« La Case du siècle » dévoile « Vichy dans les colonies »

Les colonies comme caisse de résonance de notre histoire commune. En racontant la période de l’Occupation depuis les Antilles, La Réunion, Madagascar ou l’Indochine, « La Case du siècle » dévoile le vrai visage de Vichy, où, loin de toute influence allemande, le régime a imposé son cortège de lois iniques, conduisant à une guerre fratricide entre clans pétainistes et gaullistes. Dimanche 17 mars à 22.45 sur France 5.

« Vichy dans les colonies ». © Camera One Television

« Où que nous regardions, l’ombre gagne, écrivait Aimé Césaire en avril 1941. L’un après l’autre les foyers s’éteignent. Le cercle d’ombre se resserre, parmi des cris d’hommes et des hurlements de fauves. Pourtant nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre. Nous savons que le salut du monde dépend de nous aussi. Que la terre a besoin de n’importe lesquels d’entre ses fils. Les plus humbles. » Dans la revue Tropiques, cofondée avec sa femme Suzanne, le poète martiniquais soulignait là la menace du régime de Vichy, représenté en Martinique par l’amiral Georges Robert, chef autoritaire et conservateur, ancien militaire en retraite devenu l’instrument idéal du pétainisme. C’est que, après la défaite de 1940, et face à l’effondrement surprise de la puissance française, tous les regards se sont tournés vers les colonies. La France de Pétain, devenue soudain un empire sans métropole, a vu en elles un « mythe consolateur » après la défaite. Le général de Gaulle, lui, les considérait au contraire comme des lieux stratégiques essentiels à la Résistance. De 1940 à 1945, les Antilles, La Réunion, Madagascar ou l’Indochine vont ainsi être le théâtre d’un affrontement fratricide, d’une guerre de propagande et surtout l’occasion d’une prise de conscience de la réalité du vichysme. 

Je pense aux populations indigènes qui, dans le malheur de la patrie, ont conservé leur amour et leur confiance à la grande nation qui les avait toujours aimés et protégés.

Maréchal Pétain, 1941

Loin de l’Europe et du conflit, pour ainsi dire dégagé de toute influence allemande, le régime a en effet imposé dans les colonies son cortège de lois discriminatoires et iniques. Sans que le Reich y ait même songé, Pétain demande à tous ses administrateurs de suivre les directives de la métropole : déchéance de nationalité, interdiction de travailler, internement. Les juifs et tous les « indésirables » sont victimes des mêmes décrets. Aucun double jeu n’est perceptible dans les territoires ultramarins. Bien au contraire, la « révolution nationale », promue par Pétain, y est érigée dans toute sa pureté. Elle se coule de façon naturelle dans un monde où règne déjà la hiérarchie raciale et la violence arbitraire. « Notre documentaire permet de montrer simplement en quoi le régime vichyste, loin d’être un mouvement de réaction ou de préservation nationale, défend une idéologie et un projet de société à part entière », expliquent les auteurs Audrey Maurion et Mathieu Glissant. À l’heure où certains tentent de réhabiliter le maréchal Pétain, Vichy dans les colonies apparaît comme une salutaire et indispensable leçon d’histoire.

J’affirme au nom de la France que l’empire ne doit pas se soumettre à leurs ordres désastreux. 

 

Charles de Gaulle, 1940

Mathieu Glissant est le fils du penseur de la « créolisation », le poète martiniquais Édouard Glissant, auquel il a consacré son premier film (Édouard Glissant, la créolisation du monde diffusé sur France 5 en 2011). Les travaux documentaires de la réalisatrice Audrey Maurion, forts d’une cinquantaine de films, traitent des questions égalitaires (Tiananmen diffusé sur Arte en 2019 ou Pour l’amour du peuple, consacré à un officier de la Stasi et sélectionné à la Berlinale 2014). Tous deux avaient cosigné en 2021 un passionnant portrait de Frantz Fanon, figure incontournable de l’anticolonialisme autant que de la littérature du XXe siècle (Frantz Fanon, trajectoire d’un révolté, diffusé sur La 1re). Avec Vichy dans les colonies, les deux auteurs plongent dans une histoire méconnue, dont l’imagination populaire retient surtout la représentation amusée qu’en fait Howard Hawks dans Le Port de l’angoisse en 1944 (le marinier américain incarné par Humphrey Bogart y est régulièrement confronté à une administration française arbitraire et ridicule). Émaillé d’interviews de spécialistes et agrémentés d’archives saisissantes, leur documentaire agit comme une loupe pour présenter à notre regard le vrai visage de la France collaborationniste, « portée par des colons exaltés par l’arrêt soudain des projets assimilationnistes républicains », expliquent Audrey Maurion et Mathieu Glissant. 

Vichy dans les colonies 

« Vichy dans les colonies »
« Vichy dans les colonies ».
© Camera One Television

Documentaire (52 min – 2023) – Réalisation Audrey Maurion et Mathieu Glissant – Narration Gaël Kamilindi de la Comédie-Française – Musique originale Pierre Charvet – Dessin et animation La Brigade du Titre – Producteurs François Fèvre, Michel Seydoux, Thomas Gernigon – Production Camera One Television, avec la participation de France Télévisions et du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, avec le soutien de la Procirep, Société des Producteurs et de l’Angoa

Chaque mois, l’Outre-mer a aussi sa place sur France 5 avec La Case du siècle. Par ses témoignages du passé qui relient les territoires ultramarins à l’Hexagone, on emmène nos publics à mieux connaître notre Histoire collective. En mars, La Case du siècle pose un regard sur le vrai visage de l’idéologie de Vichy. 

Vichy dans les colonies, diffusé dimanche 17 mars à 22.45 sur France 5, est à (re)voir sur france.tv 

Publié le 15 mars 2024