« Manouchian et ceux de l’Affiche rouge », un documentaire indispensable

À l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian

Quatre-vingts ans après son exécution par le régime nazi, Missak Manouchian fait son entrée au Panthéon, au nom de ses camarades fusillés. À cette occasion, France Télévisions se mobilise et éclaire le destin hors norme de ce résistant communiste d’origine arménienne qui s’est sacrifié pour la France. Mardi 20 février à 21.10 sur France 2.

« Manouchian et ceux de l'Affiche rouge » © DR

Il y a d’abord une affiche, placardée à des milliers d’exemplaires dans toute la France de l’Occupation : portraits d’hommes en médaillon, indexés à la liste des attentats que leur attribue le régime nazi. Les Allemands entendent là discréditer et humilier le « groupe Manouchian », du nom de son dirigeant, composé de vingt-trois résistants communistes que la propagande désigne à la vindicte populaire comme terroristes. « Des libérateurs ? » interroge cyniquement l’affiche de couleur sang. De quoi justifier, après une parodie de procès devant toute la presse collaborationniste, leur exécution, le 21 février 1944, au Mont-Valérien, près de Paris. L’histoire aurait pu s’arrêter là.
Mais, onze ans plus tard, le poète Louis Aragon publie Strophes pour se souvenir que, en 1961, le chanteur Léo Ferré met en musique sous le titre L’Affiche rouge : « L’affiche qui semblait une tache de sang / Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles / Y cherchait un effet de peur sur les passants », chante-t-il, détournant la propagande nazie de son sinistre but et faisant entrer le groupe Manouchian dans la légende. Les vingt-trois hommes et femme, presque tous immigrés et juifs, deviennent le symbole de l’implication des étrangers dans la Résistance. 
Et l’histoire ne s’arrête pas. Quatre-vingts ans après son exécution, le 21 février 2024, Missak Manouchian fera son entrée au Panthéon accompagné de son épouse Mélinée, au nom de tous ses camarades fusillés. Il devient ainsi le premier résistant étranger et communiste à entrer dans le temple des grandes figures de la République, aux côtés des hommes et femmes auxquels, selon la devise gravée au fronton du monument, la patrie est reconnaissante. 

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant

« Strophes pour se souvenir », Louis Aragon, 1955

À cette occasion, France Télévisions, fidèle à sa mission de service public et à son devoir de mémoire, se mobilise à travers une émission spéciale, destinée à faire vivre au public cette cérémonie nationale, en direct sur France 2 et sur franceinfo canal 27, ainsi qu’à travers divers éditions de la rédaction (voir encadré). 
La veille, France 2 diffuse Manouchian et ceux de l’Affiche rouge, documentaire événement cosigné par le réalisateur Hugues Nancy, dont la filmographie revisite avec panache et érudition l’histoire récente (on lui doit notamment L’Épopée des gueules noires, Colonisation, une histoire française ou Nous, les ouvriers), et l’historien Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Porté par la voix habitée du poète chanteur Arthur Teboul (leader du groupe Feu! Chatterton, à qui l'on doit une reprise bouleversante de L'Affiche rouge), leur documentaire éclaire le destin extraordinaire de ce héros d’origine arménienne.

Vous avez hérité la nationalité française,
nous l’avons méritée.

Missak Manouchian à ses accusateurs, lors de son procès, le 19 février 1944

Tout en archives, construit à partir de sources parfois bouleversantes (la célèbre lettre que Missak Manouchian écrira à sa femme, la veille de son exécution), Manouchian et ceux de l’Affiche rouge est une véritable leçon d’Histoire. À travers le destin du leader du groupe Manouchian, arménien exilé à Marseille après le génocide perpétré par l’Empire ottoman puis victime du régime nazi, le film plonge dans l’incroyable épopée et la fin tragique de son groupe. Manouchian était aussi poète, menuisier, tourneur, rédacteur en chef, militant antifasciste. Il a connu le génocide, la guerre, la torture, la trahison et su leur opposer l’amitié, l’amour, la liberté, la résistance… À l’heure des débats identitaires binaires, de la peur de « l’autre », du repli sur soi et de la désignation tous azimuts de boucs émissaires, ce documentaire vient rappeler opportunément les années noires de l’Occupation et de la collaboration, en célébrant le courage, les convictions, l’héroïsme et le sacrifice de celles et ceux, de toutes origines, qui non seulement ont donné leur vie pour la patrie mais ont forgé la France dans laquelle nous vivons. Un documentaire indispensable.

Manouchian et ceux de l’Affiche rouge 

L'affiche rouge
L'Affiche rouge
© Roger Viollet/André Zucca/BHVP

En février 1944, dans une cour de la prison de Fresnes, les Allemands organisent une mise en scène macabre pour stigmatiser un groupe de résistants communistes, tous étrangers et juifs pour la plupart, qui avaient été arrêtés quelques semaines plus tôt. La propagande vise à discréditer ces combattants pour en faire des terroristes et des criminels, eux qui étaient parvenus à multiplier dans Paris les attaques contre l’occupant. Alors que les nazis espéraient humilier ces résistants, l’affiche rouge qu’ils ont placardée à des milliers d’exemplaires partout dans le pays va au contraire les faire entrer dans la légende grâce à un poème de Louis Aragon. C’est au Mont-Valérien, près de Paris, qu’ils seront ensuite exécutés, après avoir pu, chacun, écrire une dernière lettre à leur famille. Missak Manouchian, l’Arménien qui dirigeait ces combattants, incarne désormais ce groupe dans notre mémoire collective en faisant son entrée au Panthéon, au nom de tous ses camarades, quatre-vingts ans après leur exécution.
Ce film propose de découvrir la véritable histoire de ces hommes et de ces femmes qui ont donné leur vie pour libérer la France.

Documentaire inédit (97 min – 2024) – Écrit par Hugues Nancy et Denis Peschanski – Réalisation Hugues Nancy – Montage Yvan Gaillard – Narration Arthur Teboul – Documentaliste Hélène Zinck – Musique originale Michel Korb – Production Nova Production, avec la participation de France Télévisions, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, du ministère des Armées – Secrétariat général pour l’administration, de la Direction de la mémoire, de la culture et des archives, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la Fondation Rothschild, de la Procirep - Société des Producteurs et de l’Angoa

Manouchian et ceux de l’Affiche rouge, diffusé mardi 20 février à 21.10 sur France 2, est à (re)voir sur france.tv

Programmation spéciale 

France Télévisions mobilisé
France Télévisions mobilisé
© DR

France Télévisions propose une programmation spéciale pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian. 
Décidée par le président de la République, la « panthéonisation » de Missak Manouchian grave dans notre mémoire collective l’héroïsme et le sacrifice des résistants, de toutes origines, qui ont donné leur vie pour la France. 

Mercredi 21 février en direct dès 17.10 > Émission spéciale de l’information sur France 2 et franceinfo canal 27
Émission spéciale en direct présentée par Julian Bugier avec Nathalie Saint-Cricq, éditorialiste politique à France Télévisions, et Stéphane Bern, qui apportera son éclairage sur les secrets et les couples mythiques du Panthéon. Avec de nombreux invités en plateau et les envoyés spéciaux de la rédaction nationale, Christelle Méral, Astrid Mezmorian et Sofia Dollé au Panthéon et Anne-Claire Poignard au Mont-Valérien.
Diffusion également sur TV5 Monde.

Dimanche 18 février > « 13h15 le dimanche » présenté par Laurent Delahousse sur France 2
Notre série documentaire en quatre épisodes retrace la vie héroïque de Missak Manouchian et de son groupe épinglé par « l’affiche rouge » et exécuté. 
Pour faire revivre ce pan d’histoire : des intervenants (historiens, descendants des FTP – MOI), des archives mais aussi des évocations avec des comédiens et des illustrations d’Hugo Ramirez, dessinateur-infographiste.

Série documentaire (90 min) – Réalisation Daniel Rihl et Clément Magnin – Coécrite et produite Florence Kieffer (Bô Travail !) – Conseiller historique Jean Vigreux, historien

Publié le 18 février 2024