Le 27 octobre 2005, un groupe de collégiens de Clichy-sous-Bois revient d’un match de foot quand la police le prend en chasse. Deux adolescents se réfugient dans l’enceinte d’un transformateur électrique et y meurent électrocutés. Ils s’appelaient Zyed et Bouna. Ils avaient respectivement 17 et 15 ans. Ils étaient des fils, des frères, des amis. On les appelait « les petits ».
La sidération, l’incompréhension, la colère face à leur mort (auxquelles s’ajoutent la confusion générale, les rumeurs et les mensonges des autorités) déclenchent une série d’émeutes qui, trois semaines durant, s’étendent à l’ensemble du pays et entraînent – une première depuis la guerre d’Algérie – l’instauration de l’état d’urgence par le gouvernement de Dominique de Villepin.
En quelques semaines, tandis que les voitures brûlent nuit après nuit, Clichy-sous-Bois devient la ville-symbole d’une banlieue maltraitée, une zone dont la jeunesse peut mourir « pour rien », comme le clament les tee-shirts revêtus lors d’une marche d’hommage.
Ce sont des jeunes que je connaissais pour la plupart, qui étaient des jeunes gens tranquilles. Il y avait un ras-le-bol. Ils criaient leur colère : « Nos grands-parents ont subi, nos parents subissent et vous voudriez que, nous, on subisse encore ? »
Zoulikha Jerroudi, militante associative - « 2005, État d’urgence »
Vingt ans plus tard, cette série documentaire retrace pas à pas la chronologie des événements, en mêlant images d’archives, reconstitutions et témoignages. Donnant la parole aux proches des deux adolescents, ainsi qu’à leurs avocats, à leurs professeurs tout autant qu’aux représentants des forces de l’ordre et aux hommes politiques (Dominique de Villepin, Azouz Begag), les trois parties tissent un récit complexe et délicat, à hauteur d’hommes, qui permet de comprendre en quoi ce drame constitue un épisode à part entière de notre histoire contemporaine, symptôme d’une fracture sociale toujours à vif, tout autant que matrice des répressions policières à venir et des divers emballements médiatiques et récupérations politiques autour de ce que certains commentateurs s’obstinent à nommer « faits divers ».
« Je ne suis pas convaincu que notre État soit complètement prêt à juger les violences policières, note, amer, l’avocat des familles Emmanuel Tordjman, parce que j’ai l’impression que ça n’a pas beaucoup changé et que, à l’heure actuelle, des gamins courront toujours quand ils verront des policiers courir, même s’ils n’ont rien fait. Et qu’à partir du moment où des policiers courent, des enfants courent : on ne sait jamais comment s’arrête la course. »
Nicolas Sarkozy va profiter de ce moment pour essayer d’imposer [...] l’ordre républicain, c’est-à-dire l’ordre de la police, pour les besoins de la politique. Quelle politique ? Celle de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur qui a une ambition pour les deux années à venir : accéder à la présidence de la République française.
Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances (2005-2007) - « 2005, état d’urgence »
Écrite par la documentariste Marie-Pierre Jaury et par Gwenael Bourdon, alors journaliste pigiste au Parisien et autrice, depuis, de Zyed et Bouna aux éditions Don Quichotte (2015), la série documentaire ne se contente pas de faire toute la lumière sur les événements de 2005 : elle propose à celles et ceux qui les ont vécus un écrin pour porter une parole libre, humaine et digne. Les deux réalisatrices et leurs témoins parviennent ainsi à dépasser le fait divers, à aller au-delà du symbole qu’incarnent désormais ces deux prénoms, pour dresser le portrait sensible de Zyed Benna et Bouna Traoré, pour restituer à ces deux jeunes ados leur vie propre, leur singularité et leur offrir une place dégagée de toute stigmatisation. Dans cette série, Zyed Benna et Bouna Traoré ne sont plus seulement les victimes d’un fait divers tragique. Ils redeviennent les acteurs d’une vie injustement écourtée.
2005, état d’urgence

La mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, en 2005, déclenche des émeutes dans toute la France et reste dans toutes les mémoires. À travers les récits croisés des familles et des acteurs de l’époque, cette série révèle pourquoi et comment ce drame a marqué l’histoire contemporaine du pays.
Série documentaire (3 x 45 min – 2025) – Narration Abd Al Malik – Une série de Gwenael Bourdon et Marie-Pierre Jaury – Scénario Gwenael Bourdon, Marie-Pierre Jaury, Pierre Chosson Hedi Sassi – Réalisation Marie-Pierre Jaury – Production ZED, avec la participation de France Télévisions
La série documentaire est suivie, à 23.20, de la diffusion d’On n’est pas des racailles écrit et réalisé par Djamel Mazi et Éric Kollek (coproduction Morgane Production, We Make Productions avec la participation de France Télévisions)
2005, état d’urgence, diffusé dimanche à 21.05 sur France 5, est à (re)voir sur france.tv
