« Immobilier, logement : la loi de la jungle ? » : une enquête inédite de « France grand format »

Aujourd’hui, en France, on peut avoir un travail, gagner correctement sa vie et ne pas avoir de logement… Cette situation, encore impensable il y a quelques années, est liée à une crise de l’immobilier sans précédent. Le marché, si florissant après le covid, est complètement bouleversé : pénurie d’offres locatives, taux d’intérêt multipliés par quatre freinant les capacités d’emprunt pour l’achat, effondrement de la construction…

À Annecy, Karen et son conjoint cherchent un logement depuis cinq mois. Le couple, en CDI, cumule de très bons revenus (6 000 euros net par mois) et donne son préavis sans s’inquiéter. Mais la crise en a décidé autrement. Résultat : ils vivent aujourd’hui sur un terrain vague prêté par des proches. « Je n’aurais jamais pensé, à 48 ans, vivre dans une caravane », constate désespérément Karen, dont tous les vestiges de la vie passée tiennent désormais dans une pièce.
Comme Karen et son conjoint, beaucoup de Français en quête de logement sont contraints de revoir leurs prétentions à la baisse et d’appréhender les nouveaux codes d’un marché bloqué et saturé. Dans l’incapacité d’acheter, certains restent locataires, et le turnover des appartements s’effondre. À cela s’ajoute le phénomène des locations saisonnières (et l’arrivée fracassante du mastodonte Airbnb), en hausse de 18 % en un an et retirant des centaines de milliers de logements du marché. Rien qu’à Paris, 15 % du parc locatif serait désormais de courte durée…
À Dunkerque, Alain, 38 ans, travaille dans les travaux publics. Aujourd’hui, il vit dans sa voiture, alors qu’avec son salaire il pourrait tout à fait louer un logement. Pour lui comme pour beaucoup se loger devient une urgence. La crise du logement, c’est aussi une véritable bombe sociale en train d’exploser…

Dans un marché sous tension, certains sont prêts à tout pour avoir un toit sur la tête. À Narbonne, Franck et Estelle, propriétaires d’un appartement, ont dû faire face à une locataire injoignable qui squattait leur bien. De l’autre côté, ce sont aussi des propriétaires peu scrupuleux qui profitent de la crise pour faire du business, comme à Lyon, où des marchands de sommeil investissent les quartiers pavillonnaires. Devant certaines maisons, une petite dizaine de boîtes aux lettres. À l’intérieur, chaque pièce a été transformée en appartement de 22 m² environ, entraînant une suroccupation des lieux. Cette division pavillonnaire a pour but de maximiser un bien en le découpant. « On ne vit pas, on survit », confiera l’un des locataires. 

L’un des autres points noirs de la location, c’est aussi le logement social : aujourd’hui, 2,4 millions de ménages sont en liste d’attente (+ 7 % en un an). Un triste record historique. Depuis des années, nous construisons insuffisamment de logements en France. Le nombre de chantiers est historiquement faible, qu’il s’agisse du logement social ou privé. Et si, aujourd’hui encore, acheter sa résidence principale est toujours le rêve de 80 % des Français, l’accession à la propriété a un prix. La crise immobilière fait ainsi s’évaporer de nombreux projets de vie. Avec des taux d’intérêt qui ont explosé, le volume des crédits accordés a baissé de 40 % en un an. Près de Narbonne, Marjorie, Franck et leur fille veulent faire bâtir leur propre maison. Il y a deux ans, ils pouvaient emprunter 390 000 euros. Désormais, ils ont perdu 100 000 euros de budget. « On passe du rêve à la réalité », confie Marjorie. Un bouleversement du marché qui touche également les agents immobiliers, qui, après la frénésie immobilière post-covid, subissent eux aussi la crise de plein fouet. En 2023, 700 agences immobilières ont ainsi mis la clef sous la porte…

Comment et pourquoi une telle crise s’est-elle installée dans notre pays ? En suivant pendant plusieurs mois des Français qui tentent de se frayer un chemin dans cette jungle, pour parvenir malgré tout, à s’en sortir, France grand format tente de décrypter les causes d’une crise de l’immobilier sans précédent.

Le documentaire Immobilier, logement : la loi de la jungle ? sera suivi d’un débat animé par Marie Drucker.