« Shoah », monument d’histoire et de cinéma pour comprendre l’extermination des Juifs d’Europe

À l’occasion de la Journée de la mémoire des génocides et des crimes contre l’humanité, qui commémore également la libération du camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945, France Télévisions propose de (re)voir « Shoah », le documentaire choc de neuf heures trente, que Claude Lanzmann a construit à partir des seuls témoignages de survivants, bourreaux et riverains des camps d’extermination nazis. Mardi 30 janvier à partir de 21.10 sur France 2 et sur france.tv dès le lendemain pendant 30 jours.

« Shoah » © DR

Six ans de recherches, dix campagnes de tournage dans quatorze pays, soixante-dix entretiens, trois cent cinquante heures de rushs et cinq ans de montage pour un documentaire de près de neuf heures et demie : Shoah est tout autant un film monumental qu’un film-monument, érigé à la mémoire des cinq à six millions de Juifs exterminés par le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale. À sa sortie en salle en 1985, le film marque un tournant dans la représentation et la transmission de l’histoire de la destruction des Juifs d’Europe.

C'est précisément dans ces circonstances que nous comprenions au mieux ce que représentait la possibilité de survivre. Car nous mesurions le prix infini de la vie humaine. Et nous étions convaincus que l’espoir demeure en l’homme aussi longtemps qu’il vit.

Filip Müller, rescapés du camp d’Auschwitz-Birkenau - « Shoah »

Refusant catégoriquement le recours aux archives (ce qu’il s’est vraiment passé n’a pas laissé d’images : la destruction des Juifs a été, pour ainsi dire, détruite), le réalisateur-journaliste Claude Lanzmann fait le choix radical du témoignage. Il centre son documentaire sur les seules paroles des survivants (qu’il nomme « revenants »), bourreaux et riverains des camps d’extermination pour tenter de (faire) dire l’horreur, mais aussi le quotidien de la « Solution finale ». Il en résulte un imposant et patient puzzle où, pièce à pièce, guidés par les questions et l’insistance salutaire de Claude Lanzmann autant que par les silences, hésitations ou répétitions de ses témoins, les souvenirs se font jour, jusque dans les évocations les plus indicibles, pour s’emboîter, se compléter, s’éclairer mutuellement. Impossible d’oublier le chant de Simon Srebnik, dont la voix avait charmé ses bourreaux pendant qu’ils exterminaient les siens au camp de Chelmno. Impossible également d’oublier le récit de Filip Müller, détenu qui travaillait dans les fours crématoires d’Auschwitz. Et comment soutenir le regard du sous-officier SS Franz Suchomel, racontant dans les moindres détails le fonctionnement de la chambre à gaz du camp de Treblinka ? Comment entendre les villageois d’Auschwitz avouer sans peine qu’ils savaient ce qui se passait derrière les barbelés ? Par strates successives, les près de dix heures de film font pénétrer le spectateur dans la barbarie à l’œuvre.

Quand on brûlait chaque jour 2 000 personnes, des Juifs, c’était également tranquille. Personne ne criait. Chacun faisait son travail. C’était silencieux. Paisible. Comme maintenant.

Simon Srebnik, à la lisière de la forêt où se tenait le camp de Chelmno - « Shoah »

En mettant en scène ces entretiens sur les lieux mêmes des événements, là où s’élevaient les camps de Chelmno, Treblinka, Auschwitz-Birkenau ou le ghetto de Varsovie, Claude Lanzmann s’empare des outils du cinéma pour interroger le travail même de mémoire. Il ne cherche pas seulement à approcher ce qu’il reste de l’Histoire, ce qui affleure dans ses traces et cicatrices, mais bien ce qui ne pourra en être restitué – toutes ces vies d’hommes, de femmes et d’enfants à jamais effacées. Indispensable travail historique, Shoah est aussi, de par son exigence esthétique et morale, un grand chef-d’œuvre de cinéma, récompensé d’un César d’honneur en 1986, puis inscrit en 2023 au registre de la Mémoire du monde de l’Unesco.

Devoir de mémoire

Bouleversant sa grille de programme, France 2 diffuse l’intégralité du film de Claude Lanzmann, divisé en deux parties, ce mardi 30 janvier à partir de 21.10. Ce faisant, France Télévisions répond à sa mission de service public et à son devoir de mémoire, célébrant la Journée de la mémoire des génocides et des crimes contre l’humanité, commémorée le 27 janvier. Proclamée en 2005 par l’Assemblée générale des Nations unies, cette date marque également l’anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination nazi allemand d’Auschwitz-Birkenau par l’armée soviétique en 1945.

Shoah

Documentaire (1985) – 1re époque (275 min) et 2e époque (296 min) – Réalisation Claude Lanzmann – Déconseillé aux moins de 10 ans 

Salué par la presse internationale comme un événement cinématographique et historique, et une des œuvres les plus fortes du XXe siècle, Shoah fait revivre, sans un seul document d’archives, la destruction des Juifs européens par les nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale et apporte une vision radicalement neuve de l’événement.  

Shoah est diffusé mardi 30 janvier à partir de 21.10 sur France 2 et à (re)voir sur france.tv dès le lendemain pendant 30 jours