« Sale temps pour la planète », une série documentaire de Morad Aït-Habbouche

Dans « Sale temps pour la planète », Morad Aït-Habbouche part à la rencontre de ceux qui sont en première ligne du changement climatique. Après s’être intéressé au Cotentin, à la Camargue, à Mayotte et à la baie de Somme, le voici dans les Vosges. Avec le réchauffement climatique, la région est sommée de se réinventer pour préserver sa forêt et son économie. « Vosges, coup de chaud sur le massif » est à découvrir ce mercredi à 21.00 sur France 5.


Pendant des années, Morad Aït-Habbouche a couvert les conflits et les post-conflits. Lui, le grand reporter confronté aux situations extrêmes et aux migrations forcées, a découvert que 25 % des guerres avaient pour origine El Niño et la sécheresse. 
De ce constat est née la collection documentaire Sale temps pour la planète — appelée au départ Paradis en sursis, la série prend dès la deuxième année son nom actuel —, dont France 5 diffuse cet été la seizième saison. Après avoir proposé le dernier volet inédit de la précédente saison (sur le Cotentin), place à la Camargue, Mayotte, la baie de Somme et les Vosges.

Ce qui m’intéresse, c’est donner la parole à tous ces gens qui sont capables de changer le monde parce qu’ils ont compris qu’on pouvait le faire de manière responsable et intelligente.

Morad Aït-Habbouche


Il explique partir à la rencontre des personnes qui sont en première ligne et voient le changement s’opérer jour après jour, menaçant inexorablement leurs cultures, leurs ressources, leur bétail, leur maison et leur région. Qu’il travaille sur sa collection documentaire, ses chroniques, ses émissions radio ou sa future chaîne, 2 degrés 2 plus, le journaliste porte une même attention à cette beauté fragile et malmenée qui nous entoure. D’ailleurs, depuis qu’il tourneses documentaires, il ne peut s’empêcher en arrivant sur une plage ou en découvrant une falaise de se demander comment elle supportera la prochaine tempête. De même, et alors que la canicule frappe la métropole, il évoque le cas de ces millions d’habitations déjà fragilisées par les précédentes sécheresses et les pluies diluviennes, dont les fissures vont encore s’accentuer. Il évoque les actions menées ou à venir, celles qui tardent à voir le jour, les inégalités de prises en charge ou de compensations financières. Il pense aussi à ces interlocuteurs qui doutent encore, malgré les preuves tangibles, mais qui sont bien moins nombreux qu’à ses débuts, quand on lui riait au nez lorsqu’il parlait des changements climatiques. « Faut quand même se projeter en 2005-2006, au moment où je commence à travailler sur ces sujets-là, personne ne croyait qu’il y avait un processus en cours. La plupart pensaient assister à des catastrophes naturelles exceptionnelles. » Il blâme les climatosceptiques, coupables d’avoir introduit le doute dans l’esprit de certains, faisant perdre de précieuses années d’étude, de recherche et d’action. Il regrette qu’on n’ait pas davantage écouté les scientifiques et pris en compte leurs mises en garde avant l’accord de Paris. Notant au passage qu’il a fallu attendre la condamnation d’élus après Xynthia, la tempête meurtrière de 2010, pour que les édiles prennent conscience que leurs actes, leurs décisions en matière de PLU pouvaient les conduire en prison.
Dans ses documentaires, il ne joue pas les moralisateurs. « Je reste journaliste dans mon approche, je ne veux être ni un militant ni un activiste. Moi, j’informe. » Aux téléspectateurs, il fournit l’ensemble des données pour comprendre les effets climatiques et juger des conséquences à plus ou moins court terme sur l’environnement. « Nous réfléchissons à chaque exemple pris pour que des maires, tout ceux qui sont impliqués dans l’histoire, a priori tous les Français, puissent comprendre que cela n’arrive pas qu’ailleurs, que cela peut se produire ici. Et lorsque cela survient, c’est forcément très violent pour ceux qui en subissent les conséquences. Comme dans le cas des 4,5 millions de maisons victimes de retrait-gonflement* en France. Cela fait quand même beaucoup de personnes concernées par ce problème… »

Une histoire différente à chaque fois

« On pourrait croire que les effets du changement climatique sont, quel que soit l’endroit en France ou en Outre-mer, les mêmes, mais pas du tout. D’abord, les habitudes ne sont pas identiques, pas plus que les modes de vie ou les pratiques. Et la manière de trouver une solution ou de continuer dans le déni, l’aveuglement ne le sont pas davantage. » Raison pour laquelle il filme encore et toujours les traits de côte ultramarins et métropolitains, les forêts primitives ou recréées par l’homme, les deltas, les baies et les fleuves. Il ne se lasse pas d’en souligner les spécificités, sans omettre leurs gestions hasardeuses ou les innovations dont ils ont pu bénéficier. En donnant la parole aux uns et aux autres. Pour enrichir et servir le propos. Qui mieux qu’un habitant, un élu, un responsable de camping, un hôtelier, un forestier, un pêcheur ou un agriculteur pour mettre en lumière son quotidien menacé ou transformé. Sans omettre les scientifiques, dont l’approche et le regard sont primordiaux pour entrevoir les enjeux de demain. En Camargue, l’environnement apprivoisé par l’homme se délite avec la hausse du niveau de la mer. Mayotte s’est enfoncée de près de 20 centimètres après l’éruption volcanique sous-marine de 2018, un affaissement sous-marin aux conséquences équivalentes à la montée des eaux. En baie de Somme, les aménagements créés autrefois sont devenus problématiques ; avec la multiplication des tempêtes, les falaises se fragilisent, les dunes s’estompent. Un delta, une baie et une île, trois lieux si différents, confrontés aux assauts de la mer, aux tempêtes, qu’il faut protéger et repenser.
« On a choisi la Camargue pour voir comment un delta, une embouchure pouvait penser à son avenir, le préparer compte tenu de ce changement climatique qui rebat les cartes. Le territoire est à 70 % au niveau de la mer. Avec la montée des eaux, à quoi ressemblera-t-il dans dix ou cinquante ans ? » Une question posée aux acteurs économiques, territoriaux et aux scientifiques. Les avis peuvent être contradictoires, qu’importe. C’est de leurs échanges et de leurs désaccords que naîtra, il en est persuadé, la Camargue du futur.
Quant aux Vosges, malgré sa forêt en danger, son avenir semble assuré. « C’est effectivement un des départements qui n’a pas attendu que des drames se produisent ou que des activités de ski disparaissent pour essayer d’anticiper et d’appréhender l’avenir. Ce qui nous intéressait aussi, c’était la forêt. Il faut imaginer qu’en France des personnes réfléchissent à la forêt de demain, celle qui existera dans quarante ans. Ceux qui tarderont à réagir n’auront pas quarante ans devant eux pour imaginer la forêt qui survivra au changement climatique. »

Sale temps pour la planète

Vosges, coup de chaud sur le massif 

Une vue aérienne du  massif des Vosges montre, en fonction des saisons, un océan de vert et de blanc. Image d’Épinal ! Mais vue d’avion, l’image est aussi trompeuse. Avec la hausse des températures, les forêts manquent d’eau et subissent les attaques de parasites qui les fragilisent davantage, d’année en année. En cause : le scolyte, la bête noire des forestiers. Depuis 2018, ce parasite bien connu en Europe fait des ravages. Près de 40 % des surfaces forestières ont été décimées en 2021. Les agents forestiers doivent inventer une nouvelle forêt, plus résistante aux coups de chaleur. Une forêt mosaïque est en train de naître au cœur des Vosges ! Avec le réchauffement planétaire, les gérants des stations de basse et moyenne altitude doivent composer avec une neige plus aléatoire. Comment adapter le modèle économique du territoire ? Comment assurer la résilience de la forêt face au changement climatique ? Comment faire face aux nouvelles problématiques liées à la hausse des températures ? Pour les pompiers des Vosges, il faut dès maintenant former les hommes aux feux de forêts et aux crues éclairs !

Collection documentaire (52 min - inédit) – Auteur-réalisateur Morad Aït-Habbouche Production Elle Est Pas Belle La Vie ! / MAH Production – Avec la participation de France Télévisions 

Ce documentaire est diffusé mercredi 10 août à 21.00 sur France 5
Sale temps pour la planète : Vosges, coup de chaud sur le massif est à voir et revoir sur france.tv


Somme, un littoral en mouvement 

Un miracle de la nature qui n’aurait pas eu lieu sans que le fleuve du même nom, la Somme, sillonne le territoire ! En se déversant dans la baie, la Somme a charrié des sédiments qui ont progressivement recouvert le territoire de sable. L’homme a alors décidé de modifier le parcours du fleuve. Un chemin de fer puis une route ont été construits. L’embouchure de la Somme s’est métamorphosée en une baie sauvage. Le front de mer a avancé, créant des prés salés, favorisant les tourbières et créant mille et un étangs. Ajoutez à cela les falaises de craie qui bordent la mer et la magie du paysage opère. Mais derrière ce havre de paix, l’orage gronde… Avec le dérèglement climatique, les tempêtes se multiplient.
Qu’adviendra-t-il de la baie de Somme ? Les acteurs qui vivent dans cet environnement exceptionnel sont prêts à se battre et à devenir plus résilients. Certains commencent déjà, par leurs actions, à préfigurer le monde de demain…

Collection documentaire (52 min - inédit) – Auteur-réalisateur Morad Aït-Habbouche Production Elle Est Pas Belle La Vie ! / MAH Production – Avec la participation de France Télévisions 

Sale temps pour la planète : Somme un littoral en mouvement est à voir et revoir sur france.tv


Mayotte, les défis d’un archipel 

Un aquarium géant riche de centaines d’espèces marines qui, vu du ciel, perd parfois de son éclat ! C’est le résultat des coulées de boue qui se déversent dans les eaux cristallines. Ces panaches maronnasses asphyxient le corail, la barrière naturelle qui protège l’île… Une menace qui inquiète les scientifiques, car depuis quelques années l’archipel est confronté à de multiples fléaux.
En 2018, avec l’émergence, au large des côtes, d’un volcan sous-marin, Mayotte devient un laboratoire de ce qui nous attend en 2050. Partout, la terre s’est  enfoncée de 15 à 20 centimètres, l’eau est montée d’autant. Pour les experts, c’est exactement les effets attendus du réchauffement planétaire. Malgré les alertes répétées des experts, les élus locaux font la sourde oreille… Comment protéger les 10 000 habitants installés en zone inondée ? Avec quel argent rebâtir des logements en arrière des plages ? Mais, surtout, comment lutter contre l’érosion qui grignote les maisons et menace la faune maritime ?

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Camargue, à la croisée des eaux

À première vue, la Camargue est une terre sauvage où galopent taureaux et chevaux, au milieu de milliers de flamants roses. Pourtant, sans l’homme pour façonner cette terre, ce paysage unique, qui se décline entre noir, blanc et rose, n’existerait pas. Sans son intervention, impossible d’accueillir tous ces touristes qui arrivent des premiers beaux jours jusqu’à l’été indien. Mais ce territoire à la fois sauvage et maîtrisé pourrait encore évoluer. La faute au dérèglement du climat qui rebat les cartes. L’eau monte inexorablement et salinise les terres. Un drame quand on sait que 70 % des terres se trouvent au même niveau que la mer. Le changement climatique menace de faire de la Camargue ce qu’elle était il y a deux mille ans, une île perdue entre Rhône et Méditerranée…

Collection documentaire (52 min - inédit) – Auteur-réalisateur Morad Aït-Habbouche Production Elle Est Pas Belle La Vie ! / MAH Production – Avec la participation de France Télévisions

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* Le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux 

« Les terrains argileux superficiels peuvent voir leur volume varier à la suite d’une modification de leur teneur en eau, en lien avec les conditions météorologiques. Ils se “rétractent” lors des périodes de sécheresse (phénomène de “retrait”) et gonflent au retour des pluies lorsqu’ils sont de nouveau hydratés (phénomène de “gonflement”). Ces variations sont lentes, mais elles peuvent atteindre une amplitude assez importante pour endommager les bâtiments localisés sur ces terrains.
Le phénomène de retrait-gonflement des argiles engendre chaque année des dégâts considérables, indemnisables au titre des catastrophes naturelles. La grande majorité des sinistres concernent les maisons individuelles.

Impact du changement climatique
En tant que risque naturel d’origine climatique, le phénomène de retrait-gonflement des argiles est directement influencé par les effets du changement climatique. Les travaux récents menés dans ce domaine indiquent que la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur et des sécheresses vont inévitablement augmenter au cours du siècle sur le territoire français. Les simulations du projet ClimSec mené par Météo France pour caractériser l’impact du changement climatique sur la ressource en eau et l’humidité des sols, mettent ainsi en évidence :
— l’accroissement de la probabilité de sécheresse agricole au cours du premier tiers du siècle ;
— l’apparition de sécheresses inhabituelles en termes d’intensité ou d’expansion spatiale au milieu du siècle et de nouvelles régions touchées (zones montagneuses en particulier) ;
— des sécheresses du sol extrêmes (par comparaison au climat actuel) sur la majeure partie du territoire métropolitain à la fin du siècle : un été sur trois, voire un été sur deux, serait au moins aussi chaud que l’été 2003 en métropole.
Pour ce qui concerne le phénomène de retrait-gonflement des argiles, l’adaptation au changement climatique passera par une politique d’amélioration du bâti s’appliquant sous forme de prescriptions pour les nouvelles constructions de maisons individuelles, afin de réduire les taux de sinistralité sur les constructions neuves. »
Source : Géorisques

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