À Paris, la Goutte d’Or est le nom d’un quartier qui se situe entre les métros Barbès-Rochechouart et Porte-de-La Chapelle. Ses rues accueillent un véritable marché à ciel ouvert où tous les trafics et les business, même ceux de la divination et de l’occultisme, ont cours. Ramsès, du haut de ses 35 ans, y tient un cabinet de voyance. Habile manipulateur, il a mis sur pied un solide commerce de la consolation. Mais l’arrivée d’enfants venus des rues de Tanger, aussi dangereux qu’insaisissables, vient perturber l’équilibre de son commerce et de tout le quartier. C’est alors que Ramsès a une réelle vision.
C’est un mage, il retrouve les morts. Tu lui montres une photo et les morts lui parlent.
Les gosses des rues
Goutte d’Or a été sélectionné en « séances spéciales », hors compétition, à la 61e Semaine de la critique au Festival de Cannes 2022. Le réalisateur, Clément Cogitore, interrogé sur le site de la Semaine de la critique à Cannes par Bruno Icher explique : « Tout au long de l’écriture du film, j’ai toujours gardé la première séquence : un médium qui reçoit une cliente et qui lui dévoile quel pourrait être son avenir. Je voulais saisir ce qui fait une partie de la magie de ce quartier par un personnage, un peu escroc, un peu mage, qui est très bon dans ce qu’il fait. Ensuite, le film a évolué en fonction des circonstances, comme ces chantiers vertigineux vers la porte de la Chapelle, qui forment un autre chaos dont je voulais rendre compte.
Les acteurs aussi, bien sûr, et en particulier Karim Leklou, qui a donné à travers mille nuances l’affect qui manquait certainement à mon personnage. Et puis ces enfants perdus qui ont fait irruption dans le film comme ils ont fait irruption dans le quartier, il y a quelques années. Tous ces éléments se sont conjugués pour créer le trouble que je recherchais. Cette sensation où il devient difficile de discerner ce qui est réel et ce qui relève de l’imaginaire ou du merveilleux. C’est aussi, à travers ce personnage qui se découvre plus puissant qu’il ne le pensait, une métaphore de l’art et du cinéma, lorsqu’un individu accomplit quelque chose qui va au-delà de ce dont il se croyait capable. »
Clément Cogitore guette au cœur du réel les traces d’un monde fabuleux qui le sous-tendrait. Si la réalité la plus concrète se teinte ici de fantastique, ce n’est pas par l’adjonction de quelque effet, mais plutôt parce qu’elle a perdu son évidence.
« Les Cahiers du cinéma »
Karim Leklou porte le film de bout en bout. Son jeu singulier, très en retrait, permet au réalisateur de créer un personnage de Ramsès ni vraiment mauvais, ni bon au fond, mais ambigu comme tout un chacun. Ce charlatan entre dans l’action parce que la situation l’impose et il nous surprend par sa profondeur d’âme. Cette subtilité, le personnage la doit évidemment à Karim Leklou. L’acteur a débuté sa carrière avec un petit rôle de taulard aux côtés de Tahar Rahim dans Un prophète de Jacques Audiard. En 2011, il figure dans deux films présentés à Cannes : La Source des femmes et Les Géants, qui le mettent en lumière. Très apprécié par le cinéma indépendant, le comédien enchaîne des rôles qui lui valent de nombreuses nominations et prix d’interprétation. La consécration arrivant en 2025 avec le César du meilleur acteur pour son jeu dans le rôle-titre du film des frères Larrieu Le Roman de Jim.
Le réalisateur nimbe la dureté de « Goutte d’Or » d’une beauté onirique, tandis que l’excellent Karim Leklou, tout en opacité, colère et cynisme rentrés, troque la tristesse mesquine de son personnage contre la possibilité d’un émerveillement. Un rai de lumière dans les ténèbres.
« Télérama »
Goutte d’Or
Avec Karim Leklou, Jawad Outouia, Elyes Dkhissi, Ahmed Benaïssa, Elsa Wolliaston, Malik Zidi…
Film (2022) — Inédit — Réalisation et scénario Clément Cogitore — Production France 2 Cinéma
(Déconseillé -10 ans)
Goutte d’Or est diffusé le 11 novembre à 21.05 sur France 4 et pendant 7 jours après sur france.tv
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