et comédien de l’académie de la Comédie-Française : Fanny Barthod, Rachel Collignon, Gabriel Draper : soldats, officiers, serviteurs, seigneurs, courtisans, ministres
Et Vincent Leterme : piano ; Aurélia Bonaque Ferrat, de l’académie de la Comédie-Française : violon ; Merel Junge : violon, euphonium et trompette ; Ingrid Schoenlaub : violoncelle
Diffusion à partir du samedi 19 juillet à 22.00 sur france.tv