« France, le plus beau décor de cinéma » : retour sur les lieux du septième art

Qu’ont en commun les villes de Deauville, Wallers-Arenberg, Le Mans, Villerville, Bergues, Rochefort, Saint-Tropez ou encore le quartier de Montmartre à Paris ? D’être situés en France ? Certes. Mais surtout d’avoir servi de décors à quelques-uns des plus grands succès du cinéma depuis près de 70 ans.  Les planches de Deauville ne se sont jamais remises de l’irruption, en 1965, de la fameuse Mustang 184, de la rencontre d’une veuve et d’un veuf esseulés et d’un certain « Da ba da bada »... Aujourd’hui encore, des touristes japonais arpentent les rues de Montmartre ou s’attablent au Café des 2 Moulins en quête des traces laissées par Amélie Poulain, tandis que certains des plus de vingt millions de spectateurs de Bienvenue chez les Ch’tis gravissent les marches du beffroi de Bergues sur les pas d’Antoine Bailleul.
Si Dieu a créa la femme... il créa aussi Brigitte Bardot et Saint-Tropez, discret petit port de pêche jusqu’en 1956. La simple cabane qui servit de cantine à l’équipe de tournage de Roger Vadim est devenue depuis le Club 55, l’un des endroits les plus prisés de la plage de Pampelonne à Ramatuelle. On laissera de côté la question de savoir si l’impact touristique fut entièrement bénéfique. À Rochefort, en revanche, le pont transbordeur du Martrou, sur la Charente, doit sans doute sa survie à la notoriété planétaire de deux demoiselles, les jumelles Delphine et Solange. Jacques Demy, dit-on, avait pensé le faire repeindre en rose !
Parfois, les choses sont moins simples. Qui sait que les rues du Paris du XVII^e siècle, dans le Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappenau, se trouvent en réalité au Mans ? Et que la tirade du nez, qui s’achève sur les marches de la cathédrale, débute dans un pays de l’Est ? À Villerville, en Normandie, rebaptisée Tigreville à l’écran, un carrefour du Singe en hiver immortalise l’odyssée éthylique de M. Quentin (Jean Gabin) et Gabriel Fouquet (Jean-Paul Belmondo) en 1962. L’intérieur du Cabaret normand est conservé dans son jus... sauf que seule sa façade a été utilisée au tournage ! À Wallers-Arenberg, le cinéma a davantage encore brouillé les cartes du vrai et du faux. En 1992, quand Claude Berri s’attelle à son pharaonique hommage à la classe ouvrière (167 millions de budget, 3 000 figurants), il fait du tournage de Germinal au cœur des sites miniers un impératif moral. Il faudra tout de même construire entièrement le Voreux dans un champ de betteraves. Aujourd’hui, certains éléments de décor sont encore debout, mêlés à d’authentiques vestiges... Ils appartiennent désormais à la mémoire des lieux.