D'Atatürk à Erdoğan : la République turque a cent ans

La république de Turquie célèbrera le 29 octobre prochain le centenaire de sa création. À cette occasion, France 5 propose une soirée géopolitique et historique : « Le monde en face » et « La case du siècle » dressent le portrait de deux grandes figures politiques qui se répondent et s'opposent à cent ans de distance et qui incarnent les tiraillements d'un pays né de l'effondrement de l'Empire ottoman. Dimanche 22 octobre à partir de 21.05.

Erdogan, la revanche du sultan © Maximal Production

21.05 Le monde en face : Erdoğan, la revanche du sultan

Avec la crise économique profonde qui touche la société turque, une inflation à plus de 50 %, une pauvreté galopante, et après le séisme de février dernier, qui a fait plus de 50 000 morts et révélé l’incurie de l’État turc, on disait le président Recep Tayyip Erdoğan plus contesté que jamais, au point que son opposition et les puissances occidentales anticipaient une défaite électorale. Pourtant, l'homme fort d'Ankara a été – plutôt bien – réélu le 28 mai 2023 pour un troisième mandat. C’est dire les extraordinaires ressources d’un homme politique aux affaires depuis trois décennies – maire d’Istanbul en 1994, fondateur du Parti de la justice et du développement en 2003, député et Premier ministre la même année, président de la République depuis 2014 –, c’est dire aussi tout l’intérêt de ce documentaire de Romain Besnainou qui dresse le portrait glaçant d’un manipulateur et maître-chanteur hors pair, rêvant de s’asseoir à la « table des grands » et de devenir le leader du monde musulman, le nouveau calife...
À ses débuts en politique, dans un pays encore profondément laïc où les islamistes n’avaient guère voix au chapitre, Erdoğan a su avec habileté mettre en sourdine ses convictions pour incarner un islamo-démocratisme qui a reçu l’aval des Américains et des Européens – après le 11-Septembre, ceux-ci avaient bien envie et besoin de croire en un pays musulman démocratique. Parvenu au pouvoir, il n’a eu de cesse de flatter la frange la plus conservatrice, nationaliste et religieuse de son électorat, jusqu’à s’enfoncer un peu plus dans l’islam politique radical. Ses cibles favorites : les femmes et la communauté LGBT, qu’il insulte et opprime mandat après mandat. Ses ennemis jurés : les Kurdes, qu’il pourchasse dans le nord de la Syrie mais aussi en Suède où, à la faveur de la candidature du royaume nordique à l’OTAN, Erdoğan a provoqué une grave crise diplomatique. À cet égard, la reconversion en 2020 de la cathédrale Sainte-Sophie en mosquée ou le désengagement de la Turquie de la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes, en 2021, ont été des signaux forts.

Erfdogan, la revanche du sultan
Erdogan, la revanche du sultan
© Maximal Production

Plus récemment, le président turc a profité de la guerre en Ukraine pour avancer ses pions. Il est le seul à pouvoir discuter à la fois avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, tout en ayant la confiance – relative – de l’Ouest et de l’OTAN. Mais c’est évidemment du chef du Kremlin qu’il est le plus proche. Les deux autocrates, qui ne reconnaissent que le rapport de force, parlent la même langue. N’ont-ils pas le même but : déstabiliser l’ordre mondial issu de la Seconde Guerre ? La même ambition : inverser le cours de l’histoire et restaurer la grandeur de leurs empires respectifs ?
Car Recep Tayyip Erdoğan est animé par un esprit de revanche. Une revanche sur l’Occident, qui aurait trop longtemps humilié la Turquie ; une revanche sur son enfance modeste dans un quartier pauvre d’Istanbul. Et s’il promet de restaurer la fierté turque, engloutie dans l’effondrement ottoman, s’il se présente comme un nouveau père de la nation, c’est avec l’idée de s’opposer en tous points à Atatürk, l’artisan de la modernisation et de la laïcisation du pays à marche forcée. Et avec le projet néo-colonial de dominer à nouveau tout l’espace post-ottoman.
Erdoğan, incontournable ? Mais à quel prix ? Son pouvoir grandissant représente-t-il une menace pour les démocraties occidentales ? L’homme fort d’Ankara annonce « le nouveau siècle turc ». Il pourrait bien en être le mauvais génie...

À la suite de la diffusion du documentaire, Mélanie Taravant recevra en plateau :
Romain Besnainou, réalisateur du documentaire ;
• Guillaume Perrier, journaliste au service international du journal Le Point ;
• Aysegul Sert, journaliste turco-américaine, enseignante à l’école de journalisme de Sciences Po ;
• Ahmet Insel, politologue et économiste turc.

Documentaire – (2023 – inédit) – Durée 70 min – Présenté par Mélanie Taravant – Réalisation Romain Besnainou – Production Maximal Productions 

Atatürk, le père de la Turquie moderne
Atatürk, père de la Turquie moderne
© AKG

22.55 La case du siècle : Atatürk, père de la Turquie moderne

L’œuvre de Mustafa Kemal est sans précédent dans l’histoire. Fondateur d’une nation et créateur de l’ADN d’un peuple, il est Atatürk, le « père des Turcs ».
Édifiée sur les décombres fumants de l’Empire ottoman, la Turquie a été la première nation musulmane au monde à graver son identité laïque dans le marbre de sa constitution. La seule encore à ce jour, alors que l’on célèbre le centenaire de la création de la République turque le 29 octobre 2023. Contre la théocratie ottomane, contre l’islam des oulémas, contre l’islam populaire, et même contre la volonté de la majorité, Mustafa Kemal impose la laïcité. « Sa » laïcité : le Lâïklik. Une démarche inédite dont la portée résonne toujours dans la Turquie contemporaine, entre filiation et contestation, et bien au-delà.
Au-delà de cette décision politique, il se fixe un objectif fou : forger pour son peuple une nouvelle identité. Adoption de l’alphabet latin, émancipation des femmes, encadrement vestimentaire avec l’interdiction du traditionnel fez, réforme de l’éducation, organisation de la société et même de la vie quotidienne… Il impose sa vision et transforme son pays en profondeur selon ses propres convictions.
Nourri par un ambitieux travail d’archives, ce film documentaire raconte le parcours tout à fait unique d’Atatürk, en dresse le fascinant portrait sans occulter ses parts d’ombre, et interroge son héritage.

Documentaire (2023 – inédit) – 52 min – Un film écrit par Chantal de Rudder & Mickael Gamrasni – Réalisation Mickael Gamrasni – Conseiller historique Alexandre Jevakhoff, auteur de Kemal Atatürk : les chemins de l'Occident et Kemal Atatürk : père fondateur de la Turquie (Éditions Tallandier) – Avec la voix de Mohamed Rouabhi – Musique originale Thomas Mercier – Production Effervescence Doc – Avec la participation de France Télévisions et du Centre National du Cinéma et de l'Image animée et de la RTBF

Publié le 20 octobre 2023