Je suis profondément convaincu que la Fédération de Russie veut, tente, planifie et rêve de dominer à terme toute la mer Noire.
Oleh Kiper, gouverneur régional d’Odessa
Enjeu stratégique depuis le XIXe siècle pour l’Europe, la Russie et la Turquie, la mer Noire est au cœur des dynamiques économiques et géopolitiques actuelles.
Depuis que la Russie a attaqué l’Ukraine, la mer Noire est devenue une zone de guerre. Cet ancien « lac russe », divisé depuis la chute de l’URSS, est un levier de puissance que le Kremlin entend bien reprendre coûte que coûte. Principal port visé : Odessa.
La ville, encore en sursis aujourd’hui, s’est battue pied à pied pour ne pas tomber. La résistance inattendue et l’usage inédit des drones navals ont pris de court la flotte russe, longtemps réputée invincible et aujourd’hui décimée. Ces coups d’éclat n’ont toutefois pas empêché Moscou d’étendre son contrôle sur la plupart des ports et des rivages ukrainiens au nord de la mer Noire.
Une emprise russe qui a entraîné un blocus maritime, menaçant de paralyser l’économie ukrainienne. Dans ce contexte, comment le pays a-t-il pu maintenir ses exportations ?
Les ports situés sur le Danube ont joué un rôle crucial pour nous… toutes les exportations ukrainiennes ont été redirigées par nos entreprises vers ces ports.
Dmytro Barinov, directeur du port d’Odessa
Le documentaire de Benoît Laborde étend son exploration à deux autres voisins clés : la Turquie et la Géorgie.
Gardienne du Bosphore et dépositaire de la convention de Montreux, la Turquie est à la fois un rempart de l’Otan et un relais essentiel pour le Kremlin. Sa position charnière entre mer Noire et Méditerranée lui confère un contrôle vital sur les détroits, un passage crucial pour les navires marchands comme pour les flottes militaires. De fait, elle s’est imposée comme un acteur central tentant d’arbitrer entre Kiev et Moscou.
La Géorgie, quant à elle, est dirigée depuis peu par un gouvernement ouvertement pro-russe. Le film revient sur la guerre-éclair de 2008, qui lui a fait perdre les régions autonomes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Il éclaire aussi les nombreuses émeutes qui ont secoué le pays en réaction aux multiples ingérences russes et qui ont culminé après les dernières législatives géorgiennes à l’automne 2024.
En 2014, alors que se terminent les Jeux Olympiques de Sotchi, la révolution d’Euromaïdan éclate en Ukraine et entraîne la destitution du président pro-russe. Elle est suivie, quelques jours après, par l’invasion puis l’annexion de la Crimée par les Russes. La péninsule ukrainienne est aujourd’hui une zone d’accès interdite, extrêmement militarisée.
Depuis cette période, l’agression russe n’a pas cessé de prendre de l’ampleur, pas après pas : il aurait fallu comprendre cela dès le début et réagir tout de suite.
Hennadiy Trukhanov, maire d’Odessa
Face aux assauts répétés du Kremlin, dont l’Ukraine est la principale cible, les pays bordant la mer Noire s’efforcent de défendre l’intégrité de leurs côtes, la sécurité de leurs ports et la libre circulation sur cette mer semi-fermée, vitale pour leurs échanges. Cargos bloqués, drones navals, mines dérivantes : voici la nouvelle réalité de ces eaux sous tension. Les batailles pour le contrôle maritime sont désormais aussi décisives que celles qui se jouent sur la terre ferme. Car, dans ce bassin stratégique, la Russie rêve toujours d’étendre son influence et d’ouvrir sa route vers la Méditerranée.
Le Monde en face : Main basse sur la mer Noire

Documentaire (70 min – 2025 – inédit) – Présentation Aurélie Casse – Réalisation Benoît Laborde – Production Artline Films, avec la participation de France Télévisions
Main basse sur la mer Noire est diffusé dans Le Monde en face dimanche 28 septembre à 21.05 sur France 5
À (re-)voir sur france.tv