Ode à la Bretagne et aux Bretons

C’est une péninsule plus d’une fois meurtrie qui toujours se releva, dont l’Armor* et l’Argoat* forment l’âme. Une région au passé légendaire et à la culture ancestrale. « La Grande Histoire de la Bretagne », réalisée par Frédéric Brunnquell, est à découvrir ce mercredi dès 21.10 sur France 3.

« La Grande Histoire de la Bretagne ». © GP archives, collection Gaumont

Autrefois surnommée « péninsule spectatrice de l’océan » par Pline l’Ancien, « Arémorique » ou « Armorique » (signifiant « pays en bordure de la mer ») par les Gaulois, la Bretagne n’a jamais laissé indifférents ceux qui la fréquentaient à une époque où le tourisme n’était pas encore d’actualité. Ils avaient beau lui reprocher sa rudesse ou son climat, ils ne cessaient de vanter la beauté escarpée de ses côtes, de louer ses forêts enchanteresses et de s’extasier face à la richesse des costumes brodés. Quant à l’incontournable galette ou crêpe (selon qu’on vienne d’un pays gallo ou bretonnant), elle était à l’époque dénigrée. « Au départ, c’était la nourriture des pauvres, mangée sur le pouce par les ouvriers, méprisée par les voyageurs, écrivains ou peintres, précise Bernard Hulin (auteur de Et vous ? Êtes-vous crêpe ou galette ?). Sa célébration concorde avec l’arrivée des Bretons à Paris et l’essor du tourisme. » Mais pour percer l’âme de ses habitants, il est primordial de s’intéresser à leur histoire. À lui seul, le siècle et demi passé témoigne des obstacles, brimades et affronts qu’ils ont dû surmonter pour préserver leur identité et renouer avec leur culture et leur langue.

Pour peu que les circonstances te favorisent, tu as devant toi de larges perspectives, Ô Bretagne. Ceins donc tes reins et pousse jusqu’au bout tes avantages. Puisses-tu seulement cueillir les fruits de l’avenir, sans renoncer aux dons que tu tiens de ton passé !

Anatole Le Braz, Port-Blanc, le 4 octobre 1923 (extrait d’« Étude », un texte republié dans « Magies de la Bretagne », éditions Robert Laffont)

Pour que vive la Bretagne

« Ce film est pour moi l’aboutissement d’un long travail dédié à la Bretagne, qui m’a pris le cœur il y a plusieurs années, explique le réalisateur Frédéric Brunnquell dans sa note d’intention. J’ai été fasciné par ses côtes découpées, ses profondes campagnes et le parfum de liberté qui les traverse. Je me suis rapproché des Bretons parce que vit en eux le puissant mystère de l’attachement aux racines qui apporte des repères dans notre monde globalisé. J’admire cet esprit de résistance qui les a toujours caractérisés. Souvent humiliée et meurtrie, la Bretagne a su défendre sa voix face à la volonté assimilatrice de la République. Son drapeau, le Gwenn-ha-du, est devenu dans les années soixante-dix le symbole de nombreuses luttes. »
Au fil des images d’archives, Frédéric Brunnquell déroule une histoire faite de drames et de pardons, de déceptions et d’espérances, d’insoumissions et de revendications. Ainsi, suite à la loi du 28 mars 1882 (rendant l’enseignement primaire public, gratuit, laïc et obligatoire), on imposa aux élèves bretons (et à tous les autres) l’enseignement du français au détriment du breton ou du gallo. Les punitions ne manquaient pas pour humilier ceux qui osaient s’exprimer dans leur langue régionale (bonnet d’âne, sabot autour du cou, etc.). À l’époque, l’unification de la nation passait par l’uniformisation de l’apprentissage. Cette meurtrissure laissera une trace indélébile dans le cœur des Bretons. Si aujourd’hui cette langue s’exporte jusqu’à l’Eurovision, combien de décennies ont été nécessaires avant que des élèves puissent suivre des cours dans une langue régionale (tout en apprenant le français) ?

On n’a pas le droit d’empêcher un peuple de parler sa langue(...). C’est quelque chose de sentimental, de fort, et cette blessure-là, elle est impardonnable. Elle passera jamais.

Charlie Grall, ex-militant du Front de libération de la Bretagne

Splendeurs, misères et révoltes

Avant les deux premiers conflits mondiaux, les parcelles agricoles étaient petites, protégées de haies et de talus. Rares étaient les fermiers à posséder leurs terres. Difficile d’imaginer qu’un seul remembrement ait totalement modifié le paysage breton. L’arrivée des tracteurs et des machines agricoles imposa de rassembler les parcelles, supprimant au passage les haies et les talus (en 1971, des Bretons alertaient déjà sur les dangers de la disparition des haies – source : l’INA). Certes, la Bretagne avait pour mission de nourrir les Français (une manière de la sortir de sa pauvreté), mais cette entrée dans la modernité dictait de nouvelles méthodes agricoles, où l’intensif et les pesticides devenaient la norme. Et dont la région paye aujourd’hui les conséquences.
Sur les côtes, on vivait de la pêche. Depuis le milieu du XIXe siècle, les usines employaient des femmes pour mettre les poissons en conserve. En 1925, après 46 jours de grève, les Penn Sardin (« tête de sardine ») obtenaient à Douarnenez la revalorisation de leur salaire. Des revendications et une victoire qui en appelleront d’autres (dont celle des légumiers du Nord Finistère en 1961 pour obtenir la juste rémunération de leur production). Plus d’une fois, les Bretons ont fait entendre leur mécontentement : après le naufrage de l’Amoco Cadiz, lors de l’annonce du projet de centrale nucléaire par EDF à cap Sizun ou lorsqu’ils se sentaient délaissés par l’État français.
Mais les contestations ne sont pas les seules raisons de rassemblement. En Bretagne, on aime aussi se réunir pour festoyer. Autrefois, on célébrait les saints lors d’immenses pardons, on fêtait des noces sur plusieurs jours. Si la pandémie a mis entre parenthèses nombre de manifestations culturelles pendant deux ans, n’hésitez pas à tester un festival de musique bretonne ou à déambuler dans un musée cet été. Vous aurez ainsi un aperçu de cette culture si chère aux Bretons !

Bande-annonce 

Photo d'un phare (capture d'écran)
« La Grande Histoire de la Bretagne ».
© Chasseur d’Étoiles

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Quand une langue disparaît, il y a des savoirs traditionnels et souvent ancestraux qui risquent de disparaître. Préserver une langue, c’est préserver une culture et une identité. La tradition orale véhiculée par la langue bretonne est connue depuis plusieurs siècles. Elle s’est transmise oralement jusqu’au XXe siècle. Il faut la sauvegarder, même si aujourd’hui elle passe par des supports écrits.

Gaid Evenou, ancienne cheffe de mission Langues de France à la DGLFLF (interview donnée au « Figaro » en 2019)

La Grande Histoire de la Bretagne

Depuis la fin du XIXe siècle, l’histoire de la Bretagne est une incroyable saga. À travers des archives exclusives et des témoignages poignants, les Bretons nous racontent comment ils se sont battus pour garder vivantes leur culture et leur terre. La Bretagne est aujourd’hui la région préférée des Français.

Les intervenants : Yvon Abiven, pays du Léon ; Yann Manac’h, pays de Cornouaille ; Mari-Annah Sohier, pays de Cornouaille ; Alphoñs Raguénés, pays du Léon ; Dan Ar Braz, pays de Cornouaille ; Léna Louarn, pays Rennais ; Daniel Picart, pays du Trégor ; Tino Kerdraon, pays du Léon ; Hélène Dauphin, pays Vannetais ; Tudi Kernalegenn, pays de Cornouaille ; Jean Moalic, pays de Cornouaille ; Édouard Renard, pays de Saint-Brieuc ; Gilles Servat, pays du Vannetais ; Charlie Grall, pays de Cornouaille, et Gwenola Morizur, pays Rennais

Documentaire (inédit - 91 min) – Auteur et réalisateur Frédéric Brunnquell – Documentaliste Pauline Kerleroux – Production Chasseur d’Étoiles, avec la participation de France Télévisions

Ce documentaire est diffusé mercredi 4 mai à 21.10 sur France 3
La Grande Histoire de la Bretagne est à voir et revoir sur france.tv

Pour aller plus loin : Baragouin

« Bas-breton, bara, pain, et gwîn, vin ; mots que les Français entendaient souvent dans la bouche des Bretons, et qui leur servirent à désigner un langage inintelligible.
Ajoutez cette note de M. Roulin : Composé, non de bara, pain, et guin, vin, mais de bara, pain, et gwenn, blanc, les miliciens de la Basse-Bretagne, qui arrivaient à Rennes ou à Laval, et qui étaient logés et nourris chez les bourgeois, témoignant leur surprise et leur satisfaction à la vue du pain blanc et répétant bara gwenn. »
Source : Le Littré


* Le mot Armor est un composé du vieux breton ar « près de, sur, devant » et mor « mer », signifiant « pays du littoral », par opposition à lArgoat, « pays du bois ou du bocage » (source : Wikipedia).

Publié le 02 mai 2022
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