« Colombie : la paix confisquée - Paroles d’otages »

Le Monde en face. Dimanche 14 avril à 21.05 sur France 5

En Colombie, on a pensé que les années noires appartenaient au passé. Mais la menace de la reprise des luttes armées plane. Seize ans après la fin du calvaire d’Ingrid Betancourt, le nombre de personnes kidnappées augmente à nouveau. Malgré tout, des voix s’élèvent pour construire un pays sans vengeance et sans haine. Un grand défi dont les clefs font parfois polémiques.

« Colombie : la paix confisquée - Paroles d’otages » © Capa

Désormais, il est temps pour le pays d’essayer de panser ses plaies. Mais comment aborder la question de la réconciliation nationale après plus d’un demi-siècle de guerre ? Repenser la justice en est l’un des moyens. L’accord de paix signé entre l’État colombien et la guérilla marxiste des FARC en 2018 a instauré un système judiciaire indépendant et créé un tribunal spécial. 9 883 ex-combattants des FARC sont jugés. 338 430 victimes ont déjà témoigné. L’objectif : réincorporer les anciens combattants de la guérilla à la vie civile.

Si les accusés auteurs de ces crimes reconnaissent leur responsabilité, alors les sanctions sont réparatrices. Nous reprenons ici beaucoup d’éléments d’une justice restaurative.

Julieta Lemaitre Ripoll, magistrate, Juridiction spéciale pour la paix

On s’est engagé à révéler une vérité exhaustive pour essayer de réparer les victimes. Autant chez les FARC on a beaucoup menti, autant maintenant il s’agit de dire la vérité.

« Sonia », ex-cheffe des finances des FARC

Les victimes, elles, ne veulent pas d’une justice qui soit un déguisement d’impunité. Elles n’attendent pas de ce tribunal un discours politique ou des justifications idéologiques.

On a envie de se dire : en tant que Colombien comment peut-on prendre la décision de tuer quelqu’un de sang-froid, de séparer des êtres humains de leur famille pendant des années ? 

Ingrid Betancourt, otage de 2002 à 2008

21 000 personnes ont été enlevées par les FARC entre 1980 et 2016. 10 % des captifs ne sont jamais rentrés chez eux.

J’avais 6 ans quand mon père a disparu. Le fait de ne rien savoir de lui ne permet pas d’avoir la paix et la tranquillité. Aujourd’hui, je voudrais juste connaître la vérité, aussi douloureuse soit-elle.

Daniela Arandia, fille de Gerardo Alberto Arandia, enlevé en juillet 2000

Les FARC appelés à témoigner ont eu des gages : pas de prison mais des travaux d’intérêt général comme la construction d’aqueducs ou d’écoles. Certains sont même aujourd’hui députés ou sénateurs et reçoivent un financement important de leur parti.

Moi, j’ai été condamné à la sanction maximale, huit ans d’actions réparatrices. Ce ne sont pas des représailles. Comprendre ce qui nous a plongé dans ces décennies de guerre, ça, la prison ne le permet pas. (Aujourd’hui) je passe de l’action armée à l’action politique par la démocratie.

Pastor Alapa, sénateur du parti des FARC

 Mais, du côté des victimes, le système fait polémique.

Parfois, je fais encore ce même rêve où je sais que je vais mourir. (Eux), ils ont été carrément absous de tous leurs crimes sans devoir faire un seul jour de prison ou assumer les conséquences de leurs actes.

Marc Gonsalves, otage de 2003 à 2008

Ils m’ont volé huit ans et demi de ma vie, ça je l’ai enduré et dépassé. Mais ils ont aussi fait du mal à ma famille, l’angoisse de ne plus avoir de mes nouvelles les a rendu malades et les a fait vieillir prématurément.

John Franck Pichao, otage de 1998 à 2007

Mais d’autres l’approuvent.

Mon objectif est de ne pas être consumée par le ressentiment. Si mon fils me voit souffrant, il ne pourra jamais être heureux. Ma seule issue, c’est le pardon. Pour vivre. Sinon ma croix serait trop lourde à porter.

Clara Rojas, otage de 2002 à 2007

Car il est une étape essentielle pour la réconciliation nationale.

Pour moi, nos efforts doivent tendre vers un vivre ensemble qui nous permette d’aller de l’avant, victimes et bourreaux, dans une même société.

Julieta Lemaitre Ripoll, magistrate, Juridiction spéciale pour la paix

 Colombie : la paix confisquée - Paroles d’otages

Ingrid Betancourt
Ingrid Betancourt.
© CAPA

Documentaire (90 min – 2024 – inédit) – Auteure Julie Peyrard – Réalisation Julie Peyrard et Christophe Astruc – Production Capa – Avec la participation de France Télévisions 

Colombie : la paix confisquée – Paroles d’otages est diffusé dans Le Monde en face dimanche 14 avril à 21.05 sur France 5
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Publié par Béatrice Cantet le 12 avril 2024