Plein gaz : « La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »

Des pots d'échappement qui ne rejettent que de la vapeur d'eau, cela fait rêver. Mais comment et à quel prix est fabriqué l'hydrogène en France ? Secrets, projets gigantesques au coût faramineux, menaces sur l'environnement, expropriations..., Hugo Clément a mené l'enquête et nous fait déchanter sur cette technologie dans le vent... qui ressemble bien à de l'enfumage. Dans « Sur le front », lundi à 21.00 sur France 5.


L’édito d’Hugo Clément

« C’est en voyant les nouveaux taxis à hydrogène fleurir un peu partout dans Paris que j’ai décidé d’enquêter sur ces nouveaux véhicules. Sur le papier, ils ont tout pour plaire : ils ne polluent pas, c’est très facile de faire le plein et pas besoin d’attendre des heures que la batterie se recharge comme pour une voiture électrique.
À Sur le front, on s’est demandé d’où venait l’hydrogène qui faisait rouler ces voitures du futur ? On s’est aperçus que presque 95 % de l’hydrogène utilisé en France était fabriqué à partir de gaz. À notre grande surprise, l’industrie, qui communique pourtant sur son côté écolo, ne nous a pas laissés filmer. Nous avons fini par comprendre que cette méthode de fabrication d’hydrogène dit “gris” rejette énormément de CO2. Cette production est si polluante que, quand on fait les comptes, une voiture à hydrogène rejette autant de gaz à effet de serre, voire un peu plus, qu’une voiture diesel !
L’industrie explique pourtant que le CO2 créé pendant la fabrication d’hydrogène est stocké ou réutilisé, et donc que le bilan carbone reste très intéressant. Là encore, nous avons voulu savoir à quoi ce CO2 pouvait bien servir. Surprise : il est notamment utilisé dans les usines de Coca-Cola comme gaz pour les sodas. Encore plus inattendu, ce CO2 sert à étourdir les cochons dans les abattoirs avant leur mise à mort. Les producteurs d’hydrogène prévoient même de faire monter ce CO2 liquéfié sur un bateau pour l’envoyer en Norvège et l’enfouir dans le fond de l’océan, dans des failles géologiques, pour l’éternité.
Vous vous dites peut-être comme nous que ce n’est pas grave, qu’il suffit de développer la production d’hydrogène vert ! Celui-là est fabriqué uniquement à partir d’eau et d’électricité propre. L’idée est si séduisante que la France prévoit d’investir 9 milliards d’euros pour son développement. Pourtant, le processus de fabrication demande tellement d'électricité que, si l’on voulait que tous les Français roulent à l’hydrogène, il faudrait par exemple tapisser l’équivalent du département de la Haute-Garonne de panneaux photovoltaïques… Ou encore utiliser 30 000 éoliennes ! 
Nous avons rencontré des militants qui nous alertent au sujet de cette fausse bonne idée : ils nous expliquent que rouler à l’hydrogène est bien plus cher qu’à l’électricité et que ce ne sera jamais rentable. Dans cette enquête, j’ai compris auprès des combattants que la voiture à hydrogène n’a aucun avenir pour un usage massif. Il faut réserver cette technologie à des véhicules qui ne peuvent pas fonctionner avec des batteries comme certains bateaux de commerce ou, peut-être, plus tard, les avions ? »

Les séquences : des bulles de soda, des cochons étourdis, des paysans expropriés... 

« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »
« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »
© Winter Productions

Arrestation de l’équipe devant un site de production d’hydrogène
L’équipe de tournage a été arrêtée à Port-Jérôme (Seine-Maritime) alors qu’elle enquêtait sur la production d’hydrogène. Sa voiture a été perquisitionnée et ses drones saisis, juste en face de l’usine Air Liquide. L’entreprise a refusé toutes les demandes de tournage.

Le CO2 émis pendant la production d’hydrogène finit parfois en gaz pour... le Coca-Cola !
Air Liquide, entreprise leader du secteur, récupère une partie du CO2 émis pendant la production d’hydrogène avant qu’il n’arrive dans l’atmosphère. C’est une technique pour limiter son bilan carbone. Le CO2 est liquéfié, purifié et stocké avant de quitter l’usine de Port-Jérôme en camion. Nous avons découvert qu’il est, entre autres, livré à plus de 300 kilomètres de là… chez Coca-Cola ! Le pschitt que vous entendez quand vous ouvrez une bouteille de Coca ou de Fanta est parfois du CO2 émis lors de la production d’hydrogène.

Le CO2 sert aussi à étourdir les porcs dans les abattoirs avant leur mise à mort
Une partie du CO2 capté par Air Liquide livre aussi un abattoir en France. Avant d’être tués, les cochons d’élevage pénètrent dans un sas où ils sont asphyxiés avec le CO2. Une technique dénoncée par les associations de protection des animaux : L214 a réussi à filmer des images exclusives des porcs qui suffoquent avant de perdre connaissance..

Andalousie : des propriétaires d’oliveraies expulsés de leurs terres au nom des énergies vertes
L’Espagne veut devenir le premier producteur d’hydrogène vert d’Europe. Pour y parvenir, le pays développe des projets de panneaux solaires et d’éoliennes gigantesques dans toute l’Andalousie. Des champs entiers qui servaient à produire de l’huile d’olive sont défigurés, rasés. Des propriétaires sont expropriés de force : l’Espagne utilise une vieille loi d’après guerre qui autorise les expulsions pour le développement de l’électricité.

Enquête avec des chercheurs qui étudient l’explosivité de l’hydrogène
Lors d’une expérience grandeur nature avec des chercheurs sur l’hydrogène, Hugo assiste à une explosion. Selon ces spécialistes, l’hydrogène s’enflamme bien plus facilement que tous les autres gaz naturels.

Des combattants : énergie verte ? mon œil !

« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »
« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »
© Winter Productions

Océane Sanchez
Elle ne connaissait rien à l’hydrogène, jusqu’au jour où elle a découvert que la forêt de son enfance, dans le Médoc, allait être rasée pour un projet de fabrication d’électricité et d’hydrogène ! La jeune femme se mobilise et lance une pétition qui rencontre très vite un succès fou. Océane nous embarque avec ferveur sur les routes de France pour découvrir les petits secrets de l’industrie.

Albert Cormary
Il s’intéresse de très près à l’agrandissement du port de Port-la-Nouvelle (Aude), notamment pour y fabriquer de l’hydrogène vert. Il a découvert qu’une partie de cet hydrogène serait importée… du sultanat d’Oman ! Cet enfant du pays se bat pour que l’agrandissement du port ne détruise pas le milieu naturel. À ses côtés, nous découvrons l’importance de préserver cette lagune, près d’une zone Natura 2000.

Rodolfo Gil
Ce mécanicien automobile de formation installé en Andalousie aurait pu se réjouir de l’arrivée de la voiture à l’hydrogène, mais il ne veut pas entendre parler de ces énergies dites « vertes » ! Ce Franco-Espagnol au sourire communicatif nous alerte : les champs d’oliviers près de chez lui sont peu à peu remplacés par des champs de panneaux solaires, destinés en partie à la production d’hydrogène vert. Il se bat pour préserver les terres qu’il aime tant.

Aurélien Bigo
Il nous fait tout de suite descendre de notre nuage d’illusions sur l’hydrogène. Ce chercheur et formidable vulgarisateur s’est donné pour mission de démêler le vrai du faux sur les voitures et tous les moyens de transport. Expert aguerri et mine d’informations, il nous aide à y voir plus clair sur cette technologie qui a le vent en poupe.


« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »
« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »
© Winter Productions

« Sur le front : La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? »

Magazine (2023 - inédit) - 52 min - Présentation Hugo Clément - Rédaction en chef Pierre Grange - Réalisation Caroline Amiard - Production Winter Productions - Avec la participation de France Télévisions

Diffusion lundi 22 mai à 21.00 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv  

Publié le 20 mai 2023
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