Le temps retrouvé

Cécile, 34 ans, s’est séparée de son ex la veille de ses 31 ans. La jeune femme, qui a toujours voulu avoir des enfants, comprend alors qu’elle ne pourra pas « rembobiner le temps ». C’est pour se laisser du temps et se donner une chance de grossesse plus tard qu’elle prend alors la décision de congeler ses ovocytes.
Comme Cécile, toutes les femmes âgées de 29 à 37 ans peuvent, depuis la loi de 2021, congeler gratuitement leurs ovocytes. Une avancée sociétale répondant à un vrai besoin. Car, en France, l’âge du premier enfant ne cesse de reculer depuis cinquante ans, alors que l’horloge biologique, elle, reste immuable. Et, au final, ce sont plus de 30 000 femmes qui ont déposé une demande dès la première année.

Congélation d'ovocytes : un arrêt sur image

Face à ce constat, la réalisatrice Delphine Dhilly (Un corps de femmes) s’est demandé pourquoi autant de femmes avaient recours à la congélation d’ovocytes. Et, surtout, ce que cette démarche pouvait bien raconter de cette génération. À 45 ans, et mère depuis quatorze ans, elle avoue ne s’être jamais vraiment posé la question de la fertilité. Mais est certaine que « si cette loi avait existé plus tôt, beaucoup de [ses] copines auraient adoré en profiter ». Car jusque-là rien ne pouvait palier cette inégalité entre l’homme et la femme. « Les femmes ont un temps de fertilité limité, contrairement aux hommes », rappelle Hélène Malmanche, sage-femme et anthropologue. La fertilité féminine atteint son pic à 20 ans, puis décline lentement jusqu’à 37 ans, avant de chuter brutalement. « La congélation offre alors une forme d’arrêt sur image, permettant d’utiliser plus tard des ovocytes de la qualité d’une femme de 32 ans », explique-t-elle. Ce parcours s’adresse donc à des femmes qui interrogent leur désir de maternité ou la possibilité de mener à bien ce projet. 

Le cliché autour des femmes qui congèlent et qui ne seraient que des « carriéristes se réveillant un peu tard » est pulvérisé. Pour le Pr Michaël Grynberg, gynécologue-obstétricien, la réalité est tout autre : « Il y a beaucoup de femmes qui n’ont pas trouvé le partenaire avec qui avoir des enfants. » Pour beaucoup d’entre elles, il s’agirait donc de gagner du temps et, surtout, de ne pas dépendre d’un éventuel partenaire. « Quand je rencontre des hommes, je n’ai pas envie de chercher un géniteur », confie Cécile. 

Interroger ses désirs

La congélation n’est qu’un des droits ouverts par la loi de 2021, qui donne aussi accès à la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires. « En ouvrant ces possibilités, elle répond aux besoins des femmes, mais crée aussi de nouveaux désirs », précise le documentaire. C’est le cas de Léa, lesbienne, qui a commencé à se projeter « mère » grâce à la loi. « Si c’est possible, je crois que j’ai envie d’avoir des enfants, explique la jeune femme. Je fais ce parcours pour plus tard, car je ne veux pas regretter. » 

Pourtant, dans les pays où l’on pratique la congélation depuis plusieurs années, comme les États-Unis ou l’Espagne, seules 10 % des femmes utilisent réellement leurs ovocytes. 
Pour la réalisatrice, la congélation reflèterait ainsi de nouvelles attentes. « Congeler ses ovocytes, c’est comme se donner un moment pour réellement penser ce désir d’enfant, se l’approprier ou imaginer d’autres chemins, comme si toutes ces femmes interrogeaient leurs désirs au pluriel. »

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