« Enquête de santé » sur la pénurie de médicaments

Pour « Enquête de santé », Bruno Timsit s’est intéressé à la pénurie de médicaments et à ses conséquences sur nos traitements actuels et futurs. Entre constat alarmiste et solutions pérennes, état des lieux d’un système qui, pour l’heure, a du plomb dans l’aile. Diffusé mardi 30 janvier à 21.05 sur France 5, « Médicaments, la grande pénurie » sera suivi d’un débat animé par Marina Carrère d’Encausse.

« Enquête de santé : Médicaments, la grande pénurie ». © 17 Juin Médias

C’est un constat aussi édifiant qu’alarmant. Une pénurie aux conséquences désastreuses, voire dramatiques. Celle de milliers de médicaments utiles, nécessaires, vitaux. « Les médicaments qui sont touchés par la pénurie, explique le professeur Jean-Paul Vernant, sont toujours des vieux médicaments. Des médicaments anciens qui sont très utiles et qui ont fait la preuve de leur efficacité. S’ils n’avaient pas été efficaces, on cesserait de les utiliser. Dans mon domaine, le domaine de l’hémato et de la cancérologie, on a calculé qu’il y avait entre quarante et quarante-cinq médicaments de ce type qui ont été, sont ou seront en pénurie dans les semaines, mois, années qui viennent. Et, bien entendu, qui dit pénurie dit préjudice pour les patients, avant tout. » Face à une situation qui ne cesse de s’aggraver, à des patients qui ne disposent plus d’un traitement adapté, il est primordial de reprendre ce système en main. Mais comment parvenir à inverser la donne après des années de délocalisation, de morcellement du circuit de fabrication et de pression des actionnaires ? Tout ne peut pas être considéré sous le seul prisme du bénéfice financier. Les principaux bénéfices à prendre en compte sont ceux du patient face à tel ou tel traitement, de ses chances de survie, de l’amélioration de ses conditions de vie. Imaginez devoir reporter une intervention faute d’anesthésiant, avoir à annoncer à des parents que le traitement de leur enfant ne sera plus disponible ou que, faute d’accord entre pays, il ne sera jamais vendu en France. Ces situations existent, hélas ! déjà. Elles ne peuvent et ne doivent pas perdurer. On ne peut et on ne doit pas se résoudre à vivre sous contingence médicamenteuse, pour quelque raison que ce soit.

Maintenant le circuit est morcelé et tout incident qui survient sur le parcours va déclencher la pénurie. Il peut y avoir une seule boîte de chimie qui fabrique le principe actif d’un médicament, que ce soit en Inde ou en Chine. S’il y a la révolution localement, un tremblement de terre, une inondation, eh bien, il n’y a plus de fabrication.

Professeur Jean-Paul Vernant, hématologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (APHP)

Pour aller plus loin : les conclusions de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments (Sénat, 6 juillet 2023)

« À l’initiative du Groupe communiste républicain citoyen et écologiste dans le cadre de son droit de tirage, une commission d’enquête a été créée [le 1er février 2023] afin de faire toute la lumière sur les causes de ces pénuries et de proposer des solutions concrètes pour y remédier. La commission d’enquête s’est également intéressée au modèle économique de l’industrie du médicament. Le prix vertigineux de certains traitements particulièrement innovants pose désormais la question de l’accès de tous aux soins et de la capacité du système de santé de faire face à cette dépense. »


 

Comment peut-on laisser un enfant dans cette situation-là, alors qu’il n’y a pas de traitement qui existe pour cette maladie ? Là, on avait quelque chose (...) Il semblerait que ce soit une question de prix. Et en tant que parents, la vie de notre enfant, ça n’a pas de prix.

Élodie Jourdan, mère de Mathéo, à propos d’une thérapie génique découverte en France par l’Inserm (et vendue à un laboratoire américain pour en développer le traitement mais, faute d’accord sur les prix, il a décidé de ne pas commercialiser ce traitement et ses autres thérapies géniques en Europe)

Enquête de santé : Médicaments, la grande pénurie

Médicaments contre la douleur, antibiotiques, corticoïdes, traitements contre l’épilepsie ou les problèmes cardiaques… Des remèdes contre les petits maux du quotidien à ceux contre des pathologies lourdes, les pénuries et les tensions d’approvisionnement se multiplient et touchent de nombreux médicaments en France, dont certains vitaux pour des malades. Près de 4 000 médicaments seraient actuellement en rupture de stock ou en risque de pénurie. Si la situation est particulièrement critique dans de nombreuses pharmacies d’officine, les hôpitaux ne sont pas épargnés par ces défauts d’approvisionnement. Dans certains services, des médicaments essentiels manquent à l’appel.
Les causes de ces tensions d’approvisionnement sont multiples : mondialisation du marché, fabrication des principes actifs concentrée en Chine et en Inde, hausse de la demande, prix faibles des produits anciens… Mais existe-t-il des solutions pour limiter le risque de pénurie ? Faut-il produire en France ? Vendre certains traitements à l’unité ? Augmenter le prix des médicaments ? En attendant, les patients sont en première ligne. Retards de prise en charge, majoration des symptômes, erreurs dans la prise de médicaments de substitution, voire mise en jeu du pronostic vital. Ces pénuries à répétition peuvent avoir de lourdes conséquences sur leur santé.

Magazine (débat – direct – 48 min) – Présentation Marina Carrère d’Encausse
Documentaire (inédit – 52 min – 2024) – Auteur et réalisateur Bruno Timsit – Production 17 Juin Media, avec la participation de France Télévisions

Invités du débat 
Giulia Foïs
, journaliste et productrice à France Inter, Dr Matthieu Calafiore, médecin généraliste, Pierre Chirac, rédacteur à la revue Prescrire, Béatrice Clairaz-Mahiou, pharmacienne dans les Hauts-de-Seine, présidente du syndicat USPO 92, et Magali Léo, membre de Renaloo

Ce magazine est diffusé mardi 30 janvier à 21.05 sur France 5
Enquête de santé : Médicaments, la grande pénurie est à voir et revoir sur france.tv

Publié le 26 janvier 2024