« Albaladéjo, cœur ovale »

Le rugby chevillé au cœur

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Documentaire

Pierre Albaladéjo est une figure légendaire du rugby. Brillant demi d’ouverture, il restera toute sa carrière fidèle à son club, l’AS Dax, et sera sélectionné 30 fois en équipe de France entre 1954 et 1964. Mais Bala savait aussi bien manier le ballon que les mots. Premier consultant de sport de l’audiovisuel français, il a formé avec Roger Couderc un duo mythique qui captivait et sublimait à l’écran les prouesses de ce sport. Rencontre avec Christophe Duchiron, réalisateur de ce film hommage à

« Albaladéjo, cœur ovale ». © INA

Interview Christophe Duchiron, réalisateur du film « Albaladéjo, cœur ovale »

Pourquoi avoir choisi de réaliser ce documentaire maintenant ?
Christophe Duchiron :
On n’est pas obligé d’attendre qu’un personnage disparaisse pour lui dire – par film interposé – qu’on l’aime – ce qui est mon cas à l’égard de Pierre Albaladéjo. Pour autant ce film n’est pas une hagiographie. Parcourant les chemins d’une vie, il s’attache à donner la parole à Pierre Albaladéjo – uniquement sur la base de documents d’archives – pour démontrer qu’il fut un acteur essentiel du rugby, comme joueur puis comme consultant. Il en va de la littérature comme du rugby : il faut connaître ses classiques. À l’échelle de l’histoire de l’ovalie, Albaladéjo, c’est Victor Hugo, Alexandre Dumas ou Albert Camus.

Avez-vous pu rencontrer Pierre Albaladéjo ?
C. D. : J’ai connu Pierre au début des années 1990, lorsque, reporter (puis grand reporter) à la rédaction de France 2, je couvrais, entre autres disciplines, l’actualité rugbystique. Nous nous sommes croisés régulièrement après la fin de sa période de consultant en 1999. Je l’ai tenu informé dès le départ que je souhaitais lui consacrer un documentaire de 52 minutes – sur une telle durée cela n’a jamais été fait sauf erreur de ma part. Il m’a avoué que, mélangeant un peu les dates, les visages et les souvenirs, il lui serait difficile d’y participer devant la caméra.

En feuilletant cet album de vie, qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
C. D. : J’ignorais son origine modeste, son quotidien de « Gavroche dacquois », d’enfant des rues, sa scolarité contrariée – non pas à cause de ses résultats mais de l’attitude parfois méprisante de certains maîtres –, son entrée en apprentissage à l’âge de 13 ans – pour rapporter un peu d’argent à la maison – alors qu’il avait les capacités pour mener à bien des études. L’aventure de sa vie – s’en sortir toujours grâce à la découverte du rugby – commence là. Les mots qu’il emploie pour décrire cette période sont forts et émouvants.

Et le plus touché ?
C. D. : Le décès accidentel de son frère et de ses amis rugbymen dacquois est un moment cruel et les images de la cérémonie au stade de Dax en 1964 sont poignantes.

Le plus fascinant pour le grand public n’est-il pas tout autant son adresse sur le terrain que cette aisance incroyable au micro ?
C. D. : Il est un remarquable manieur de ballons et de mots. Il a une capacité peu courante à l’époque, quand il est joueur, pour analyser avec précision les faits de jeu d’une rencontre. Il a un esprit de synthèse assez formidable et un vocabulaire parfaitement choisi. Sa langue est belle, son accent fait chanter les phrases. Il est toujours fair-play, juste dans ses points de vue. Cet amour des lettres lui vient de son apprentissage et de son métier de typographe, dans ses premières années, qui l’oblige à lire beaucoup. Toutes ces qualités, on les retrouvera quand il sera au micro pour expliquer un sport, assez compliqué à expliquer, aux téléspectateurs et téléspectatrices.  

En quoi Bala est aussi une figure morale et un penseur ?
C. D. : 
Il n’a pas été qu’un acteur de ce jeu, un simple joueur. Il s’est interrogé en permanence, comme joueur puis comme consultant, sur la nature profonde de son sport où, selon lui, l’individu doit se fondre dans la collectivité d’une équipe. Ce jeu qui est d’abord un combat lie les joueurs, sur le terrain, d’une évidente solidarité et d’une indéfectible fraternité. Le modèle qu’il défend quand il est joueur est celui de l’amateurisme, qui permet aux joueurs d’avoir un métier à côté du rugby – et donc après la carrière – et de s’élever socialement. Dans ce rugby, les joueurs ne changent pas de club, ils ont la chance de briller auprès de la ville, ils sont des figures locales, ils ne courent pas après l’argent. Au fond, Bala nous propose à travers le rugby, tel qu’il le décrivait quand il était amateur, une société idéale.

Propos recueillis par Béatrice Cantet 

Albaladéjo, cœur ovale 

Pierre Albaladéjo
Pierre Albaladéjo.
© INA

Collection La France en vrai
Documentaire (52 min – 2025 – Inédit) –  Réalisation Christophe Duchiron – Production INA, avec la participation de France Télévisions

Pierre Albaladéjo est une légende du rugby. Mais il n’est pas seulement un rugbyman à la carrière flamboyante, un consultant rugbystique de premier ordre, un homme de valeurs, il est aussi une figure morale et un penseur.

Albaladéjo, cœur ovale est diffusé jeudi 2 octobre à 22.50 sur ICI Nouvelle- Aquitaine et france.tv
À (re-)voir sur france.tv 

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Publié par Béatrice Cantet