Prix Albert-Londres pour « Daech, les enfants fantômes »

Lors de la cérémonie de remise du Prix Albert-Londres 2023, le 27 novembre, Hélène Lam Trong a reçu le 39e Prix de l'audiovisuel pour  « Daech, les enfants fantômes », diffusé le 2 avril 2023 dans « Le monde en face » sur France 5, un documentaire consacré aux mineurs abandonnés par la France en Syrie après l’écrasement de l’État islamique et qui paient pour les crimes de leurs parents. C’est à voir et à revoir sur france.tv.


En mars 2019, Sara, 15 ans et demi, a réussi à reprendre contact avec ses grands-parents en France et a pu leur annoncer la mort de sa mère (leur fille) et de ses six petits frères, tués au cours de la chute de Daech. Elle vivait alors dans le camp d’Al-Hol, la plus grande prison à ciel ouvert du monde, dans le nord-est syrien sous contrôle de l’autorité arabo-kurde du Rojava. Au même endroit arrivaient alors Malo, 3 mois, et sa mère, la fille d’Albert. Asma a découvert que son neveu, le petit Younès, orphelin, avait été pris en charge par une détenue tunisienne radicalisée dans le camp de Roj. Où vit toujours une autre orpheline, Khadidja, 14 ans, née à Angers, qui a cru un jour partir en vacances en Turquie...

L’enfant doit, en toutes circonstances, être parmi les premiers à recevoir protection et secours.

Déclaration des droits de l'enfant, principe n° 8

Jamais sans doute avant Daech des adultes radicalisés n’avaient aussi massivement entraîné leurs enfants avec eux. Emmenés de force par leurs parents depuis la France jusque sur les terres de l’État islamique, nés sous les bombes de la coalition à Baghouz ou dans la poussière des camps de réfugiés, 500 enfants français sont les victimes collatérales de la radicalisation. Pire : malgré la reprise récente des opérations de rapatriement, certains d’entre eux – environ une centaine – sont traités en coupables : ils sont toujours privés de liberté au nom des crimes commis par leurs parents, sacrifiée par l’État français qui se détourne de leur sort, en violation totale du droit international.
Car, après le discret et insuffisant « protocole Cazeneuve » mis en place en 2014 (rapatriement des familles, incarcération des parents, prise en charge des enfants par les services sociaux), le gouvernement français a annoncé en janvier-février 2019 faire le choix du rapatriement généralisé... avant un revirement spectaculaire – sans doute du fait d’une opinion résolument hostile – et le retour à la politique du compte-gouttes. Désormais, ce serait « au cas par cas ». Mais quel cas ? Plus question de rapatrier des adultes. Et puisque le droit international interdit d’arracher les enfants à leur mère, seuls les orphelins avaient leur chance. Malgré l’absence d’une politique commune, la plupart des pays européens se sont alors alignés sur la position de la France. D’où une situation absurde : dans le même temps, le Kazakhstan, pays assez peu soucieux des droits de l’homme, rapatriait 500 de ses ressortissants en un an.

« Daech, les enfants fantômes »
« Daech, les enfants fantômes »
© Cinétévé

En janvier 2023, après cinq ans d’une indéchiffrable politique, le Comité contre la torture de l’ONU a condamné la France pour son refus de rapatrier les familles. Un blâme de plus dans ce dossier pour le gouvernement, déjà condamné en 2022 par l’ONU pour la « violation du droit à la vie » des enfants des camps, et par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’opacité des réponses apportées par l’État aux familles qui exigent le retour des mineurs.
Abandonnés, victimes de fantasmes nés de la propagande de Daech et de l’emballement médiatique (« enfants djihadistes », « bombes à retardement », etc.), transformés en fantômes, ces enfants ont pour seuls alliés leurs proches restés en France. Derrière l’avocate Marie Dosé, devenue le fer de lance du combat du Collectif des Familles unies, les familles réclament en effet à corps et à cris leur rapatriement. Le droit s’accorde ici avec l’urgence humanitaire. Pour ces mineurs, il n’y a pas d’autre alternative que le retour. Car, quel avenir pour ces petits Français, broyés par des conflits d’adultes, traumatisés à la fois par la guerre, l’incarcération et la séparation, à l’heure où autour d’eux, en Syrie, et jusque dans les camps où ils sont détenus, Daech semble renaître de ses cendres ?

« Daech, les enfants fantômes »
« Daech, les enfants fantômes »
© Cinétévé

Daech, les enfants fantômes

Jamais les filles et fils de criminels n’avaient été punis au même titre que leurs parents : les enfants des djihadistes de Daech sont un cas d’école. Depuis 2019, environ 500 enfants français ont grandi dans des prisons à ciel ouvert, au mépris total de toutes les lois de protection de l’enfance. Ce documentaire retrace cinq années de revirements et de dénis de la part des autorités françaises ; cinq années d’immenses espoirs et de violentes déceptions pour leurs familles, restées en France, qui se battent pour leur rapatriement. Au printemps 2023, plus d’une centaine d’enfants français survivent encore dans le dénuement et la violence des camps d’incarcération syriens.

Documentaire (2023 - inédit) - Durée 72 min - Écrit et réalisé par Hélène Lam Trong - Production Cinétévé - Avec le soutien de la PROCIREP (Société des producteurs) et de l’ANGOA et la participation du CNC - Avec la participation de  France TélévisionsDéconseillé aux moins de 10 ans

À voir et à revoir sur france.tv jusqu’au 26 janvier 2024

Publié le 05 décembre 2023
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