« Giscard et l’Europe : chronique d’un rêve inachevé »
— Eh bien, rêvons d’Europe !
France 5
Documentaire
À l’occasion de la Journée de l’Europe (9 mai), le documentaire de Gilles Cayatte revient sur l’ambition majeure qui a nourri la pensée politique de Valéry Giscard d’Estaing et sur son héritage ambivalent : d’un côté, une œuvre incontestable, de l’autre, un échec cuisant. Un rêve brisé – ou à poursuivre – qui nous questionne sur les défis actuels de l’Union européenne. Dans « La Case du siècle », dimanche 11 mai à 22.35 sur France 5.
De 1945 au référendum sur la Constitution européenne de 2005, la vie puis la carrière politique de Valéry Giscard d’Estaing ont épousé le temps long et laborieux de la réalisation de l’unité européenne, toujours envisagée, rarement atteinte. Ce fut pour lui une véritable obsession, sans doute d’autant plus profonde qu’elle était née au milieu des ravages de la guerre et dans les décombres d’un monde ancien. En août 1944, celui qui n’est encore qu’un lycéen de 18 ans, après avoir participé à la libération de Paris, s’engage comme volontaire dans la 1re armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny et bientôt lancée à l’assaut de l’Allemagne. L’opération Rhin et Danube mène le brigadier Giscard jusqu’à Constance. Il en revient avec une conviction : il faut tourner la page et en finir avec le cycle interminable des guerres européennes, en particulier franco-allemandes.
La même conviction anime au début des années 50 aussi bien une partie de la jeunesse – qui estime que le modèle de l’État-Nation est obsolète et défend un modèle fédéraliste – que Robert Schuman et Jean Monnet – qui proposent l’idée d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier –, ou que l’Union paneuropéenne internationale de l’Autrichien naturalisé français Coudenhove-Kallergi, à laquelle adhère d’ailleurs Edmond Giscard d’Estaing, le père de Valéry.
Le chemin sera long. Dès 1954, les gaullistes et les communistes, dans l’opposition au gouvernement Mendès France, les uns et les autres pour des raisons différentes, mettent en échec le projet de Communauté européenne de défense que la guerre froide rend nécessaire, selon ses défenseurs. Inspecteur des finances, membre du cabinet du président du Conseil Edgar Faure (1955), député (1956), secrétaire d’État aux Finances du Premier ministre Michel Debré (1959), ministre des Finances du gouvernement Pompidou (1966), puis du gouvernement de Chaban-Delmas (1969), Giscard continue de rêver tout haut, dans un contexte peu favorable à ses rêves (le Général n’a-t-il pas martelé : « Pas d’autre Europe possible que celle des États » ?) mais cultive sa différence, agite des idées jugées bizarres (comme une monnaie unique) et tisse des liens d’amitié avec son homologue allemand, Helmut Schmidt (ministre des Finances du chancelier Willy Brandt), lui aussi ancien combattant et européen convaincu.
On nous reproche souvent, notamment parmi les jeunes, de ne pas faire rêver de l’Europe, de nous contenter de bâtir une structure compliquée, opaque. Eh bien, rêvons d’Europe !
Et c’est l’alignement des planètes. À la mort de Pompidou, en 1974, Giscard accède à la présidence de la République et, outre-Rhin, Schmidt à la chancellerie de la RFA. Le social-démocrate (modéré) allemand et le libéral avancé français vont s’atteler ensemble à ce qui demeure aujourd’hui encore le cœur politique et économique de l’Union européenne : le Conseil européen, le Parlement européen élu au suffrage universel direct, enfin le Système monétaire européen qui, sans le dire vraiment, prépare l’adoption d’une monnaie unique. Jacques Chirac, Premier ministre démissionnaire, a beau ruer dans les brancards, son fameux « appel de Cochin » à la rhétorique vieillotte (« le parti de l’étranger ») est un pétard mouillé. Simone Veil, l’alliée de Giscard, est élue à la présidence du Parlement européen.
Passé 1981 et son échec à la présidentielle, l’histoire s’écrit pendant près de deux décennies sans Giscard. Il faut dire que François Mitterrand et Jacques Delors reprennent avec succès le flambeau de la construction européenne. Enfin, à partir de 2001, nommé président de la Convention sur l’avenir de l’Europe, Giscard devient l’un des principaux architectes de la Constitution européenne, un texte dont le modèle n’est rien moins que la Constitution américaine, rédigée en 1787 par la Convention de Philadelphie, et dont l’ambition est d’ouvrir la porte au fédéralisme européen. Un texte qui sera finalement balayé par le référendum français de 2005.
Il est là, sans doute davantage qu’en 1981, le crépuscule de Valéry Giscard d’Estaing, dans ce sentiment d’échec et cette désillusion dont il ne se remettra jamais. Et si son rêve d’Europe s’était accompli ? De quelle Europe serions-nous aujourd’hui les citoyens ? La Communauté européenne disposerait-elle d’une armée puissante, d’une constitution, d’une nouvelle solidarité ? On peut toujours en rêver...
Les intervenants
• Alain Duhamel, journaliste
•Éric Roussel, historien, écrivain
• Louis Giscard d’Estaing, homme politique français, président de la fondation VGE, fils de VGE
•Daniel Cohn-Bendit, homme politique français, ancien député européen
• Alain Terrenoire, président de l’Union paneuropéenne
• Hervé Moritz, actuel président du Mouvement européen
• Anne-Aymone Giscard d’Estaing, épouse du président VGE et ancienne Première dame
• Jean Quatremer, journaliste
• Jean-Louis Bourlanges, ancien président du Mouvement européen, il a collaboré avec VGE au Parlement européen entre 1989 et 2007
• Catherine Nay, journaliste
• Sylvie Goulard, ancienne ministre et députée européenne
• Alain Lamassoure, ancien ministre des Affaires européennes
Célébrée le 9 mai pour commémorer le texte fondateur que fut la déclaration Schuman en 1950, la Journée de l’Europe est régulièrement accompagnée sur France Télévisions d’une programmation spéciale. Ce dispositif s’articule autour de plusieurs temps forts. Outre la diffusion de ce documentaire et le lancement de la saison 4 de la série Parlement le 7 mai, les plateformes france.tv et Lumni proposent des programmes pédagogiques sur la création de l’Union européenne et ses institutions.

Giscard et l’Europe : chronique d’un rêve inachevé
Documentaire (2025 - inédit) - Durée 52 min – Auteurs David Revaultd’Allones et Gilles Cayatte – Réalisateur Gilles Cayatte – Conseiller historique David Revault d’Allones – Narration Sarah-Jane Sauvegrain – Musique originale Alim Isker – Production Médicis Productions – Avec la participation de France Télévisions, du Centre national du cinéma et de l’image animée et de LCP
Diffusion dimanche 11 mai à 22.35 dans La Case du siècle sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv