« L’Odyssée d’Albert Londres, histoire d’un grand reporter »

Grand reporter, Albert Londres est indissociable des champs ou villes endeuillés et meurtris qu'il a parcourus, des bas-fonds qu’il a fréquentés et des bagnards qu’il a écoutés. Son odyssée est à découvrir ce dimanche dans « La Case du siècle » sur France 5 à 21.00.

« L’Odyssée d’Albert Londres, histoire d’un grand reporter ». © SCN Archives nationales / Gédéon Programmes

Cette atmosphère, je la connaissais. Elle était celle des alentours des champs de bataille. Le ciel était bas, comme s’il s’était penché sur la terre afin de regarder jusqu’où les hommes vont dans l’abîme.

Albert Londres, extrait de « La Chine en folie » (éditions Le Serpent à plumes)

Que connaissez-vous d’Albert Londres, ce grand reporter qui, au début de XXe siècle, couvrit les conflits et parla sans tabou du quotidien des soldats et des populations meurtries, miséreuses et affamées ? Saviez-vous qu’il avait été comptable avant d’exercer la profession de journaliste et que sa vocation de courir le monde en qualité de grand reporter était intimement liée à son expérience de 14. Cette Première Guerre mondiale, qualifiée dans les premiers jours du conflit d’« éclair », puis après l’armistice de « Der des der », faucha dix millions de vies et en blessa ou mutila près de vingt et un millions. Alors que le monde panse ses plaies, lui ne pense qu’à repartir. À sa fille Florise, qu’il n’a pas vue depuis quatre ans, il écrit : « Écoute ton père, j’ai un nom à présent. Un nom et une tribune. Je vais aller regarder, écrire tout ce que je verrai. Il y a trop de malheurs dans le vaste monde pour qu’on se permette de s’asseoir. » Et c’est ce qu’il fera, sans relâche jusqu’au soir de sa mort (le 16 mai 1932), s’accordant de brefs séjours auprès des siens, envoyant pour seule consolation des cartes postales. Il dénonce, s’insurge, témoigne. Donnant la parole à des anonymes. Rendant compte de scènes parfois apocalyptiques. « Les gens circulent, portant l’infâme bouillon dans des sceaux hygiéniques. Avidement, ils l’avalent. C’est le dernier degré de la dégradation. Ce sont des étables pour hommes. C’est la troisième internationale. À la quatrième, on marchera à quatre pattes. À la cinquième, on aboiera. » Qu’importe l’instabilité des pays traversés ou de savoir sa vie menacée, il poursuit la mission qu’il s’est fixée. Celle de relater le quotidien d’êtres humains pris en étau dans des conflits qu’ils n’ont pas choisis, des prisonniers dont la vie ne vaut plus rien et la mort, encore moins. « Cinq mille cadavres n’ont pas la même valeur suivant qu’ils pourrissent à 500 ou 20 000 kilomètres de Paris. » Pour lui, la France et ses lecteurs ont le droit de savoir, d’être informés. En mettant en lumière des exactions et des comportements indécents, il impose la réflexion et provoque le débat. À sa mort, Florise Martinet-Londres et trois compagnons de son père créent le prix Albert-Londres qui, chaque 16 mai, récompense une ou un grand reporter âgé de moins de 40 ans (dans trois catégories différentes). Une manière de rendre hommage à ce visionnaire du journalisme moderne.

J’ai voulu descendre dans les fosses, où la société se débarrasse de ce qui la menace ou de ce qu’elle ne peut nourrir. Regarder ce que personne ne veut plus regarder. J’ai pensé qu’il était louable de prêter une voix à ceux qui n’avaient plus le droit de parler. Suis-je arrivé à les faire entendre ?

Albert Londres à propos de son séjour en Argentine

La Case du siècle : L’Odyssée d’Albert Londres, histoire d’un grand reporter

Nous vivons dans un monde de plus en plus complexe qui nécessite investigations, analyses et points de vue sur le monde. À l’heure des fake news, du discrédit croissant des journalistes, de la méfiance et du rejet des médias de masse par l’opinion publique, il semble opportun de revenir aux sources, aux modèles – notamment pour les jeunes générations.
Ce documentaire raconte l’épopée du plus grand reporter du XXe siècle à travers des extraits de ses meilleurs articles. De la Première Guerre mondiale au début des années 1930, il se bat pour éclairer l’opinion publique, pour donner à voir un monde encore inaccessible et dénoncer quelques-uns de ses scandales. Pionnier, Albert Londres a défendu des valeurs démocratiques et l’exercice noble de son métier. Mais il a aussi inventé une nouvelle forme de journalisme pour se rapprocher de ses lecteurs. Il parcourt le monde, ses zones de conflits, avec sensibilité et humanisme. Au cœur de ses reportages, il place les hommes et les femmes qu’il rencontre.

Documentaire (54 min - inédit) – Autrice et réalisatrice Valérie Manns – Avec Nicolas Lormeau de la Comédie-Française – Compositeurs Vincent Jacq et Thomas Mercier – Conseiller historique Bernard Cahier – Commentaire Élise Lhomeau de la Comédie-Française – Production Gédéon Programmes et l’ECPAD, avec la participation de France Télévisions, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, La Fondation d’entreprise La Poste – En association avec le ministère des Armées – Avec le soutien de la Procirep - Société des producteurs et de l’Angoa

Ce documentaire est diffusé dimanche 27 novembre à 22.10 sur France 5
La Case du siècle : L’Odyssée d’Albert Londres, histoire d’un grand reporter est à voir et revoir sur france.tv

Commentaires