« Une expérience incroyable » : Manon Gaurin, réalisatrice des saisons 11 et 12 de « SKAM France »

La diffusion de la saison 12 de « SKAM France » a déjà débuté sur France TV Slash. Dans la continuité de la saison 11, on retrouve les « Weirdos » (Cléo, Jade, Yanis et Rym) face aux « Clones », dont l’un des membres, Maël, fait face à des problèmes de sexualité. Il va alors recevoir une aide inattendue. La réalisatrice Manon Gaurin se confie sur son travail sur ces deux saisons.

Maël est au cœur de l'intrigue de cette saison 12. © Thibault Grabherr / FTV / GéTéVé Productions

Entretien avec la réalisatrice Manon Gaurin

Les thématiques des saisons 11 et 12 sont très différentes. Comment avez-vous réussi à créer une unité entre les deux ? 
Manon Gaurin :
On l’a pensé depuis le départ comme un tout. On suit l’évolution des personnages. Les thématiques sont très différentes, la manière dont elles ont été installées aussi. Il n’y a pas le même rythme dans l’écriture et les séquences. La saison 11 se voulait avec un rythme plus lent, un peu plus dur, un peu plus lourd justement parce que la thématique le demandait. La thématique de la saison 12 n’est pas forcément légère, puisqu’il s’agit de la sexualité, un sujet dont on parle peu et qu’on commence seulement à évoquer. Mais en même temps, ça traite de la sexualité adolescente et donc – c’est ce que les scénaristes ont très bien réussi à mettre en avant – il fallait une petite dose de légèreté pour amener à sourire plus qu’à rendre cette saison très « pathos », alors qu’elle ne le nécessitait pas, pour toucher plus de personnes, qu’elles soient concernées ou non par le sujet. Maël est une âme en peine qui a besoin de se découvrir et de se connaître, et c’est au travers de l’aide des « Weirdos » – un groupe qui était presque l’opposé de son groupe, les « Clones » – qu’il va se découvrir.

SKAM France vise un public jeune, faut-il adopter un ton particulier ?
M. G. :
Je pense que le ton véritable à adopter quand on cible la jeunesse, c’est de « ne pas les prendre pour des cons » (sic). La jeunesse comprend beaucoup plus de choses qu’on se permet de penser. On a plutôt tendance à se dire qu’il faut les prendre par la main, alors qu’en réalité ils sont plus à même d’être touchés quand on se met à leur niveau et leur niveau, c’est celui de tout le monde. Et quand on rajoute un sourire, une musique drôle, ça ne nous empêche pas de comprendre quelque chose de plus douloureux. Au contraire, ça nous permet de mieux nous y consacrer.

Les acteurs eux-mêmes sont jeunes, comment avez-vous abordé le travail avec eux ?
M. G. :
J’ai pour habitude de travailler essentiellement avec des jeunes, donc j’ai appliqué la même méthode que sur mes expériences précédentes et qui a fait ses preuves. Il s’agit de ne pas faire de répétitions ou de lecture en amont du tournage et de simplement les rencontrer pour déjà apprendre à les connaître en tant qu’êtres humains. Ça me permet d’avoir les leviers et les pivots afin d’agir humainement dans la direction de leur jeu. Ensuite, je leur donne une grande liberté au niveau du texte, qu’ils se l’approprient en mettant leurs propres mots dessus. Et généralement, en fait, un jeune comédien a tendance à être bon tout de suite, mais à force d’entendre le texte trop souvent, il s’essouffle et ça s’apparente plus à de la récitation. Le risque, c’est de perdre cette fraîcheur. Très souvent, ce sont ces premières prises que nous avons utilisées dans le montage. Je les ai laissé improviser énormément. On avait pas mal échangé sur leurs personnages avant et donc ils savaient exactement quel rôle ils jouaient et leurs improvisations collaient parfaitement à ça. C’était très agréable de les entendre sortir des phrases auxquelles on n’aurait pas pensé à l’écriture et qui étaient parfaites par rapport au personnage et à la situation. Pour diriger des comédiens, surtout jeunes, je pense qu’il faut leur donner un maximum de liberté et les diriger par rapport à l’humain et non pas à un texte ou une position précise. Plus on leur donne de contraintes, plus ils vont devoir se concentrer sur autre chose que simplement leur personnage. 

Carla Souary, qui interprète Rym, nous parlait de votre rôle de « grande sœur »…*
M. G. :
« Grande sœur », oui, je le prends avec plaisir. Quand mon choix s’est porté sur ces comédiens – pour lesquels, en majorité, SKAM France est leur premier projet –, je me suis imposé une sorte de double responsabilité qui est de former, je pense, de futurs grands comédiens et en même temps des humains, ce que je ne voulais absolument pas négliger. Leur faire prendre conscience de qui ils sont dans la société et par rapport au reste de l’équipe, et les « façonner », qu’ils s’assument et se respectent, qu’ils se connaissent. Je pense que la plupart ont énormément appris sur ce tournage, que ce soit sur le milieu du cinéma mais aussi sur eux-mêmes en tant qu’individus. Aussi, et c’est typique de SKAM France, les réseaux sociaux jouent un grand rôle et les comédiens appréhendaient un peu cet aspect-là, de pouvoir recevoir des commentaires négatifs ou autres. Et je leur avais dit : « Si vous recevez ne serait-ce qu’un seul message de quelqu’un qui vous dit : “Merci, grâce à vous j’ai pu dire telle ou telle chose à un ami ou à mes parents”, alors vous aurez gagné tout ce que vous pouvez avoir avec cette série. » Et je suis très heureuse parce que la plupart des comédiens ont déjà reçu ce message-là, moi aussi, et il efface l’intégralité des commentaires négatifs. 

Comment avez-vous appréhendé le découpage séquentiel de la série en séquence ?
M. G. :
C’est quelque chose que nous avons intégré dès le départ, parce que c’est une donnée essentielle. On ne peut pas réfléchir en dynamique d’épisodes, on doit réfléchir en dynamique de séquences. C’est un exercice très intéressant dans la mesure où c’est la seule série qui fonctionne comme ça. Ça fait partie intégrante du projet.

Comment avez-vous géré l’engouement des fans pour SKAM France dans la réalisation de ces nouvelles saisons, finalement inattendues ?
M. G. :
J’avais la crainte de ne pas être à la hauteur de l’amour que les fans ont pour cette série. Au début de la préparation, j’ai été sur tous les comptes fans sur les réseaux sociaux, sur les forums pour récolter des données sur ce qu’ils regardaient le plus, ce qu’ils aimaient le plus et ça a orienté nos prises de décision. J’ai été agréablement surprise de découvrir qu’ils analysaient énormément le choix de couleur dans les vêtements, le choix de disposition des caméras, etc. On a donc pris beaucoup de temps pour réfléchir aux plans, aux décors, aux costumes, etc. Et j’ai été très heureuse de constater que les fans ont remarqué certains des détails ou autres « easter eggs » qu’on a pu insérer dans les épisodes. On avait vraiment envie que le public se retrouve dans ces personnages, ces situations, ces décors et qu’il puisse s’y identifier pour mieux assimiler les messages de la série. 

Que représentent ces deux saisons de SKAM France dans votre parcours de réalisatrice ?
M. G. :
 Une expérience incroyable. Je venais de la publicité. J’ai également fait deux courts-métrages, mais c’est indéniablement la meilleure expérience de ma jeune carrière. La productrice Carole Della Valle a été la première à me faire confiance en tout point, c’est-à-dire que j’ai pu amener ma jeune équipe, mes idées, choisir les comédiens, la décoration et les costumes. On a vraiment pensé à tout : la moindre carte postale dans le décor, la moindre barrette dans les cheveux, etc. SKAM France, c’est extraordinaire et j’espère connaître ce genre d’expérience à l’avenir.

Propos recueillis par Sébastien Pouey

* Cf. l’interview de Carla Souari pour le lancement de la saison 11 de SKAM France.

En onze saisons, SKAM France cumule plus de 420 millions de vidéos vues (france.tv + YouTube).

 

« SKAM France » saison 12 

Série (Inédit – 2023) – Réalisation Manon Gaurin et Rémi Véron (épisode 6) – Écriture Julie Andem, d’après la série SKAM – Scénaristes Louise Condemi, Solenn Le Priol, Maxime Cormier, David Fortems et Guillaume Scaillet – Direction de collection Louise Condemi et Solenn Le Priol – Production Gétévé Productions (une société du groupe Banijay), France Télévisions, Carole Della Valle, avec la participation du CNC  

« SKAM France » saison 12 est diffusé et disponible sur France TV Slash, où vous pouvez également retrouver les replays

Compte Instagram officiel de la série SKAM France

Publié le 07 juin 2023
Commentaires