La chair des mots : « La Lectrice » de Michel Deville

Pour saluer la mémoire du cinéaste, disparu en février, Dominique Besnehard propose de voir ou de revoir l’un de ses films les plus fameux, le savant et sensuel « La Lectrice » (avec Miou-Miou), prix Louis-Delluc en 1988. Vendredi à 21.00 dans « Place au cinéma » sur France 5.

« La Lectrice » © Éléfilm / TSF Productions / Ciné 5 / Acteurs Auteurs Associés

Constance (Miou-Miou) a une jolie voix. Au lit, elle lit à son amant le livre La Lectrice, l’histoire de Marie (Miou-Miou) qui a une jolie voix… et qui, décidée à en faire un métier, fait paraître une petite annonce dans le journal local : « Jeune femme propose lecture à domicile. Littérature, documents, textes divers ». Le film La Lectrice tourne les pages de la nouvelle vie de Marie et suit ses rencontres drolatiques avec ses « clients » : un adolescent (Régis Royer) cloué dans un fauteuil roulant et qui découvre le désir en admirant les jambes de la jeune femme ; une comtesse centenaire (Maria Casarès), fantasque et passionnée par Marx et Tolstoï ; une gamine espiègle (Charlotte Farran) ; un chef d’entreprise survolté (Patrick Chesnais) qui s’endort à la lecture de L’Amant de Duras, puis est pris de passion érotique pour sa lectrice ; un magistrat à la retraite dont la vue baisse et qui veut découvrir Les 120 journées de Sodome du Marquis de Sade… Mais voilà qu’un commissaire de police (Jean-Luc Boutté) s’intéresse de près à Marie, la soupçonnant de visées troubles, sinon carrément de prostitution. Mais non, Marie est une lectrice et seulement une lectrice. Mais, comme on le sait, la littérature est tout sauf un plaisir innocent…
Mariant avec sensualité et élégance littérature et cinéma, Deville adapte (avec sa femme Rosalinde, assistante, coscénariste et productrice) le roman homonyme de Raymond Jean (1925-2012), un récit allègre et malicieux qui lui permet de renouer avec l’une des grandes veines de son œuvre, l’érotisme. Mais, plus cérébral que Benjamin ou les mémoires d’un puceau (1968), moins noir que Raphaël ou le Débauché (1971), moins sulfureux que Péril en la demeure (1985), La Lectrice est surtout un écrin offert à Miou-Miou, révélée dix ans plus tôt dans Les Valseuses de Bertrand Blier – mais que Deville avait découverte dès 1969 sur la scène du Café de la Gare – et dont la légèreté pleine d’humour entraîne le film, loin de tout caractère graveleux, vers le marivaudage savant et ludique et l’exercice de style subtil.

La Lectrice

Film (95 min – 1988) – Réalisation Michel Deville – Scénario Michel Deville et Rosalinde Deville – D’après le roman de Raymond Jean (Éditions Actes Sud) – Directeur de la photographie Dominique Le Rigoleur – Montage Raymonde Guyot – Musique Ludwig van Beethoven

Avec Miou-Miou (Constance/Marie), Régis Royer (Éric), Maria Casarès (la comtesse), Patrick Chesnais (le P.-D. G.), Pierre Dux (le magistrat), Brigitte Catillon (la mère d’Éric), Marianne Denicourt (Bella B.), Charlotte Farran (Coralie), Clotilde de Bayser (la mère de Coralie), Jean-Luc Boutté (le commissaire de police), Simon Eine (le médecin), André Wilms (l’homme de la rue Saint-Landry)…

Diffusion vendredi 24 mars à 21.00 dans « Place au cinéma »
À voir et à revoir sur france.tv

Publié par Christophe Kechroud-Gibassier le 22 mars 2023
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