« Sur le front – Fromages : où est passé notre terroir ? »

Qu’y a-t-il derrière le fameux cliché du « pays aux 365 fromages » ? Quelles races de vaches produisent le lait destiné à la fromagerie ? Que mangent-elles ? Comment produire du lait de chèvre en plein hiver ? Hugo Clément dévoile dans ce nouveau numéro de « Sur le front » la face cachée de la production intensive en France, et ce n'est pas reluisant : nos précieux fromages perdent leur authenticité et menacent même l'environnement ! Lundi 15 avril à 21.05 sur France 5.


365 fromages, donc. Un pour chaque jour de l’année, dit-on. Mais, surtout, 365 fromages correspondant à autant de terroirs français, avec chacun son histoire et son goût spécifiques. Et que faut-il donc pour produire un fromage de terroir ? Une race locale de vache laitière, broutant dans les pâturages ou nourrie de foin à l’étable, selon la saison, et enfin un savoir-faire traditionnel... Cela fait une jolie carte postale. Mais la réalité ? Démonstration avec une marque courante de fromage de Bethmale, fabriqué en Ariège. Le producteur laitier qu’Hugo Clément est allé visiter se trouve en fait... en Haute-Garonne ! Au lieu de rustiques vaches Casta, à la robe brune typique et aux cornes en forme de lyre, des prim’holstein, originaires d’Europe du Nord via les États-Unis, génétiquement « améliorées » (les catalogues en proposent même une version sans cornes), dotées d’un caractère plus facile et surtout d’une productivité inégalée (jusqu’à 27 litres par jour). Face à une telle concurrence, la race Casta est d’ailleurs considérée comme menacée d’extinction, avec 400 bêtes survivantes.

« Sur le front »
« Sur le front »
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Le fromage de Salers en Auvergne ? Seuls neuf producteurs élèvent encore les superbes vaches du même nom, au poil dru et aux cornes en forme de guidon de moto. Le camembert ? Le brie ? Le munster ? La situation est la même : trois quarts des vaches laitières françaises sont désormais des prim’holstein. Mais il y a pire encore : 140 000 d’entre elles – et ce chiffre est en augmentation – ne voient jamais les pâturages et restent à l’étable où elles sont nourries de façon standardisée : orge, soja et ensilage (extrêmement acide) d’herbes et de maïs fermentés. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer que cela n’ait aucune incidence sur la qualité des fromages. Pour ceux qui en resteraient persuadés, Hugo Clément est allé dans un laboratoire de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) pour en faire l’expérience.
Productivité et standardisation : tout est là. Et cela ne concerne pas seulement les vaches. Nous l’avons oublié, mais les chèvres ne produisent pas naturellement de lait en hiver. Comment faire pour proposer des fromages de chèvre frais dans les rayons des supermarchés à Noël ? Les éleveurs ont trouvé la solution : les chèvres sont enfermées et éclairées de manière à leur faire croire qu’on est en plein été. Ainsi, elles produisent bravement leur lait hors saison... Reste à savoir s’il a les mêmes qualités. Et encore n’est-ce pas le pire que l’on puisse faire subir aux chèvres. Dans les élevages, en effet, les petits mâles ont très peu de valeur, puisqu’ils ne produiront jamais de lait. Les chevreaux sont vendus (2 euros pièce) et abattus à l’âge d’un mois et souvent exportés pour être consommés à l’étranger – puisque, en France, la filière ne rencontre guère de succès dans sa promotion des kebabs, hot-dogs et burgers de chevreaux.
Mais la production de fromages a un impact encore plus large. Ainsi, les truites des rivières de la région du comté AOP disparaissent depuis quinze ans, notamment à cause d’un champignon. La qualité de l’eau s’est dégradée, entre autres du fait de la production de comté, qui a plus que doublé en trente ans. Selon les militants locaux, il y a désormais trop de vaches dans le secteur et les épandages de lisiers sont devenus trop fréquents, ce qui pollue les nappes phréatiques et les cours d’eau.
Parions que vous ne regarderez plus votre plateau de fromages de la même façon, désormais...

Sur le front – Fromages : où est passé notre terroir ?

Magazine (2024 – inédit) – 52 min – Création Régis Lamanna-Rodat et Hugo Clément – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Guillaume Dumant – Production Winter Productions – Coproduction France Télévisions 

Diffusion lundi 15 avril à 21.05 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv

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Publié par Christophe Kechroud-Gibassier le 15 avril 2024