Au cœur de la dictature : « Corée du Nord, la dynastie nucléaire »

Qui est véritablement Kim Jong-un, l’héritier nord-coréen d’une dynastie de tyrans ? Comment maintient-il son pouvoir ? Ce documentaire – suivi d’un débat – plonge au cœur de la dictature la plus fermée au monde, devenue une puissance nucléaire menaçante. À voir dans « Le Monde en face » dimanche 26 février à 20.55 sur France 5.

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Im Kang Jing, ex-général de l’armée de Corée du Nord ; il a fui la Corée du Nord en 2015

Dictateurs de père en fils, les Kim font peser sur la Corée du Nord l'un des systèmes les plus répressifs de la planète. Comment celui-ci est-il né ? Et comment a-t-il pu perdurer dans ce petit pays, aux confins de l’Asie, qui a développé son système de défense nucléaire au point de menacer aujourd’hui la planète ? Ce film raconte son histoire et son fonctionnement en donnant la parole à ceux qui y ont vécu, ou même en ont été les rouages avant de fuir. 

Il est pratiquement impossible de recueillir des témoignages libres de l’intérieur de la Corée du Nord. « Le contrôle y est tel que personne ne se risquerait à exprimer ses opinions », précise le commentaire. Le réalisateur Romain Icard est donc parti à la rencontre de ceux qui peuvent témoigner aujourd’hui de ce qu’ils ont vécu avant de fuir ce système dictatorial : simples citoyens, anciens militaires ou diplomates de haut rang, mais aussi anciens ministres et interlocuteurs de premier plan qui racontent comment ils ont dû négocier avec les Kim. 
« Je travaillais si dur pour une vie de misère, je suis venu ici pour avoir une vie meilleure. » Rares sont ceux, parmi les trente mille Nord-Coréens réfugiés à Séoul, qui acceptent de parler, même à visage couvert. « La Corée du Nord est une dictature pure et dure. Si vous ne faites pas partie de l’élite, vous n’avez rien. » Thae Yong-ho, ex-ambassadeur de Corée du Nord à Londres jusqu’en 2016, en faisait partie. Pourtant, il a finalement décidé de ne pas revenir, et s’est engagé en politique en Corée du Sud. « Mon rêve, c’est de montrer au peuple nord-coréen et à l’élite de ce pays comment fonctionne une démocratie. » Mais le prix à payer est très élevé : « Pour des gens comme moi, fuir la Corée signifie qu’il n’y aucun retour possible. Cela veut dire ne plus jamais voir mes proches ni mes amis. » Sa vie aussi est en danger, et il bénéficie d’une garde rapprochée jour et nuit.

Pour comprendre le système nord-coréen, ce documentaire remonte d’abord aux origines de la dynastie Kim : celle de Kim Il-sung, le grand-père de Kim Jong-un, qui en 1945 s’impose avec le soutien des Soviétiques pour devenir le nouveau leader du pays en 1948. « Immédiatement, il s’est attaché à renforcer son leadership dictatorial sur tout le pays, raconteSung-Wook Nam, ex-analyste spécialisé sur la Corée du Nord pour le KNIS, les services secrets sud-coréens. Et depuis cette époque, les principes de base du régime n’ont pas changé. » Fondée sur le juche – « un mélange d’idéologie et de religion », explique Thae Yong-ho –, « l’idée, c’est que les gens doivent regarder tous les Kim comme des dieux ».

Après la mort de son père en 1994, Kim Jong-il prend le pouvoir et s’attelle à développer la technologie nucléaire, avec le soutien technique et financier soviétique. Mais, à la chute de l’empire en 1991, « la Corée du Nord a décidé de devenir autonome, » raconte Joseph Detrani, ex-directeur Asie de la CIA, en charge notamment de pourparlers sur la dénucléarisation avec la Corée du Nord. Cette course à l’arme nucléaire plonge le pays dans une famine terrible qui provoque un million de morts. 

« Corée du Nord, la dynastie nucléaire »
Thae Yong-ho, ex-ambassadeur de Corée du Nord à Londres jusqu’en 2016
© Lionel Jan Kerguistel /Tohubohu

En 2011, lorsque le fils prend la succession de son père, Kim Jong-un semble dans un premier temps amorcer un tournant vers l’ouverture à l’économie de marché et un dialogue pour la paix. Cela ne durera pas : « il a réalisé que ses nouvelles idées mettaient en danger le régime et les règles nord-coréennes », explique Thae Yong-ho. Son oncle Jang Song-thaek, jugé à l’origine de cette politique, fera les frais de ce retour en arrière : il est arrêté puis exécuté. Les grandes purges s’intensifient : une spécialité familiale. 
Pour financer le développement de l’arme nucléaire, le despote utilise les revenus illicites de trafics en tout genre et se spécialise, grâce aux milliers de hackers nord-coréens recrutés, dans les attaques informatiques à grande échelle : « Nous avons utilisé le terme de "gouvernance cybercriminelle" pour décrire ce modèle unique et inédit », précise Alex O’Neill, chercheur au Centre d’études sur la cybersécurité de l’université de Harvard. Les milliards ainsi gagnés permettent de financer ses ambitions. Ankit Panda, ex-consultant à l’ONU sur la non-prolifération nucléaire, explique : « c’est le dirigeant qui a fait devenir son pays une puissance nucléaire ».

Le film raconte comment, désormais, la Corée du Nord va peser sur les équilibres géopolitiques au fil de ses jeux diplomatiques avec les puissants de ce monde, et l’escalade de la violence militaire entre ce petit pays, ses soutiens, et ses ennemis, au premier rang desquels les États-Unis – son ennemi de toujours – et la Corée du Sud. Jusqu’à devenir une menace pour la paix dans le monde.


Extraits

« Je rêve d’une Corée du Nord où on ne meurt pas de faim et où on vit aussi libre qu’ici. » 
Un jeune Coréen anonyme ayant fui son pays


« J’ai plus tard compris que le système nord-coréen ne servait pas le pays ni le peuple, mais ne servait les intérêts que d’une seule famille : les Kim. » 
Thae Yong-ho, ex-ambassadeur de Corée du Nord à Londres jusqu’en 2016


« Kim Jong-un est devenu le bénéficiaire de la seule dictature communiste héréditaire au monde. »
John Bolton, ex-conseiller à la Sécurité nationale du président des États-Unis en 2018 et 2019  


« La haine jusqu’au bout des ongles envers les Américains est la première chose à acquérir. On nous dit que les choses vont mal à cause de ces sales Américains. » 
Im Kang Jing, ex-général de l’armée de Corée du Nord ; il fuit la Corée du Nord en 2015


« C’est un système qui surveille intensivement la population. »
Chul Eun Lee, ex-membre du Bowibu, le service de renseignement intérieur de la Corée du Nord ; il a fui son pays en 2016

« L’arme nucléaire, c’est le cœur de la machine qui soutient le régime. » 
Cheong Seong Chang, directeur du Centre d’études nord-coréennes à Séoul


« Je crois que nous entrons dans une nouvelle ère avec la Corée du Nord : une ère où nous ne voulions pas entrer. »
Joseph Detrani, ex-directeur Asie de la CIA, en charge notamment de pourparlers sur la dénucléarisation avec la Corée du Nord.


Un mot sur le réalisateur, Romain Icard

Romain Icard est auteur-réalisateur d’une vingtaine de documentaires diffusés sur les grandes chaînes françaises (France 2, France 3, France 5, Arte, Canal+). Certains de ses films ont été primés dans de nombreux festivals et diffusés dans plus de vingt pays dans le monde. Auparavant, comme grand reporter, il a réalisé plusieurs reportages, notamment d’investigation. Il est l’auteur de trois livres. Ses terrains de prédilection sont les documentaires de société et d’histoire politique (Robert Badinter, la vie avant tout, 2021 ; La France de l'entre-deux-guerres, 2019...).
Il est par ailleurs producteur au sein de Tohubohu, société de production née en 2018 de l’association avec Stéphanie Schorter, Alban Teurlai et Thierry Demaizière.

Le Monde en face : Corée du Nord, la dynastie nucléaire

« Le Monde en face »
Kim Jong-il - « Corée du Nord, la dynastie nucléaire »
© KRT Propaganda

Kim Jong-un, leader de la Corée du Nord, est le dernier représentant d’une dynastie de dictateurs sans équivalent. En dix ans, comme son père et son grand-père avant lui, il a mis son pays en coupe réglée, s’est affranchi de toutes les lois internationales afin de devenir une puissance nucléaire incontrôlable. Mais que sait-on de Kim Jong-un, de son régime et de ses motivations ? Plongée dans les coulisses de la dictature la plus fermée du monde.

Documentaire (70 min - inédit - 2022) — Réalisation Romain Icard — Production Tohubohu, avec la participation de France Télévisions

Après la diffusion du documentaire, Mélanie Taravant poursuit le débat avec :
Juliette Morillot, journaliste et historienne, spécialiste de la Corée du Nord et de la Corée du Sud ; Barthélemy Courmont, géopolitologue, directeur de recherche du pôle Asie-Pacifique à l’Institut de relations internationales et stratégiques ; Stéphan Gladieu, photo reporter ; Baptiste Robert, chercheur en cybersécurité

Corée du Nord, la dynastie nucléaire est diffusé dans Le Monde en face, présenté par Mélanie Taravant, dimanche 26 février à 20.55 sur France 5
À voir ou à revoir sur france.tv

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